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Dans quelle mesure une oeuvre de fiction littéraire peut-elle inciter à réfléchir sur le monde et sur soi?

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Par   •  18 Octobre 2018  •  Dissertation  •  1 512 Mots (7 Pages)  •  1 002 Vues

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Sujet : « Dans quelle mesure une œuvre de fiction littéraire peut-elle inciter à réfléchir sur le monde et sur soi ? »

        « Et tout le reste est littérature », lance Verlaine à la fin de son célèbre Art poétique de 1874. Cet envoi ironique reprend une critique souvent adressée à la « littérature » comme art du mensonge et du divertissement. Quel crédit accorder à des textes de fiction tout droits issus de l’imagination d’auteurs trop inventifs ? Cet anathème jeté sur les fictions, au premier rang desquels romans et nouvelles, mais aussi contes et fables, épopées et pièces de théatre, fut longtemps le prétexte pour renvoyer au second plan, derrière la Bible ou l’Histoire positive, la brillante imagination qui séduit les lecteurs crédules.

        Il convient donc de se demander dans quelle mesure une œuvre de fiction littéraire peut inciter à réfléchir sur le monde et sur soi.

        Miroir de nos existences, la littérature nous renvoie à toutes les situations humaines que nous pouvons être amenés à connaître, tant sur un plan social et collectif que dans nos sentiments les plus intimes. Mais une œuvre de fiction ne peut et ne doit servir stricto sensu uniquement d’avertissement ou de ferment intellectuel ; c’est avant tout une expérience sensible qu’un auteur nous invite à faire en éprouvant cette seconde vie rêvée que nous propose la littérature en ses mille personnages et situations. Au final, le sens d’une œuvre, son enseignement profond ne peut se dégager que d’une seconde réflexion, d’une méditation attentive à partir des exemples de vie qu’elle nous propose, dans une interprétation toujours en cours et toujours mouvante.

  1. La littérature comme miroir
  1. L’identification au personnage de fiction
  1. Personnage héroïque et rêvé : le preux chevalier (Lancelot, Gauvain, Perceval) ; Jean Valjean, victime d’un système judicaire à réformer ; le Comte de Monte-Cristo (d’Alexandre Dumas), redresseur de torts
  2. S’identifier à un destin « normal » : les premiers pas de l’anti-héros avec Madame Bovary, dans le roman éponyme de Flaubert (1857) ; Frédéric Moreau, du même auteur, dans L’Education sentimentale (1869) ; le Narrateur de A la Recherche du temps perdu (1913-22) de Marcel Proust, cherchant sa voie d’écrivain à travers des textes d’essai imparfaits et tâtonnants ;
  3. Un personnage repoussant ? La notion d’antihéros peut-elle aller jusqu’au dégoût ? L’Etranger de Camus montre un Meursault veule et meurtrier, dénué de sentiments apparents et menant une existence toute superficielle et creuse : la plage, le cinéma, l’amour avec Marie ; mais ni mariage, ni deuil correctement mené, aucune implication sociale, nulle politique et le néant culturel (jamais de livre, de théâtre, de danse, de peinture, de religion même). Est-ce le monstre froid que l’on envoie à l’échafaud « parce qu’il n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère » (et peut donc tuer sans remords, risquant de recommencer à la moindre occasion) : un monstre moral ?

Or, La fin du roman, le chapitre V de la 2e partie, nous montrera, dans la prison, son ouverture à la sensibilité, bruits et odeurs de la ville, à la poésie de la nuit, son amour de la vie, toutes dimensions humaines qui étaient comme atrophiées en lui et absentes, mais en sommeil. C’est pourquoi son exécution capitale nous apparaît si barbare dans les dernières lignes, renversant l’acte d’accusation envers la société : L’Etranger (1942) est un grand roman contre la peine de mort.

  1. Le réalisme comme reflet du réel
  1. La naissance du roman réaliste, que l’on situe dans Le Rouge et le Noir (1830) en France, montre une volonté du roman de se rapprocher du monde réel en quittant les sphères de l’exploit et de la haute société. Nous sont montrés les paysans avides d’argent (le père Sorel, père du héros, Julien), les nobles de Province imbus d’eux-mêmes, « suffisants et bornés », nous dit Stendhal de M. de Rênal, maire de la « petite ville de Verrières, les religieux jésuites, intrigants intéressés capable de s’enrichir tout en nuisant à un homme pur (l’abbé de Frilair, grand vicaire de l’évêque, travaillant sans relâche à faire renvoyer le directeur du séminaire, accusé de jansénisme, l’abbé Pirard). La société de la Restauration, avec son tournant vers la révolution industrielle, son retour des nobles et de la Royauté, la puissance de l’Eglise et sa peur d’un nouveau Napoléon, qu’incarne ici Julien Sorel, est tout entière montrée par Stendhal. De nombreuses forces en présence alors restent vivaces aujourd’hui encore, presque deux siècles plus tard. En ce sens, la littérature est une grille de lecture du réel, elle en dévoile les arcanes.
  2. Balzac et les dessous de l’époque Louis-Philippe (1830-1848)

L’œuvre de Balzac prolonge et approfondit celle de Stendhal avec les 99 romans de sa Comédie humaine, vaste ensemble formant comme un double littéraire de la société contemporaine de Balzac, celui que l’on a surnommé « le Napoléon des lettres ». Les manœuvres des arrivistes, ceux qui réussissent comme Eugène de Rastignac (Le Père Goriot, 1834), ou ceux qui échouent, tel Lucien de Ruempré (Illusions perdues, 1841-47), les pères qui sacrifient toute leur fortune pour des filles brillamment mais mal mariées, les calculs d’un jeune homme pour épouser une riche héritière (le marquis d’Ajuda-Pinto, dont l’histoire est racontée par Mme de Beauséant), les crimes qu’il faut commettre pour s’enrichir rapidement (le bagnard Vautrin proposant une combinaison criminelle à Eugène pour empocher les millions d’un père avare) : tous ces dessous sordides et peu reluisants nous sont dévoilés par Balzac, qui sait aussi mettre en valeur les nobles ambitions, les sacrifices sublimes, les énergies hors pair. Le réalisme devient dès lors un code de lecture de la société aux apparences trompeuses et hypocrites ; comment ne pas réfléchir à partir de toutes ces situations touchantes et tragiques ?

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