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Le Paritarisme

Commentaire de texte : Le Paritarisme. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  26 Mai 2014  •  Commentaire de texte  •  2 239 Mots (9 Pages)  •  515 Vues

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Au fur et à mesure que la Sécurité sociale monte en puissance - tant par le nombre de personnes couvertes que par l'ampleur de ses prestations - la démocratie sociale s’efface pour être peu à peu remplacée par le paritarisme. Ce changement d’appellation n’est pas uniquement sémantique.

On commence à parler de paritarisme à partir des années soixante à un moment où la Sécurité sociale achève son essor. Les « pionniers », incarnés dans de nombreuses caisses par les militants syndicaux, laissent place à des « administrateurs » qui vont s’éloigner de la direction quotidienne des caisses pour jouer un rôle plus politique et institutionnel.

Le travail des partenaires sociaux s’organise alors en commissions (finance, action sociale, etc.) et les administrateurs se voient confier, de par leur statut politique, un rôle important de représentation et de défense des intérêts des caisses dans les nombreuses instances où elles doivent siéger (par exemple, les commissions diverses d’action sociale ou de développement social local pour les caisses d’Allocations familiales). A ces ressources politique et symbolique fortes (prise en compte de la voix des organisations syndicales dans l’élaboration et le suivi des politiques sociales), il faut ajouter les ressources matérielles importantes (heures de délégations, crédits de formation) dont disposent les organisations syndicales pour mener à bien leur action4.

Cependant, cette activité est de plus en plus dépendante des « services » qui préparent en amont tous les dossiers examinés par les administrateurs. Ainsi, au moment même où l’action des syndicats se politise et s’institutionnalise, on assiste à l’émergence des « techniciens », gestionnaires salariés des organismes de Sécurité sociale qui vont constituer peu à peu une véritable « élite du welfare ».

Cette dernière est constituée à la fois par les directions salariées, directement issue de la Sécurité sociale et par certains hauts fonctionnaires d’Etat. Les premiers sont passés par une école d’application fondée en 1960 (le Centre national d’Etudes supérieurs de la Sécurité sociale - CNESSS). Ils maîtrisent à la fois les codes de l’institution mais également ses rouages. Ils vont faire de la Sécurité sociale une entreprise comme les autres en y transposant des méthodes de management, de gestion ou de ressources humaines quasi absentes jusque-là.

Ils sont appuyés et surtout encadrés par les grands corps de l’Etat qui investissent directement la Sécurité sociale ou sa périphérie. Ainsi, depuis la réforme Jeanneney de 1967 portant création des caisses nationales de Sécurité sociale, ces caisses sont dirigées par des énarques.

Par ailleurs, l’action quotidienne des organismes est de plus en plus supervisée par des hauts fonctionnaires, notamment ceux de la Direction de la Sécurité sociale et de l'Inspection générale des Affaires sociales. Ces nouvelles figures, qui s’érigent peu à peu en technocratie, vont gagner à la fois en autonomie vis-à-vis des administrateurs mais également en poids au fur et à mesure que l’institution se complexifie et que la nécessité d’un efficacité managériale et gestionnaire prend le pas sur le politique.

Les partenaires sociaux vont ainsi passer d’un rôle de « dirigeants actifs » prenant au quotidien des décisions sur l’activité des différentes branches, à une situation de « dirigeants politiques » certes garants du fonctionnement et des grands principes de la Sécurité sociale mais progressivement dessaisis de leurs prérogatives. La conséquence est leur éloignement du fonctionnement quotidien des caisses au fur et à mesure qu’elles deviennent des organismes de plus en plus sollicités par la population et que leur gestion se complexifie. Le paritarisme est donc une période de transition entre la période pionnière de construction du système et la période actuelle – celle de la crise de l’Etat providence – plus difficile à définir.

L'impuissance des syndicats face à la crise de l'Etat providence

Depuis 30 ans environ, l’affaiblissement du rôle et de la place des partenaires sociaux va encore s’accentuer avec les déficits chroniques que connaît la Sécurité sociale.

Le mode de gouvernement ambigu de la Sécurité sociale peut fonctionner sans trop de heurts dès lors que la situation économique est bonne et que les rentrées de cotisations sociales lui permettent d’assurer sa fonction sociale. La situation devient difficile lorsque la crise économique s’installe. Non seulement la hausse importante du chômage à partir de la fin des années soixante-dix prive la Sécurité sociale de ses ressources de fonctionnement mais il l’oblige à jouer à plein son rôle redistributif.

Les déficits se creusent et surtout s’accumulent obligeant la Sécurité sociale à se réformer. Le système et principalement sa branche Maladie connaissent, en moyenne, un plan de réforme tous les 18 mois à partir de 1975. Or, les partenaires sociaux – spécialement les syndicats - n’en sont jamais à l’origine alors même que la réforme de 1967 les rend garants de l’équilibre financier des différentes branches. L’Etat échafaude des plans que les directions de caisses mettent en oeuvre. Les partenaires sociaux sont gestionnaires mais n'assument pas ce rôle de garants puisqu'ils ne sont jamais à l'origine des mesures correctrices. De son côté, l’Etat décide sans pour autant assumer son rôle de gestionnaire.

Une sorte de statu quo s’installe ainsi jusqu’à la fin des années quatre-vingt dix au détriment de la lisibilité du mode de gouvernement de la Sécurité sociale, imposant progressivement l'image d'un gigantesque navire désemparé, sans capitaine ni pilote, image dont pâtit aujourd’hui encore la Sécurité sociale.

Quelques réformes, marquantes du point de vue de la gouvernance, vont faire évoluer le système sans clarifier entièrement les responsabilités. Deux d'entre elles sont particulièrement importantes. Celle de 1996 introduit le Parlement dans la conduite politique des affaires de la Sécurité sociale ; la réforme Douste-Blazy de 2004 instaure un directeur général autonome vis-à-vis des partenaires sociaux. Si le gouvernement de la Sécurité sociale n'est guère plus lisible après ces réformes, elles sont autant d’étapes marquantes dans la lente perte de pouvoir des syndicats.

En enlevant notamment aux « conseils » leurs attributions « d’administration » et, plus concrètement, leur pouvoir de nomination des directeurs de caisses, la réforme Douste-Blazy met fin aux dernières prérogatives d’importance laissées au paritarisme. Elle consacre

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