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Coulangeon les métamorphoses de la légitimité

Fiche de lecture : Coulangeon les métamorphoses de la légitimité. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Mars 2017  •  Fiche de lecture  •  3 112 Mots (13 Pages)  •  731 Vues

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Philippe Coulangeon, né en 1968 est un sociologue français directeur de recherches au CNRS. Ses thèmes de recherche concernent la sociologie des pratiques culturelles, la stratification sociale des goûts, la culture de masse et les inégalités. Près de trente ans après la parution de La distinction de Bourdieu qui s’intéresse au capital culturel, il travaille sur les inégalités et la démocratisation culturelles, et publie en 2010, dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, une étude sociologique intitulée « les Métamorphoses de la légitimité. Classes sociales et goût musical, 1973-2008 », en référence à La Distinction . Cette étude faisant part de nombreuses évolutions au sein de la structure sociale et des goûts en matière de musique démontre toutefois que même si les frontières entre culture savante et culture populaire se sont déplacées, avec l'émergence de la notion d'éclectisme, ce n'est pas pour autant que les mécanismes de distinction culturelle se sont affaiblis.

Coulangeon explique tout d’abord que La distinction de Bourdieu, reste l’objet de critiques académiques. Les particularismes culturels de la population française ainsi que la période couverte rendraient la généralisation de ses conclusions problématique. Il s’appuie sur l’exemple des goûts musicaux, l’opposition entre musique savante et musique populaire s’apparentant au clivage classes supérieures et classes populaires serait en train de céder la place à un clivage nouveau opposant des classes supérieures omnivores (ayant un répertoire éclectique) à des classes populaires univores (ayant un répertoire plus exclusif). Néanmoins, ces critiques de la distinction ne sont pas convaincantes, on tend parfois à prêter à Bourdieu une cartographie déterministe de la correspondance entre les goûts et l’espace des positions sociales alors que l’hypothèse de la banalisation des œuvres savantes ou de la consécration du répertoire populaire n’est pas incompatible avec La distinction.                   Coulangeon explique qu’il vaut mieux se questionner sur le rôle des clivages culturels dans les rapports de dominations sociaux. Il se demande ainsi, si l’hypothèse univore/ omnivore, plutôt que de témoigner d’un affaiblissement des hiérarchies culturelles, n’illustrerait-elle pas leur reconfiguration ? Pour ce faire, il s’appuie sur 4 enquêtes réalisées respectivement en 1973, 1981, 1997 et 2008 (dont la taille de l’échantillon a augmenté), ces enquêtes portent sur les actifs uniquement car leur position sociale peut être déterminée sans ambiguïté.        - Sur les 4 enquêtes, la même question portant sur les genres écoutés régulièrement est posée. L’enquête se cantonne aux 4 genres déterminés en 1973 : musique classique, variété/ chanson, musique pop-rock, Jazz. On remarque ainsi, une évolution des répondants citant au moins un genre entre la première et la dernière enquête (cette évolution semble résulter de la banalisation de l’écoute de musique du fait des évolutions technologiques). On remarque une hausse encore plus forte de ceux citant 2 ou 3 genres. La part des omnivores absolue, négligeable en 1973, passe à 3%. La progression des auditeurs « à choix multiples » semble liée aux catégories sociales, l’écart se creuse entre les cadres supérieurs et les agriculteurs (le rapport passe de 1 à 3 à 1 à 7).                  - Ces observations ne permettent pas de conclure sur un changement radical de légitimité culturelle qui serait désormais indexée sur un gradient de diversité des goûts indépendant des registres. Pour mettre à l’épreuve l’hypothèse Omnivore/univore, Coulangeon souhaite se questionner sur la structure des affinités entre combinaisons de genres et groupes. Les omnivores se trouvent-ils dans les mêmes proportions des auditoires de chaque genre ? Evaluer cette évolution rencontre des obstacles : cela suppose une stabilité des genres et des PCS or, la classification des PCS connaît une réforme de nomenclature par l’INSEE en 1982 (on reste basés sur cette en place en 1973),  la liste des genres musicaux comme la définition des quatre genres étudiés ont également évolué. De plus la transformation et la multiplication des supports musicaux affectent la comparabilité des résultats d’enquêtes. Le gradient de diversité échappe aussi aux enquêtes, celui qui n’écoute que deux auteurs de deux genres différents est-il plus omnivore que celui qui est érudit dans un seul genre ? Les tableaux 2 et 3 montrent que le degré de diversité dépend des genres, la proportion d’auditeurs d’au moins 3 genres est plus élevée en 2008 chez les auditeurs de jazz.  Même si l’éclectisme s’est culturellement élitisé, la relation entre diversité et position sociale n’est pas identique d’un genre à l’autre, les classes supérieures écoutant des chansons sont plus omnivores que les classes populaires. Ceux qui ont un accès privilégié aux genres légitimes enrichissent leurs répertoires avec les genres dont ils sont moins souvent auditeurs exclusif. De même, les auditeurs de classique et de jazz d’origine populaire sont aussi souvent éclectiques car ils ont peu de chances d’être auditeurs exclusifs de ce type de genre.                                                                                                       - - Coulangeon note, au cours de l’enquête un relâchement de l’affinité entre les classes supérieures et la musique classique. Cette désaffection pour le classique (qui reste néanmoins un attribut des classes supérieures) peut être expliquée par  les transformations dans le recrutement social des classes supérieures qui affaiblit l’impact de la transmission familiale des habitudes culturelles. A l’inverse, le jazz est beaucoup  plus cité en 2008 chez les cadres supérieurs que chez les classes populaires, l’écart est de plus en plus considérable par rapport au classique. De même, pour les autres genres pop rock et chansons, les cadres supérieurs écoutent respectivement 5 fois et 3 fois plus de ces genres en 2008 qu’en 1973 (même si les classes populaires restent plus nombreuses à citer le genre « chansons »).  Ainsi la qualification du genre « pop-rock » comme genre populaire devient problématique.                                                                                                                                                                                          - - Après ces constats, Coulangeon s’interroge sur le potentiel changement de la structure des relations entre positions sociales et goûts musicaux. Il explique qu’il faut distinguer les transformations intrinsèques aux comportements et celles liées aux évolutions de l’environnement culturel et des groupes sociaux. Tout d’abord simultanément aux innovations sur le marché musical (banalisations et multiplication des supports d’écoute de musique, surabondance de nouveaux genres etc…) on distingue un phénomène de globalisation des échanges culturels (répertoires étrangers). Ainsi, la montée de l’éclectisme des goûts ne serait pas seulement liée à une transformation intrinsèque aux auditeurs mais reflèterait aussi une offre plus abondante. De plus, l’expansion de l’enseignement secondaire (1/3 de bacheliers en 2008 contre 7% en 1973) participe à la transformation de l’environnement culturel. En effet empiriquement, on remarque que la transformation de la composition sociale des collèges et lycées rend la culture des jeunes plus perméable à d’autres influences que la culture légitime et les tendances à la conformité avec les goûts des classes supérieures de la part des classes populaires minoritaires sont affaiblies.                                                                                                                                                                                -- Néanmoins, cet effet de l’acculturation scolaire est concurrencé par les forces de rappel de la socialisation primaire. Les goûts musicaux sont crédités d’un pouvoir de classement social notamment par leur caractère ineffable qui illustre l’incorporation (Mauss). On entrevoit les limites de l’homogénéisation des attitudes quand on prend à la fois en compte le niveau de diplôme et l’origine sociale pour les genres écoutés le plus souvent. L’origine sociale (classes populaires, moyennes ou supérieures) est identifiée à la dernière profession du père (ou celle de la mère à défaut). L’analyse porte cette fois-ci sur toute la population sortie du système scolaire. Le genre écouté le plus souvent varie selon origine sociale et ce d’autant plus que le diplôme est élevé, surtout pour le jazz et le classique. L’effet de diplôme ne renvoie pas à l’inculcation scolaire mais plus aux expériences socialisatrices liées à la durée des études. A l’inverse l’écart est plus réduit pour les genres populaires, certains genres comme le pop rock sont mêmes plus prisés quand l’origine populaire se combine avec un haut niveau d’études. Coulangeon, considère qu’il  est utile de procéder à une analyse des correspondances comme les combinaisons de genres sont les indicateurs les plus pertinents de l’orientation des attitudes. Dans la figure 2 il étudie ainsi une combinaison de genres (16 cas) avec une variable résultant du croisement origine sociale/ niveau de diplôme (15 cas). En raison de la faiblesse des effectifs de certaines modalités on croise les 16 combinaisons avec 10 modalités où les origines moyennes et supérieures sont confondues. On remarque ainsi que l’axe de la figure structuré par le gradient de diversité des goûts qui semble étroitement lié au niveau d’études et l’opposition omnivore/univore ne recoupe pas vraiment l’opposition goût savant/ populaire. Coulangeon remarque que les formes les plus légitimes, semblent caractéristiques d’une origine moyenne ou supérieure et d’un diplôme élevé. Cela suggère la faible efficacité de l’institution scolaire quand elle n’est pas relayée par la famille dans l’inculcation des normes du goût musical légitime. Ainsi même si on appréhende un passage d’une norme de légitimité centrée sur les répertoires savants à une autre fondée sur la diversité des répertoires le principe d’homologie structurale de Bourdieu n’est pas nécessairement remis en question.  La transgression du savant vers le populaire se faisant surtout en sens unique, elle ne réduit pas les rapports de domination symbolique dans les goûts musicaux. Néanmoins, cela ne revient pas à dire qu’un auditeur omnivore détient une posture équivalente à celle de l’auditeur savant. En effet, un auditeur omnivore  est aussi un auditeur hétérogène qui peut combiner écoute distraite et relativement indistincte des flux musicaux déversés par les canaux de l’industrie de la culture des formes plus attentives et souvent plus actives d’écoute d’autres types de répertoires. Considérer ces différents  types d’expériences comme  équivalentes dans les orientations culturelles des individus conduit à se méprendre sur le pouvoir égalisateur de la culture de masse et sur l’affaiblissement prétendu des dimensions culturelles et symboliques des clivages sociaux.  

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