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Appollinaire

Commentaire de texte : Appollinaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Janvier 2022  •  Commentaire de texte  •  2 624 Mots (11 Pages)  •  261 Vues

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MARIE – COMMENTAIRE LINÉAIRE

Accroche : A Henri Martineau qui qualifiait de « brocanteur » Apollinaire dans son compte rendu publié dans le Divan en juillet-août 1913, Apollinaire répondit pour se défendre : « Je crois n’avoir point imité, car chacun de mes poèmes est la commémoration d’un événement de ma vie et le plus souvent il s’agit de tristesse, mais j’ai aussi des joies que je chante. »

Apollinaire : 1913 est l’année d’Apollinaire. Agé de trente-deux ans, il est alors en pleine possession de ses moyens de créer. Il est un journaliste et chroniqueur d’art reconnu au service de la peinture nouvelle : paraissent, à un mois d’intervalle, Les Peintres cubistes, Méditations esthétiques et Alcools.

Contexte historique : 1913 marque également une période de crise profonde qui va aboutir à la première guerre mondiale. En effet, la période est lourde d’incertitudes et de menaces : les nationalismes s’intensifient, en France avec l’élection de Raymond Poincaré à la présidence de la République et la formation du gouvernement Barthou, et hors de France avec notamment le durcissement de la politique allemande et la deuxième guerre des Balkans. L’Europe est fragilisée. Mais en dépit des périls qui s’annoncent, les artistes européens fraternisent et échangent. Les revues littéraires abondent, les expositions picturales se multiplient, les manifestes et les programmes artistiques se font jour : une effervescence culturelle se produit, à laquelle Apollinaire prend une part active.

Contexte littéraire (1) : Si Apollinaire se choisit un nom pour entrer en poésie, armé comme un dieu des faisceaux de l’astre solaire, il n’a pas surgi ex nihilo au-devant de la scène poétique. Il prend place dans un champ culturel balisé, saturé d’une part le symbolisme, qui a dominé grosso modo la période 1886-1900 et qui voit ses valeurs s’estomper au tournant du siècle : ni les promesses du rêve, ni les pouvoirs évocatoires du symbole et de la musique, ni les leçons cryptées des mythes réactualisés, déclarés aptes toutefois en leur temps à dépasser la réalité matérielle en vue d’une seule et unique aspiration : l’Idéal ne semblent en mesure désormais de satisfaire une sensibilité nouvelle formée au contact d’un monde en mouvement, fait de vitesse, de changements idéologiques, d’innovations artistiques et technologiques. La modernité symboliste pressentie par Baudelaire et inaugurée selon des voies individuelles par Verlaine, Mallarmé et Rimbaud, si elle occupe encore le champ culturel de l’époque, n’est plus vraiment d’actualité. Apollinaire sera l’héritier de cette esthétique (Le larron, l’ermite, Salomé) mais finira par l’abandonner dans un renouvellement moderne de l’écriture poétique.

Contexte artistique (2) (focus) : En effet, l’année où paraît, aux éditions du Mercure de France, le recueil Alcools, Apollinaire s’est fait une place dans le camp des « modernes », de ceux qui incarnent l’esprit nouveau, et notamment chez les peintres, qu’il soutient en tant que journaliste et chroniqueur d’art au service de la peinture nouvelle. C’est en 1912-1913 que s’amorce un écartèlement entre ceux qui restent attachés à un ancrage figuratif dans la peinture, comme Picasso et Braque, et ceux qui choisissent la voie de l’abstraction comme Picabia ou Delaunay, ami d’Apollinaire dont l’influence pèse dans ses articles Les Peintres cubistes et Méditations esthétiques. Si Apollinaire se nourrit des apports novateurs de cette révolution picturale, il serait abusif de parler de cubisme en littérature. (Le cubisme, au même titre que le futurisme, participe de cet élan de renouveau qui vise à rompre tout lien avec l’art bourgeois et sa peinture académique. Il n’est plus question d’imiter les modèles picturaux du passé : loin d’offrir une « vue » de la nature, ordonnée selon les lois d’une figuration réaliste. Le peintre dit cubiste se donne comme une vision intériorisée et intellectuelle. Il est un constructeur, il invente des formes et des volumes et favorise par leur agencement le surgissement d’un rythme plastique inattendu.

Dans ce recueil Alcools (1913), la pièce intitulée « Marie » conjoint élégie et lyrisme amoureux typiquement romantiques mais d’une façon très originale. L’amour est un thème cher à Guillaume Apollinaire. Citons dans Alcools par exemple « La Chanson du mal aimé », « Cors de chasse » ou le

« Pont Mirabeau ». Ce dernier est d’ailleurs très proche de celui-ci, lui faisant écho à travers de nombreuses évocations.

Marie, composé de cinq quintils parait d’abord dans une revue en 1912 et avec toute sa ponctuation. Il évoque, de part son titre le sujet : il commémore « les souvenirs déchirants » relatifs « aux graves discordes survenues en 1912 » avec Marie Laurencin. Mais bien davantage, la perte de l’être aimé donne à Apollinaire l’occasion de définir son approche personnelle de l’amour. (Marie est l’anagramme d’aimer). Cet écart se retrouve dans l’évocation même de

« Marie ». Le portrait de Marie dressé en effet dans ce poème semble indéfini. On peine à retrouver les traits de la « vraie Marie », à savoir Marie Laurencin. En somme, on semble avoir à faire à une Marie universelle. Et n’est-ce pas aussi cette Marie évangélique, dépouillée de son pouvoir charnel qu’a voulu évoquer Apollinaire ? La question mérite d’être posée.

Les cinq quintils qui se succèdent ne semblent pas s’articuler de façon logique. On sent bien leur cohérence interne mais il ne parait pas y avoir d’articulation claire et pleine d’une strophe à l’autre. Chacune semble être une actualisation particulière d’un amour mis à distance. Et ce sont ces actualisations, jaillies de l’écriture poétique que peut se dégager une actualisation nouvelle et globale de cet amour remémoré.

Problématique : comment Apollinaire renouvelle-t-il les thèmes traditionnels chers aux romantiques que sont l’amour perdu et l’écoulement du temps dans une vision et une écriture poétiques modernes ?

LECTURE

I) La première strophe évoque l’absence de l’être aimé, à travers une incertitude oscillant entre le souvenir émerveillé et l’espérance de son retour, par un processus de distanciation et de neutralisation où Marie semble disparaitre, à la fois physiquement et du temps présent.

Vers 1 et 2 : le poète débute par une question adressée à la femme aimée, portant sur l’adverbe de lieu « Y ». Répété deux fois sans plus d’information, cette interrogation laisse planer le mystère sur cet endroit. De plus, en la vouvoyant dans un processus de mise à distance, entre l’enfant et la mère-grand, la femme, intermédiaire implicite se trouve escamotée. Cette impression s’accroît avec les périphrases de « petite-fille » et de « mère-grand » par lesquelles il l’interpelle et qui signalent la présence d’un intertexte, le conte de Perrault « le petit Chaperon rouge » qui commence ainsi « il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore ». La procédure est redoublée au niveau du système des temps verbaux : v.1 : « dansiez » imparfait ; v.2 : « danserez », futur. Là aussi, l’élément médian, le présent manque. La Femme, refoulée dans le passé ou renvoyée dans l’avenir, est supprimée du présent.

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