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Analyse de Mauser, Müller

Commentaire d'oeuvre : Analyse de Mauser, Müller. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  3 Novembre 2016  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 474 Mots (10 Pages)  •  893 Vues

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Analyse de Mauser, Müller

        Comme Brecht, Müller va utiliser le théâtre pour déclencher chez le spectateur une réflexion sur la société. Mais, Brecht, qui avait 20 ans à la révolution Russe, était porteur de l’idéologie que la révolution apporterait un avenir meilleur pour l’humain.  Il a, d’ailleurs, exprimé sa solidarité avec le Parti Socialiste Unifié d’Allemagne et  est resté  indéfectiblement lié, par amitié avec des dirigeants de l’Union Soviétique. Malgré tout il se pose un certain nombre de questions sur l’homme, alors ses pièces didactiques  incitent non seulement  le spectateur à réfléchir sur la société mais aussi sur la propre place de l’homme dans celle-ci. Tout repose sur la relation entre l’individu et le collectif.

         Alors Müller qui  a décidé de continuer sa vie sous le régime de la RDA, parce que c’est un milieu qui lui offre les situations propres à l’écriture de ses pièces, devient très critique envers le régime, bien qu’il rêve lui aussi de créer une nouvelle société. Donc il reprend à son compte, et  dans le monde politique où il vit, la question « qu’est-ce qu’un être humain »?  Dans cette société, l’idée sous jacente est  que tant que la révolution n’a pas abouti, que la société n’est pas meilleure, la population doit se sacrifier, l’individu doit rester au service de la collectivité.  

        Il va tenter de répondre à la problématique dans Maüser, production écrite en 1970. Pièce didactique qui garde l’effet de distanciation grâce à deux personnages anonymes, des discours longs répétitifs rappelant les litanies et une narration continue, sans découpage scénique. Elle utilise le procédé du théâtre épique, le chœur ayant différentes missions dont celle de donner une dimension tragique et épique, de marteler un enseignement et de rappeler en écho le discours ou l’action en cours.

        Muller, a bien pris conscience que la société où il vit est en recherche perpétuelle : La révolution n’a pas d’aboutissement, elle est un « continuum de construction de la société ». Mais il a bien compris aussi qu’il faut prendre en considération l’individu, l’humain, dans la formation de la collectivité. Il va, à travers Mauser, proposer au spectateur une autre vision : cette révolution éternelle sans aboutissement, utopique,  va détruire l’individu pour nourrir son propre fonctionnement collectif. Le travail est organisé par la collectivité, ou plutôt ses représentants, et cette collectivité à son tour organise l’homme dans le but de se poursuive.

        On organise le travail collectivement pour atteindre un monde meilleur dans un futur lointain.

        Quelques-uns nourrissent, certains  fabriquent, et d’autres tuent. La mort est donc un travail comme les autres. Le leitmotiv déclamé par le chœur, et repris par le personnage A, traduit la banalité de la mort « Sachant : Le pain quotidien de la révolution dans la ville de Witebsk, comme dans d’autres villes est la mort de ses ennemis, sachant : L’herbe même il nous faut l’arracher afin qu’elle reste verte. » (8 déclamations tout au long du texte). Arracher la mauvaise herbe, est un travail banal, qui est accompli sans état d’âme. Il s’agit de convaincre qu’il ne s’agit pas d’élimination d’un être humain : «  Et on continua de tuer,[ …] de semblables à lui […] de semblables à moi » A, p55 , puis « Ta mission n’est pas de tuer des hommes, mais des ennemis car l’homme est inconnu […] nous ne saurons pas que c’est un homme» Chœur p56.  En niant l’état humain de celui qui va être tué, en lui collant l’étiquette « ennemi », on convainc l’exécuteur de la nécessité de ce travail, de sa normalité. D’autant que le traitement réservé à « l’ennemi » doit servir d’apprentissage : « Ce qui compte c’est l’exemple, la mort ne signifie rien. » Chœur, p57

        De plus, ce travail est organisé en hiérarchie : Il existe le soldat de la révolution, le bras armé exécutif de l’ordre donné parle tribunal révolutionnaire, etc… jusqu’aux membres du Parti. La mort a une fonction de travail comme une autre : « C’est une tâche comme n’importe quelle autre, défoncer les crânes et tirer. » A, p46. Pour déculpabiliser aussi, pour éviter le doute, cette hiérarchie permet de partager les responsabilités : il n’y a pas de ressenti, d’émotion entre celui qui donne l’ordre, éloigné, dans un bureau, sur le papier et l’acte de mort, et entre l’exécuteur direct qui n’a pas décidé la mise à mort. Nulle émotion

dans l’acte, pas de haine, pas de douleur, un travail comme un autre, ce qui s’oppose à la prise de conscience des responsabilités de l’exécutant : « Et nous le tuâmes de ma main …» A, p50, il s’inclut dans la décision,  alors que le chœur déclamait la formule « Nous les avons tués de ta main. », ce « Nous » représentant la voix décisionnelle, la voix du parti p43)

        D’autre part, comme le but, le monde meilleur est utopique, il n’y a jamais de fin à ce système d’organisation collective, au travail prévu :

« C’est une main de plus à notre gorge, car ta main n’est pas ta main, tout comme ma main n’est pas ma main,  tant que la révolution n’a pas vaincu définitivement. » Chœur, p49

« Puisque le naturel n’est pas naturel mais l’herbe il nous faut l’arracher et le pain il nous faut le recracher jusqu’à ce que la révolution ait vaincu définitivement. » Chœur, p49

Autre leitmotiv, (neuf déclamations) qui sert à légitimer les éliminations, dans l’attente d’un jour où cela ne sera plus nécessaire.

L’ennemi est donc à éliminer, sinon pas d’avenir possible : « … Loge en nous le passé qu’il faut arracher, [...] qu’il faut enterrer.» La conviction qu’il y a une fin à l’état présent, qu’il sera alors temps de construire l’homme, est inscrite dans l’idéologie.  « La révolution vaincra, sinon l’homme ne sera pas » Chœur p57.  Et c’est au nom de cette idéologie, que se trouve la légitimité du travail de tuer. Mais le temps de la révolution est indéfini, sans fin : « Cessera-t-on de tuer quand la révolution aura vaincu. La révolution vaincra-telle. Combien de temps encore. » A, p57. Voici trois interrogations marquées par la syntaxe des phrases,  (cessera-t-on, vaincra-t-elle, combien) mais qui ne sont pas de réelles  questions, puisque, aucun point d’interrogation ne les terminent. On peut même supposer une articulation « plate », sans intonation interrogative. L’effet est de donner la réponse à ses interrogations : on ne cessera de tuer, puisque la révolution n’aboutira pas.

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