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Lecture analytique n°4 Albert CAMUS, L’Étranger (1942), incipi

Fiche : Lecture analytique n°4 Albert CAMUS, L’Étranger (1942), incipi. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Février 2016  •  Fiche  •  3 243 Mots (13 Pages)  •  1 954 Vues

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Lecture analytique n°4

Albert CAMUS, L’Étranger (1942), incipit

INTRODUCTION

Nous avons sous les yeux un extrait du célèbre roman L’Etranger, que l’on doit à Albert Camus. Cet écrivain, né en Algérie en 1913, et qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1957 (soit trois ans avant sa mort), s’est illustré dans différents genres : il fut journaliste, essayiste (on connaît notamment ses œuvres Le Mythe de Sisyphe, publié en 1942, la même année que L’Etranger, et L’Homme révolté), il écrivit des pièces de théâtre comme Caligula ou Les Justes, et ses romans sont restés célèbres, comme La Peste ou La Chute. Dans toutes ses œuvres, Camus proclame l’absurdité du destin de l’homme mais prône, face à cet absurde, une attitude de révolte qui s’oriente vers les plus hautes valeurs spirituelles et morales : ses héros incarnent donc souvent ce passage du sentiment de l’absurde à la révolte. (= remarques générales)

L’Etranger est un roman qui porte bien son titre, puisque Meursault, le protagoniste et narrateur, s’illustre par son incapacité à être présent au monde, du moins à la société telle qu’elle existe, avec ses conventions et ses impératifs. Il est étranger à tout sentiment, à toute introspection et est plutôt guidé par ses sensations. Ses sensations l’emportent toujours sur la raison, le sens éventuel de la vie qu’il mène, profondément insipide et banale. (= présentation de l’œuvre)

Nous avons affaire à l’incipit de l’œuvre, et ce seuil est d’une grande originalité : nous découvrons, au sein d’un récit qui débute in medias res (= en plein milieu de l’action), la réaction étrange, ou peut-être l’absence de réaction justement, du personnage principal face à un événement tragique, la mort de sa mère. (= situation de l’extrait)

LECTURE DU PASSAGE

PB : Dans quelle mesure cet incipit illustre-t-il le titre de l’œuvre tout entière ?

        Comment cet incipit plonge-t-il le lecteur dans un récit étrange et absurde ?

  1. Etude des caractéristiques de l’incipit : la mise en place d’un récit plein d’étrangeté, qui soulève des questions

Les informations délivrées et la manière ambiguë dont elles sont données plongent le lecteur dans un certain malaise.

1) Le cadre spatio-temporel : entre précision et opacité

Le récit est ancré dans le réel, mais les indices de temps restent flous. D’une part, certes, les indices spatiaux sont précis (« à Marengo », « 80km d’Alger », « à deux km du village », « deux heures de route »), avec des nombres et des chiffres qui rendent l’évocation précise dans un souci d’illusion du réel, notamment grâce au soin accordé à la dénomination des distances entre les différents lieux. Certes également, plusieurs lieux précis, concrets sont évoqués, qui renvoient tous d’ailleurs à la notion de cellule sociale, de lieu de vie en communauté : le centre hospitalier ou maison de retraite (« asile de vieillards », « restaurant, chez Céleste ».

= Tous ces indices permettent d’ancrer l’action dans un contexte, celui de l’Algérie française, dont le lecteur connaît les contours.

Mais, dès le début du roman, l’évocation du temps et de la durée pose des difficultés nombreuses. D’une part, les références à la situation d’énonciation (=moment de l’écriture) sont multiples : « aujourd’hui », « hier », « demain » (= noter, d’ailleurs, que passé, présent et futur sont réunis dans ces deux lignes liminaires, comme si le temps était ramassé, condensé en un seul moment, toujours identique, toujours semblable à lui-même [auj = hier, comme l’indique l’épanorthose (= correction de qqch qui vient d’être dit) « Aujourd’hui… Ou peut-être hier », qui suggère que cela relève du détail et qu’aujourd’hui est la même chose qu’hier]), « après-demain », « dans l’après-midi », « pour le moment », « il y a quelques mois », « pendant tout ce temps », « il y a trois ans ». Ces références à la situation d’énonciation provoquent une impression de simultanéité, de concomitance entre les émotions vécues et le moment de l’écriture : le lecteur comprend immédiatement qu’il plonge dans les pensées d’un être en train de vivre ce qu’il raconte. Mais, en même temps, il nous donne très peu de repères précis pour situer l’action dans une époque, une période : absence étrange de dates auxquelles il pourrait associer les événements de sa vie, en opposition avec la précision des durées. Tout se passe comme si le personnage vivait dans l’instant présent sans repères chronologiques et sociaux clairs… De plus, la perception qu’a le narrateur (qu’on découvre par le point de vue interne) du temps trahit une obsession chez lui pour les chiffres (« à deux heures », à deux reprises, l.4 et 12, au sein d’une phrase répétitive ; « deux jours de congé », l.5 ; « deux heures de route », l.40), mais ces chiffres sont vidés de leur sens dans la mesure où ils ne sont pas associés à des repères précis.

= D’emblée, le lecteur est confronté à un cadre étrange, qui oscille entre des références précises, sur la durée notamment, et une absence de repères généraux… On comprend que le narrateur est englué dans le présent, dans l’instant et sa durée, sans pouvoir s’en extraire pour envisager le temps de manière plus globale, ce qui crée une impression bizarre.

2) Les personnages et leurs relations avec le protagoniste-narrateur

- Tout d’abord, le narrateur reste anonyme : il reste longtemps un simple « je », dont le nom est donné tardivement (l.27-28 : « Mme Meursault »), et de manière doublement indirecte (le patronyme apparaît en désignant sa mère et dans la bouche du directeur de l’asile). D’autre part, il n’est affublé d’aucun prénom, et il ne sera jamais désigné par son prénom dans l’ensemble du roman : tout se passe comme si son état-civil, qui demeure indécis, n’avait aucune importance. Dans tous les cas, c’est le signe d’une identité aux contours indistincts.  

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