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Le spectre du communautarisme religieux en France

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Par   •  3 Octobre 2013  •  4 525 Mots (19 Pages)  •  1 020 Vues

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Le spectre du communautarisme religieux en France

Il y a quelques jours, on a pu assister en France au revirement surprenant d’une affaire de disparition d’enfant, l’affaire Fiona, en une affaire politique utilisant le communautarisme religieux. En effet, le meurtrier de la fillette, son beau-père, après avoir été très peu décrit par les journalistes, a été l’objet de l’attention des média : il est intéressant de noter que les descriptions font mention de son origine algérienne, de sa toxicomanie, de sa violence, et du fait qu’il poussait sa compagne à se convertir à l’Islam, d’après les témoignages des proches de la famille et de la police. Une amie de la famille a même été citée dans un article du Point : « Il lui aurait bien fait porter le voile. Et elle était tellement influençable ». L’affaire soulève une nouvelle fois les rapports tendus entre la société et la religion, utilisant des caractéristiques culturelles individuelles pour dénoncer un communautarisme religieux à l’origine de troubles de l’ordre public. On a proclamé la laïcité en 1905 mais la religion est régulièrement au centre de l’actualité ; il semble que les Français soient toujours très préoccupés par la place de la religion dans leur société.

En effet, la France est passée de « fille aînée de l’Église », selon l’expression de René Rémond dans son livre éponyme, à une république laïque, ce qui peut paraître surprenant. Néanmoins, en replaçant dans son contexte cette séparation nette entre les Églises et l’État, concrétisée par la célèbre loi du 9 décembre 1905, la République ne pouvait exister pleinement en France sans se défaire de l’influence de la religion, qui y était opposée. Le droit est alors devenu le moyen d’opérer cette séparation : « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » (Article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958). Cela entraîne une notion fondamentale pour comprendre le droit et la société français : la laïcité, un principe selon lequel l’État, dans son organisation et son fonctionnement, n’est pas confessionnel et ne reconnaît donc aucune religion.

Cependant, on observe aujourd’hui l’existence de communautarismes religieux en France. Ceux-ci se manifestent surtout par la radicalisation de certains mouvements religieux, dans un contexte de grande diversité religieuse. Certains en viennent à demander un traitement particulier du fait de leur appartenance religieuse, ce qui est contraire à la laïcité française ; en témoignent les critiques à la suite d’une décision du tribunal de grande instance de Lille d’accepter de prononcer la nullité d’un mariage en raison de la « non-virginité » de l’épouse le 1er avril 2008, dans une affaire qui trouvait implicitement son fondement dans les croyances religieuses. Le communautarisme est, selon une définition d’Agnès Rabagny-Lagoa, un « système favorisant les communautés et leurs intérêts propres au dépend de l’universalisme. » Le communautarisme s’oppose donc bien à l’universalisme prôné par le droit, qui concerne un homme abstrait et non ses caractéristiques culturelles. Si le communautarisme est encore peu mentionné dans la règle de droit, il est présent dans les décisions des tribunaux, c’est pourquoi on verra que les jurisprudences sont très importantes et mènent parfois à de nouvelles lois, comme les lois du 15 mars 2004 et du 11 octobre 2010.

Comment concilier liberté de religion et laïcité en France, notamment avec la montée du communautarisme religieux ?

En premier lieu, on verra en quoi la laïcité a été créée comme barrière au communautarisme religieux, bien qu’ayant une certaine souplesse. En second lieu, on étudiera comment elle est mise au défi par le communautarisme religieux, qui revendique la liberté de conscience.

I. La laïcité comme barrière au communautarisme religieux

D’une part, la laïcité est affirmée par la séparation des Églises et de l’État (A), d’autre part, elle fait preuve de souplesse pour assurer la liberté de religion (B).

A. La séparation affirmée des Églises et de l’État

1. La loi du 9 décembre 1905, pilier de la laïcité

La loi du 9 décembre 1905 définit en quelque sorte la laïcité, en cela que pour garantir la liberté de conscience et l’égalité, elle « respecte toutes les croyances » mais « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » (contrairement, par exemple, à d’autres pays comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne). Le droit adopte un principe de neutralité face à la religion : elle ne doit pas intervenir dans les jugements, et ne pas aller à l’encontre des libertés et de l’égalité des individus. Ainsi, chacun peut pratiquer le culte qu’il souhaite. Cette liberté de religion et de manifestation du culte est néanmoins soumise à condition : elle doit respecter l’ordre public. En cas de non-respect de l’ordre public, le droit s’autorise alors à intervenir.

L’égalité des individus, quelle que soit leur religion, est un principe fondamental, comme on le voit avec la décision de la Cour de cassation de casser la décision d’une Cour d’appel qui avait retiré un enfant à sa mère à cause de son appartenance religieuse, alors que « le fait d’appartenir à une famille plurale mormone n’était pas suffisant pour établir que les conditions de son éducation étaient gravement compromises » (Civ. 1ère, 13 avril 1992, Bull. Civ I, n 119, p. 81).

Par ailleurs, le fait religieux étant neutralisé, les lois religieuses n’ont aucune valeur juridique et n’ont donc jamais une force supérieure à la loi (Cass. civ., 15 octobre1991). De ce fait, la Cour de cassation, dans son arrêt du 18 décembre 2002, rappelle, à l’aide des articles 1134 du code civil, 9-1 et 9-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, et 6 a. et c. de la loi du 6 juillet 1989, que « les pratiques dictées par les convictions religieuses des preneurs n'entrent pas, sauf convention expresse, dans le champ contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique », c’est-à-dire qu’un contrat de location ne prenant pas en considération les convictions religieuses, le propriétaire n’a aucune obligation vis-à-vis de ces convictions. En effet, le propriétaire d’un immeuble

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