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ARISTOTE - Politiques - "l'homme est un animal politique"

Commentaire de texte : ARISTOTE - Politiques - "l'homme est un animal politique". Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Janvier 2020  •  Commentaire de texte  •  3 900 Mots (16 Pages)  •  2 481 Vues

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Au XVIIème et XVIIIème siècle, des philosophes se penchent sur le passage de l’homme de son état de nature à l’état civil. Pour comprendre dans quel but et comment les hommes se sont transformés en citoyens, ces philosophes s’attachent à décrire la transition par laquelle les hommes, en tant que créatures naturelles et isolées, ont adopté un mode de vie social et ordonné par des lois. Cependant, près de dix siècles plus tôt, Aristote, dans sa Politique, alors qu’il s’interroge sur la distinction entre l’homme et l’animal, s’oppose point par point aux thèses que développeront les penseurs du « contrat social » tels que Rousseau ou Hobbes. Aristote en vient à soutenir que l’homme est par nature un animal politique : l’homme est naturellement fait pour vivre dans une forme d’association politique (la Cité), qui n’est propre qu’à l’espèce humaine et ne se retrouve chez aucun autre animal.

Pour démontrer sa thèse, Aristote s’appuie sur un présupposé métaphysique : la conception finaliste de la nature, qui veut que tout a une fin. Ainsi c’est en suivant les lois de la nature, et non par leur volonté, que les hommes se sont regroupés en communautés politiques.

Mais on voit un paradoxe dans l’expression même d’« animal politique » : si c’est en tant qu’animal, c’est-à-dire en tant qu’espèce naturelle, que l’homme est politique, comment expliquer que tout ce qui est animal et naturel ne soit pas politique ? En d’autres mots, pourquoi l’homme serait-il le seul être vivant naturellement voué à une existence politique ? D’autant plus qu’il semblerait à première vue que la réunion en société se retrouve dans d’autres espèces animales, chez les abeilles, les fourmis ou les animaux vivant en meutes par exemple. Qu’est-ce qui permet donc d’affirmer que l’homme est un animal politique, de manière plus évidente que les animaux grégaires ?

La réponse d’Aristote réside dans le langage, et dans la spécificité humaine de son usage : l’homme est le seul être vivant à posséder le langage (logos), autrement dit la capacité de formuler un jugement et de le partager avec d’autres. C’est donc parce qu’il possède le langage qui lui permet de concevoir des idées générales et par suite d’exprimer des valeurs communes avec d’autres individus que l’homme a été amené à former des communautés politiques.

Faut-il donc voir le langage comme une condition nécessaire à la réalisation de la vocation politique de l’homme ?

Nous tenterons d’éclairer ce problème philosophique en explicitant le texte d’Aristote et en nous appuyant sur l’exemple de l’Enfant Sauvage, film de François Truffaut relatant l’histoire de Victor de L’Aveyron, enfant trouvé au XVIIIème siècle en forêt et qui, malgré les tentatives d’éducation du docteur Itard, restera socialement inadapté. L’analyse du texte d’Aristote met en lumière une argumentation en trois temps. Tout d’abord, le philosophe légitime sa définition de l’homme comme animal politique en conjurant un fait (l’homme possède le langage) à un axiome (la nature ne fait rien en vain). Dans un second temps, il développe la spécificité du langage humain, montrant que le langage humain ne se réduit pas à la simple communication d’états sensoriels. Enfin, Aristote prouve en quoi le langage humain a une importance politique parce qu’il permet de mettre en commun des valeurs morales.

En premier lieu, Aristote montre que la différence spécifique entre l’homme et l’animal se situe dans le langage, que seul l’être humain possède.

Le philosophe grec commence par poser sa définition de l’homme : « Il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire ». C’est donc dans l’activité politique de l’homme que réside la différence fondamentale entre l’homme et l’animal. Cette définition est articulée autour d’un appel à l’évidence qui a un but précis dans son raisonnement : « [ce qui] est évident » est ce qui se voit de soi-même, ce qui se montre et vient directement à l’esprit sans exiger de démonstration. La définition de l’homme selon Aristote associe donc un genre (animal) et une différence spécifique (politique) : c’est le caractère politique de l’homme qui spécifie l’homme au sein du genre animal. Or la formulation-même de la phrase est ambiguë, car l’adverbe « plus » pourrait à première vue amener à penser que la différence entre l’homme et l’animal grégaire n’est qu’une différence de degré : il y aurait continuité entre le troupeau, la meute ou la ruche des abeilles et la société humaine, celle-ci s’en distinguant simplement par son organisation plus complexe. Y-a-t-il donc une différence de degré ou d’essence entre l’homme et les autres animaux ?

Aristote y répond en posant ensuite l’idée de rupture entre le caractère grégaire de certains animaux et le caractère politique des sociétés humaines en énonçant sa thèse : « seul parmi les animaux l’homme a un langage ». C’est le langage qui fait véritablement la spécificité de l’être humain. Cependant, l’appel au phénomène (l’homme possède le langage) est insuffisant pour justifier la nature politique de l’homme. Pour quelles raisons la Cité se constituerait-elle différemment du troupeau ou de la société des abeilles ? Aristote fait donc appel à un axiome, un présupposé métaphysique qu’il n’appartient pas de démontrer : « la nature ne fait rien en vain ». Le philosophe a en effet une conception finaliste du monde : tout ce qui existe a un but prédéfini par la nature. L’organisation naturelle n’est pas laissée au hasard, tout ce qui est naturel se définit par sa finalité interne, sa cause finale, et Aristote rejoint déjà l’idée de Leibniz selon qui « rien n’est sans raison » dans le réel. Cette conception finaliste de la nature peut se comprendre aisément en ce qui concerne les animaux autres que l’homme, qui semblent obéir constamment aux lois de la nature : les loups se réunissent en meute pour chasser plus efficacement, et le loup solitaire aura une faible chance de survie. En revanche, il est plus compliqué de comprendre l’intervention de la nature dans l’organisation des sociétés humaines, et c’est sans doute ce qui amènera les philosophes contractualistes à concevoir la société comme institution humaine artificielle fondée sur un « contrat ». Le philosophe anglais Thomas Hobbes voit la société humaine comme une association nécessaire pour pallier à l’état de guerre qui caractérise l’état de nature de l’homme, de telle sorte que soit mis en place un pouvoir capable de

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