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Spinoza la superstition traité théologico-politique

Commentaire de texte : Spinoza la superstition traité théologico-politique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Novembre 2022  •  Commentaire de texte  •  3 114 Mots (13 Pages)  •  372 Vues

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Expliquez le texte suivant:

“Nous voyons que les plus adonnés à tout genre de superstition ne peuvent manquer d’être ceux qui désirent sans mesure des biens incertains; tous, alors surtout qu’ils courent des dangers et ne savent trouver aucun secours en eux-mêmes, implorent le secours divin par des vœux et des larmes de femmes, déclarent la Raison aveugle ( incapable elle est en effet de leur enseigner aucune voie assurée pour parvenir aux vaines satisfactions qu’ils recherchent) et traitent la sagesse humaine de vanité; au contraire, les délires de l’imagination, les songes et les puériles inepties leur semblent être des réponses divines; bien mieux, Dieu a les sages en aversion; ce n’est pas dans l’âme, c’est dans les entrailles des animaux que sont écrits ses décrets, ou encore ce sont les insensés, les déments, les oiseaux qui, par un instinct, un souffle divin, les font connaître. Voilà à quel point de déraison la crainte porte les hommes.”

                                         Spinoza, Traité théologico-politique.

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

                                                 Pour faire sa place à l’irrationnel on déclare fréquemment la raison incapable de répondre aux questions dernières que se posent les hommes. Comment éviter la maladie, deviner l’issue d’une guerre ou savoir ce qu’il en sera de notre avenir en général, seraient des questions qui laissent la raison face à ses limites et demandent qu’on recourt à d’autres outils comme l’interprétation des songes, des nombres et de tous autres signes. C’est ce qu’on appelle la superstition, parfois même la foi qui prend en charge l’incertitude du sort des hommes lorsque la raison se tait. Pour mieux combattre ces égarements, il faut en diagnostiquer la source, en saisir les ressorts. C’est ce que fait en partie ce texte de Spinoza qui y voit le fait du désir mal orienté sur des “ biens incertains” et surtout mu par la crainte. Mais l’adversaire ne se contente pas de ses égarements, il fait procès à la raison en s’appuyant sur ce qu’elle ne fait pas, et s’appuie à l’inverse sur l’imagination. Il y a, donc, dans ce texte une montée en puissance dramatique du procès fait à la raison par la superstition (ou croyance mal construite). Car la superstition  se mêle à la religion et disjoint Dieu et la Raison pour lui faire prendre la sagesse en aversion et recourir à la démence et à la déraison pour exprimer ce qu’il y a au-delà des limites de la raison humaine. Dès lors se pose à nous la question de savoir comment la raison peut combattre la crainte à la source de ces égarements du désir et si la raison seule peut ramener les hommes perdus et éperdus à elle ou bien s’il lui faut aussi compter sur une bonne orientation du désir?

                                        Les superstitions sont multiples et il ne sert à rien de les énumérer toutes, mais un comportement les fait toutes se ressembler c’est la manière qu’ont les hommes de s’y “adonner”, renonçant ainsi à une vie réglée dans laquelle ils seraient maître de leur activité. En un sens on ne pratique pas une superstition, c’est la superstition qui nous domine, s’empare de nous et nous fait, de manière rituelle, répéter les mêmes gestes et attendre, dans l’inquiétude, les résultats d’interrogations multiples. Car, avant d’être superstitieux, l’homme est dans l’attente de l’avenir et de son incertitude; s’il se contentait de vivre au présent, attaché à des buts immédiats il n’y aurait pas lieu d’espérer ou de craindre quoique ce soit. Sans doute, la source de toute vie est le désir, il est son moteur et ce qui permet de se conserver et reproduire, mais le désir est tension vers un bien ou objet extérieur à lui. Au présent il aime ou il hait, c’est-à-dire est attiré ou repoussé par un objet présent, cet objet peut être défini comme un bien, lorsqu’il satisfait le désir. Mais pour l’avenir, il espère ou craint, car l’avenir du point de vue du désir est indéterminé et donc incertain parce qu’il est hors de la portée de notre action immédiate et dépendant de causes multiples pour son avènement. Or, justement, ce vers quoi se tend le désir le plus souvent c’est ce qui n’est pas encore, il s’entretient dans l’incertitude de ce qui ne dépend pas de nous. Mais cette tendance du désir à se tendre vers le futur n’est pas suffisante pour expliquer la superstition, c’est pourquoi l’auteur y ajoute “sans mesure”. En effet, l’absence de connaissance réglant par l’appréhension des causes des choses la possibilité de parvenir à satisfaire son espoir ou  à repousser la crainte, une certaine incapacité à calculer intelligemment, produit une tension démesurée vers l’objet qui devient ainsi constante et envahissante.

                                                    .L’auteur, cependant, ajoute une connotation négative au désir tendu dans l’attente de l’avenir, c’est “le danger “qui nourrit la superstition et le renoncement qui l’accompagne à ne compter que sur ses propres forces et donc à attendre d’autrui , et de sa puissance l’écart du danger lorsqu’ on ne peut plus compter sur soi. A la démesure de la crainte du danger correspond l’ampleur du secours demandé. Le secours est donc divin. On peut, en effet, penser que lorsque l’avenir se présente positivement, on s’en remet au bonheur de sa réalisation, sans avoir besoin d’autre secours que du hasard. La joie et le plaisir portent moins à la superstition et à la prière que la tristesse  et la crainte devant le danger. Les moyens primitifs de la mauvaise croyance sont l’illusion que l’ordre des choses n’obéit pas à des lois nécessaires, mais dépend de la demande et de l’expression de la volonté, que le créateur puisse se laisser attendrir par “des larmes de femmes”. C’est une certaine idée de la finalité et de l’intervention extraordinaire de Dieu qui est aussi engendrée par la crainte du danger et qui conteste les recours ordinaires de la connaissance rationnelle.

                                        C’est pourquoi la Raison est déclarée aveugle. C’est là une étape supplémentaire dans l’édification de la superstition que cette critique de la raison par la passion. Car la passion négative qu’est la crainte demande à la raison de satisfaire des désirs qui ne s’appuient pas sur le possible, présent ou futur, selon des causes et des effets connaissables par les lois de la nature, mais des désirs fondés sur l’imagination donc sur de l’inexistant et de l’impossible. Pour Spinoza, il semble que l’imagination soit trompeuse parce qu’ elle repose sur une anticipation sans calcul des fins imaginairement poursuivies. Le superstitieux craint, par exemple, que la pluie ne détruise sa récolte et ainsi son moyen d’enrichissement ou le courtisan craint que la venue d’un désaccord diplomatique ne contrarie son désir de gloire, et surtout il n’y a pas de “voie assurée” pour parvenir à son but, car l’anticipation des causes lointaines fait l’économie des analyses précises des causes connues les plus proches qui obéissent à des lois universelles et donc face à cet obscurantisme la Raison (c’est-à-dire Dieu même)est déclarée tout autant aveugle et plongée dans l’ignorance que la raison humaine qui n’est qu’une image de la Raison universelle et totale. Ainsi la “sagesse humaine”, cette connaissance des causes et effets selon des lois de la nature sans mystère est déclarée vaine donc inutile et prétentieuse par son incapacité à dissiper les mystères de l’obscurantisme. C’est l’aveugle qui déclare aveugle ce qui ne le satisfait pas immédiatement.

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