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La tolérance suppose-t-elle la vérité ?

Dissertation : La tolérance suppose-t-elle la vérité ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Janvier 2021  •  Dissertation  •  2 269 Mots (10 Pages)  •  766 Vues

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« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que

vous puissiez le dire ». La formule, attribuée à Voltaire, est sans doute apocryphe mais illustre parfaitement l’attitude de l’homme tolérant vis-à-vis de ses adversaires. Cette citation prouve que l’on tend naturellement à voir dans la tolérance cette capacité à respecter, voire à promouvoir des pensées qui heurtent pourtant nos propres convictions. Étymologiquement, le mot tolero signifie « endurer, souffrir, supporter patiemment » : serait considéré comme intolérant un homme qui ne supporterait pas qu’on défende des vues différentes des siennes ou qui s’empresserait de vouloir convertir celui qui ne pense pas comme lui.

Mais, au-delà de cette définition théorique, la tolérance suppose et implique des enjeux à la fois épistémologiques et politiques : on peut envisager que la tolérance n’est pas cette vertu suprême mais traduis une certaine indifférence face à la vérité. Cette notion de vérité reste complexe et a été depuis la naissance de la philosophie le théâtre multiples doctrines qui s’opposent. Certains, comme les sophistes, pensent que la vérité est relative au point de vue de chacun et qu’il n’y a pas de vérité absolue. D’autres, comme Platon, prétendent que la connaissance consiste à savoir ce que sont les choses en elles-mêmes, objectivement, indépendamment de l’opinion que l’on peut en avoir. Ainsi, la philosophie, parce qu’elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d’accès et des critères du jugement vrai.

La tolérance n’est-elle donc pas la conséquence d’un certain scepticisme qui suppose que toute valeur et vérité sont relatives et que toute considération d’accéder à la vérité ne peut être qu’illusoire ?

Il conviendra d’abord analyser l’approche commune selon laquelle la tolérance incarne l’attitude de celui qui adopte une position relativiste. Puis, il sera envisagé la dimension nécessairement positive de la tolérance, qui suppose que l’on s’engage dans la défense de certaines convictions. Il s’agira enfin de voir en quoi, loin d’être une tranquille indifférence à la vérité, la tolérance peut être appréhendée comme une vertu intellectuelle et une condition de toute pensée.

La tolérance est une attitude qui aujourd’hui va de soi et est inscrite dans nos

sociétés démocratiques, fondées sur le pluralisme et la relativité des valeurs ainsi que la vérité.

Tout d’abord, la tolérance vis-à-vis d’opinions ou de pensées repose sur un paradoxe. En effet, tolérer signifie consentir à accepter ce qu’on pourrait empêcher. Or, la liberté de pensée et d’expression est de droit et nous n’avons pas réellement prise sur les croyances d’autrui. Il y a donc bien là un premier paradoxe qui mérité d’être souligné : celui qui se dit tolérant vis-à-vis des pensées d’autrui s’accorde, implicitement, un droit et un pouvoir qu’il n’a pas. Aussi, plus que de la tolérance, c’est de respect qu’il conviendrait de faire preuve vis-à-vis des pensées d’autrui, lorsque nous sommes en désaccord avec celles-ci. On peut toutefois justifier ce recours à la notion de tolérance en matière d’opinion en prenant la mesure de ce que Paul Ricœur nomme, dans son article Tolérance, intolérance, intolérable, « la violence de la conviction ». Le philosophe remarque qu’« il y a potentiellement quelque chose d’intolérant dans [toute] conviction » dans la mesure où « nous n’admettons pas facilement que ceux qui ne pensent pas comme nous aient le même droit que nous [...], ce serait donner un droit égal à la vérité et à l’erreur. »

D’autre part, en société, on tolère autrui même si l’on est d’un autre avis sur sa manière de penser (en politique par exemple) ou de vivre (homosexualité...). Une telle attitude se justifie par le caractère fini, dont parlait déjà Pierre Bayle, de la connaissance humaine : nous ne pouvons connaître la vérité, ni en déterminer les critères absolus. Dès lors, la tolérance consiste à respecter le droit inaliénable de l’individu à penser conformément à ses propres convictions parce qu’il n’y a pas en effet de vérité, ou de principe transcendant absolu, et traduit par là le règne du subjectivisme : toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de les exprimer. Le relativisme est aussi mis en valeur, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de vérité absolue et que les valeurs ou la morale sont variables et dépendent des contextes socio-historiques. L’État lui-même, comme affirmait Locke dans sa Lettre sur la tolérance, se doit de ne pas contraindre les individus et de respecter leurs opinions. Néanmoins, il est vrai que la pensée porte en elle une exigence d’universalité qui explique pourquoi lorsque nous sommes convaincus de la vérité de certaines thèses, il nous est difficile de ne pas juger insupportable tout désaccord. C’est aussi sans doute la raison pour laquelle nous en venons à nous juger tolérant lorsque nous parvenons à faire preuve d’indulgence vis-à-vis des erreurs d’autrui. Nous nous jugeons tolérants, car nous résistons à cette pente naturelle de notre esprit qui nous incline à une forme de fanatisme. Le philosophe Alain définit d’ailleurs la tolérance comme « un genre de sagesse qui surmonte le fanatisme, ce redoutable amour de la vérité ». Cette formule rappelle que le fanatique se reconnaît d’abord au fait qu’il ne supporte pas de laisser les autres dans l’erreur, qu’il vit cela comme une façon de trahir la vérité, de lui être infidèle.

Ce souci de la vérité est incarné par le fanatique, qui s’oppose à la tolérance, car il est capable de mettre sa vie en jeu pour ses pensées et juge qu’il y aurait une forme d’injure à ne pas s’irriter contre son contradicteur. C’est pourquoi aussi le fanatique se croit autorisé à forcer l’accord en usant de violence, lorsqu’il ne parvient pas à l’obtenir librement par la persuasion. Par ailleurs, prenant au pied de la lettre l’injonction christique « Contrains-les d’entrer », Saint-Augustin a écrit : « L’Église persécute par amour, les autres par la haine [...] ». C’est au fond la position de ce grand zélateur de la tolérance qu’est Voltaire lorsqu’il écrit : « Qu’est-ce que la tolérance ? C’est l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs ; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature. »

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