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Le processus de mise en couple de français, descendants d’immigrés d’origine maghrébine, sahélienne, et turque

Étude de cas : Le processus de mise en couple de français, descendants d’immigrés d’origine maghrébine, sahélienne, et turque. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  2 Février 2014  •  Étude de cas  •  2 762 Mots (12 Pages)  •  842 Vues

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À partir d’un matériau qualitatif reposant sur plus de 200 entretiens biographiques et complétés par les données statistiques tirées de l’enquête « Trajectoires et Origines » (TeO) [1], l’ouvrage explore les processus de mise en couple de Français, descendants d’immigrés d’origine maghrébine, sahélienne, et turque. Il importe de s’attarder un instant sur la définition opérationnelle des « Français descendants d’immigrés » mobilisée dans l’enquête. Il est en effet ici question d’explorer la formation conjugale de femmes et d’hommes dont les deux parents ont immigré. En effet, comme le montrent les données de l’enquête TeO, les parcours de mise en couple de ces derniers se démarquent de ceux d’individus dont un parent est Français sans ascendance migratoire par une tendance nettement plus faible à former des unions mixtes. D’autre part, contrairement à la définition d’usage dans la statistique française, sont inclus dans la catégorie « Français, descendants d’immigrés » non seulement les individus nés en France de parents immigrés mais également ceux nés à l’étranger et ayant immigré en France avant l’âge de 11 ans. Cette définition permet donc de mettre l’accent sur le processus de socialisation et de saisir la portée du « double lien » (p. 56) commun à ces deux catégories de population, dans le processus de mise en couple : un rapport intergénérationnel d’un côté, et de l’autre des trajectoires sociales (carrières scolaires, professionnelles et parcours résidentiels, en particulier) effectuées en France.

Des facteurs culturels et sociaux sont mis en avant afin de légitimer le choix des zones géographiques d’émigration retenues pour l’étude. En particulier, B. Collet et E. Santelli soulignent le fait que ces populations ont hérité d’un fond culturel et religieux commun, se traduisant notamment par des valeurs patriarcales susceptibles de régir les pratiques matrimoniales. Bien que ces spécificités ethnoculturelles soient fortement façonnées par les caractéristiques familiales et les expériences personnelles des enquêtés, selon les auteurs, l’individu hérite d’un univers de références normatives pouvant faire émerger préférences et convictions relatives à son choix conjugal. De plus, le processus de minorisation subi par les descendants d’immigrés musulmans en France est susceptible d’influencer les revendications identitaires de ces derniers, et par là même, les pratiques culturelles qu’ils déploient. Enfin, ces populations tendent à partager l’expérience d’une précarité socioéconomique plus importante que celle des Français sans ascendance migratoire. L’enquête TeO montre notamment que ces derniers sont surreprésentés dans les quartiers qualifiés de ZUS (« Zone Urbaine Sensible ») et sensiblement plus touchés par le chômage. En identifiant les spécificités ethnoculturelles, mais aussi sociales et économiques, communes à ces groupes, les auteurs révèlent ainsi le souci de livrer une analyse s’éloignant des raccourcis culturalistes : si l’un des objectifs est bien de cerner dans quelle mesure les normes et valeurs transmises par la famille contribuent à façonner les pratiques conjugales des enquêtés et à les distinguer de celles des Français sans ascendance migratoire, il s’agit de comprendre, simultanément, comment ce processus est traversé par des logiques sociales. À travers une investigation détaillée de la « socialisation préconjugale », les auteurs mettent notamment en évidence comment les cadres résidentiel et scolaire peuvent modifier, renforcer, ou amoindrir le poids des normes relatives aux pratiques amoureuses, sexuelles, et conjugales inculquées par la famille.

Le choix conjugal : homogamie ou endogamie chez les descendants d’immigrés ?

Depuis les années 1960, en mobilisant le concept d’homogamie sociale, la sociologie de la famille s’est principalement intéressée à la concordance des caractéristiques sociales des individus dans la formation conjugale, « tout en admettant que les deux conjoints se choisissent librement » (p. 33). Ainsi, à partir d’une telle conceptualisation, l’impact des logiques collectives dans les formations conjugales n’a été que rarement exploré. De plus, cette lacune a sans doute été partiellement renforcée par le fait que les travaux de la discipline ont exclusivement porté sur les pratiques de la population majoritaire, chez qui la proximité ethnoculturelle au sein d’un couple n’a pas fait l’objet d’une analyse fine visant à déconstruire et mieux comprendre les logiques collectives à l’œuvre. Par ailleurs, comme l’indiquent B. Collet et E. Santelli, « en ce qui concerne les couples d’immigrés ou de descendants d’immigrés, la sociologie de la famille ne s’y est pas intéressée explicitement », cette thématique, précisent-elles, relevant « du champ de la sociologie de l’immigration alors qu’il s’agit, pour les descendants, de personnes nées ou ayant grandi en France » (p. 34). L’analyse des parcours de mise en couple des descendants d’immigrés que nous propose cet ouvrage contribue simultanément à enrichir les outils théoriques de la sociologie de la famille et à combler une importante lacune empirique en avançant nos connaissances sur les spécificités conjugales de cette population minoritaire. En introduisant le concept « d’homogamie socio-ethnique », l’analyse livrée ici propose de complexifier la théorisation en terme d’homogamie/hétérogamie, en tenant compte de la concomitance des logiques sociales et des réalités ethnoculturelles – celles-ci se manifestant par le degré de prégnance de la norme d’endogamie dans le processus de formation conjugale. À travers ce concept, l’analyse permet en outre d’éviter les écueils d’une perspective dualiste opposant le groupe à l’individu, la « contrainte invisible » au « libre arbitre », la « tradition » à la « modernité ». Il s’agit bien plutôt ici de comprendre comment le processus d’individualisation s’articule avec les stratégies de maintien d’un « entre-soi » de groupe dans l’élaboration du lien conjugal, la tension entre le libre arbitre et la « contrainte invisible » étant placée au cœur de l’analyse. L’outil conceptuel élaboré permet également de comparer les pratiques conjugales des personnes interrogées avec celles de la population majoritaire en même temps qu’elle donne à voir les variations de l’arbitrage entre contrainte et libre arbitre, et donc d’appréhender les processus de mise en couple de la population d’étude dans toute leur diversité.

Trois types d’entre-soi conjugal

Trois manières d’articuler

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