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Les revirements de jurisprudence

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Par   •  13 Novembre 2020  •  Cours  •  2 094 Mots (9 Pages)  •  836 Vues

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Le revirement de la jurisprudence à l’époque contemporaine

        « Le juge n’est plus officiellement la bouche de la loi », écrit Nicolas Molfessis dans son rapport de 2004. Il reprend ici les mots de Montesquieu, qui dit que le juge ne peut être que « la bouche de la loi ». Montesquieu écrit donc que le juge ne doit pas avoir de pouvoir législatif, il doit dire le droit et se contenter d’interpréter la loi. Ceci s’inscrit dans le contexte des temps de Montesquieu ainsi que de sa théorie : la séparation des pouvoirs doit être claire, nette et précise. À l’inverse, Molfessis énonce que le juge, à notre époque, a dépassé ce simple rôle de diseur de loi, et est presque devenu un faiseur de loi. Implicitement donc, Molfessis énonce le principe de jurisprudence. La jurisprudence désigne l’ensemble des arrêts et jugements qu’ont rendus les Cours et les Tribunaux pour la solution d’une situation juridique donnée. La jurisprudence n’est pas une loi, mais une solution trouvée par le juge pour résoudre une situation. Le juge a interdiction de rendre des « arrêts de règlements », des arrêts qui feraient office de loi. Le juge n’est par ailleurs pas forcé de suivre une jurisprudence, car celle-ci ne fait pas état de loi ; ainsi, sur une situation juridique en tout point pareil, un juge peut rendre un jugement différent de celui de son collègue. N’étant pas figée, on peut assister à ce qu’on appelle un revirement de jurisprudence : cela consiste en tout changement d’interprétation du droit, jusque-là appliqué, qu’opère une juridiction et en particulier la Cour de Cassation. C’est, en d’autres termes, l’abandon par les tribunaux eux-mêmes d’une solution qu’ils avaient jusqu’alors admise. Ces revirements peuvent être causés par l’évolution des progrès scientifiques et technologiques dans une société, mais aussi celle des mentalités, qui mène alors les juges à porter un regard différent sur une situation juridique. On peut donc se demander de quelle manière les revirements de jurisprudence et leurs conséquences influencent le droit de notre époque. Après avoir démontré le principe rétroactif de la jurisprudence (I), nous verrons les revirements de jurisprudence pour l’avenir (II).

I. Le principe rétroactif de la jurisprudence

        Le revirement de jurisprudence a un principe rétroactif inhérent à la définition et au statut de la jurisprudence. Cette dernière n’est pas une loi, et n’est donc pas soumise à l’article 2 du Code Civil. Ainsi, une règle de droit jurisprudentielle peut s’appliquer à des situations antérieures nées avant son adoption. D’abord, nous verrons pourquoi la jurisprudence est rétroactive (A), et ensuite nous étudierons les principes de cette rétroactivité (B).

        a) Les raisons de la rétroactivité de la jurisprudence

        Nous pouvons constater avec l’aide de l’article 4 de Code Civil que « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». Le juge est donc obligé de rendre un jugement, en interprétant la loi. On peut élargir cela à la jurisprudence. La norme interprétative, elle aussi, est rétroactive, elle va rétroagir au jour de la norme qu’elle interprète. Cela insiste sur l’idée qu’une même norme ne peut pas avoir deux sens différents à deux moments données. Définit comme l’impossibilité de dire qu’une loi possède deux sens différents, pour exemple il est impossible de dire que jusqu’a une certaine date la loi avait un sens en particulier et que depuis une autre date elle en a un autre. La loi n’a donc qu’un seul sens. Par la jurisprudence, un juge peut changer l’interprétation que la société, à un moment donné a d’une loi. Ainsi rétroactivement le système juridique va considérer que la loi à toujours son sens, mais complété par la jurisprudence. Cela implique forcément une jurisprudence rétroactive sachant qu’elle est interprétative. On peut citer en exemple l’ancienne position de la Cour de Cassation sur le sujet du transsexualisme et du changement d’état civil ; dans un arrêt du 11 décembre 1992, « lorsque à la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme, ne possède plus tous les caractères de son sexe et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence ». À partir de ce moment-là, le changement d’état civil par une personne transsexuelle a été possible dans le droit français.

        b) Principes de la rétroactivité de la jurisprudence

        Aucun texte dans le droit français n’a légiféré sur la rétroactivité de la jurisprudence, contrairement à l’article 2 du Code Civil qui dispose : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». La loi intervient avant que la personne agisse, car nul n’est censé ignorer la loi, alors que la décision du juge, et donc la jurisprudence, intervient après que les faits ont été commis. La rétroactivité de la jurisprudence est donc inhérente à sa nature. Les revirements de jurisprudence amplifient la rétroactivité. En effet, le juge va apprécier des faits antérieurs par le prisme d’une nouvelle règle. Ainsi, un exemple illustre parfaitement la rétroactivité des revirements de jurisprudence. En 1974, un médecin procède à un accouchement par voie basse : le bébé se présente par le siège. L’enfant né handicapé. Une fois adulte, ce dernier se retourne contre le médecin, en se fondant sur une jurisprudence de la Cour de Cassation de 1998 qui oblige les médecins à informer les mères des risques possibles d’un accouchement par voie basse quand le bébé se présente par le siège. Les juges du fond rejettent la demande de l’enfant en arguant que, en 1974, les médecins n’étaient pas tenus d’informer les femmes sur un tel risque. Ils jugent donc que la jurisprudence applicable ne peut que être celle qui existe au moment des faits. L’enfant se pourvoit en cassation ; la Cour tranche l’affaire dans le sens du demandeur dans un arrêt rendu en 2011. Elle estime que nul ne peut se prévaloir d’une jurisprudence figée, car cette dernière n’est pas une loi, et peut changer au cours du temps et ne pas rester immuable. En résumé la jurisprudence dit une certaine chose depuis un certains temps mais celle-ci peut changer à tout moment. Nous pouvons retrouver ce principe dans l’article 5 du Code Civil, qui dispose que le juge ne rend pas de décisions générales et réglementaires. Cela revient à dire que dès lors qu’un juge rend une décision elle concerne uniquement la personne jugée, ne s’imposant donc pas aux autres juridictions. Nous n’avons donc pas de droit acquis à une jurisprudence qui est figée.

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