Une Oeuvre Litteraire Peut Elle Et Doit Elle Argumenter ?

Dissertation

Sujet

A votre avis, une œuvre littéraire peut-elle et doit-elle argumenter ?

Vous répondrez à cette question en un développement organisé en vous appuyant sur les textes du corpus ainsi que sur les textes que vous avez étudiés cette année.

A cette question, on peut répondre en une phrase qui résumera les trois parties du développement :

(1) La littérature dispose certainement de moyens qui lui permettent d’argumenter efficacement (2) et l’écrivain doit s’engager dans les luttes de son temps, (3) mais l’œuvre littéraire ne peut se limiter à argumenter : elle remplit aussi d’autres fonctions.

PLAN DÉTAILLÉ DU DÉVELOPPEMENT

1. Thèse 1 : La littérature peut argumenter. Elle dispose des moyens qui lui permettent de le faire efficacement.

b. Argument 1 : Pour agir sur le destinataire, la littérature peut varier les genres selon le sujet abordé et le public visé.

Exemple 1 : Les contes (pour un public jeune) ; le théâtre (représentation ; dialogues et mise en scène afin de susciter des émotions. On peut citer à cet effet Ruy Blas et sa dimension sociale ou Rhinocéros, la pièce de Ionesco) ; l’essai destiné à un public plus averti et que l’on souhaite faire réfléchir en faisant appel à sa raison (cf. les articles de Camus)…

c. Argument 2 : L’œuvre littéraire peut également varier les registres afin de susciter des sentiments divers chez le lecteur. Encore une fois, et selon ses intentions, l’écrivain adapte à son public la forme qu’il donne à son message.

Exemple 2 : Registre oratoire dans le discours de La Boétie, lorsqu’il incite le peuple soumis à la révolte. Dans le poème de Prévert, registre lyrique pour communiquer au lecteur la nostalgie d’un passé détruit par la guerre ; registre ironique dans De l’horrible danger de la lecture pour exprimer une prise de position ferme et inviter le lecteur à se distancier afin de mieux prendre conscience des défauts d’une société à laquelle il appartient.

2. Thèse 2 : La littérature doit argumenter. L’écrivain, romancier, dramaturge ou poète, ne peut rester indifférent aux luttes de son temps.

a. Argument 1 : L’écrivain est investi d’une mission sociale. Il parle au nom de ceux qui ne savent ou ne peuvent le faire. Dans ses œuvres, il ne peut donc occulter les événements politiques et sociaux qui lui sont contemporains.

Exemple 1 : l’éditorial de Combat, de Camus. L’écrivain s’exprime autour d’un sujet d’actualité. Il prend position parce qu’il est conscient de la gravité de la situation et attire l’attention sur l’inconscience de ceux qui s’enthousiasment pour le lancement de la bombe atomique sur Hiroshima. Il est conscient également de l’importance de son rôle et de celui de tout artiste : éveiller les hommes et dénoncer ce qui menace les hommes dans leurs droits les plus élémentaires.

b. Argument 2 : La littérature fait progresser la réflexion politique et influe sur l’évolution d’une société (cf. Sartre, Discours de Suède).

Exemple 2 : Rappeler l’engagement des écrivains à certains moments de l’Histoire : les philosophes des Lumières en général, Voltaire et l’affaire Calas, Zola et l’affaire Dreyfus, Hugo et Napoléon III, etc.

3. Thèse 3 : Mais l’œuvre littéraire, œuvre d’art avant tout, ne peut se limiter à être un outil de dénonciation ou de contestation. Elle a d’autres fonctions à remplir.

a. Argument 1 : Même lorsqu’elle est porteuse d’idées et qu’elle s’engage à dénoncer des abus, l’œuvre littéraire ne peut se commettre dans le prosaïque ni dans la contingence qui se périme et perd de sa force avec le temps : les messages qu’elle porte doivent accéder à un degré d’intemporalité pour traverser le temps, transcender la réalité concrète. L’auteur d’une œuvre littéraire parle toujours du monde et de soi, il « s’engage » donc toujours personnellement et toute écriture est une prise de position par rapport au monde. Mais il s’agit davantage d’une « vision » du monde que d’un exposé d’idées.

Exemple 1 : Au-delà du contexte social ou politique dans lequel l’œuvre littéraire a été écrite, elle résiste à l’épreuve du temps grâce justement à son universalité. On ne se souvient pas à quelle guerre Rimbaud fait allusion dans son « Dormeur du val », Napoléon III n’est plus empereur et le contexte dans lequel son poème « Chanson » a été écrit a bien changé, mais ces poèmes continuent à toucher et à plaire parce qu’ils constituent une condamnation non pas d’une guerre ou d’une injustice précises, mais de la guerre et de l’injustice en général. On peut également citer ici « Le Loup et le Chien » de La Fontaine ou Matin brun de Franck Pavloff.

b. Argument 2 : La littérature n’a pas pour seul but le débat d’idées : l’idée ne doit pas « tuer » l’art. L’œuvre littéraire est avant tout une œuvre d’art. Son objectif principal reste donc la quête du beau. Au lieu de se confiner dans le réel, elle doit distraire et émouvoir, procurer au lecteur un certain plaisir, une forme d’« évasion ».

Exemple 2 : Rappeler Baudelaire : « La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de défaillance, s’assimiler à la science ou la morale ; elle n’a pas la Vérité pour objet, elle n’a qu’Elle-même. »

De même, noter l’importance que La Fontaine accorde à la forme et au récit dans ses fables (fable poétique, dramatisation, registre, etc.), au point que la morale semble parfois accessoire : « plaire » prend le pas ici sur « instruire ».

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