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La stigmatisation et la victimisation

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Par   •  16 Janvier 2013  •  Cours  •  5 623 Mots (23 Pages)  •  822 Vues

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Introduction

Au cours de ma première année de formation, dans le cadre d’une recherche, j’ai participé à une réflexion collective sur le thème de la stigmatisation. Elle est définie comme le « processus par lequel un stigmate, c'est-à-dire un signe de déclassement, est attribué à un individu ou une catégorie d’individus » . Patrick Scharnitzky explique que ce processus prend sa source dans la Société. L’être humain, qui, se créant une culture, des représentations sociales, des croyances et conventions, par réflexe d’économie mentale utilise la catégorisation, outil de traitement rapide de l’information. En découle le stéréotype, qui, quand il devient évaluatif, est appelé préjugé. « Enfin, l’acte verbal ou comportemental envers un individu appartenant à un groupe différent du nôtre et qui peut découler de ce préjugé, caractérise une attitude discriminatoire » . Ainsi naissent les attitudes de stigmatisation dont peuvent être victimes certaines personnes ou certains groupes minoritaires. Cette étude m’a amené à m’interroger sur une des conséquences de cette stigmatisation, dont j’avais entendu parler sans m’arrêter sur sa signification réelle : la victimisation. En effet, je me suis demandé comment ces personnes vivent cette stigmatisation. Certaines d’entre elles se complaisent-elles dans ce statut de victime? Les y enferme t’on ?

La victimisation est « l’action de victimiser » . Victimiser (qui vient de l’anglais to victimize) signifie « Considérer, désigner comme une victime » .

En parallèle, au début de mon stage en Maison d’Enfant à Caractère Social (MECS), j’éprouvais beaucoup de compassion envers les jeunes accueillis et leurs passés souvent difficiles. J’avais parfois tendance à excuser leurs actes en les expliquant par leur souffrance. Après discussion avec le chef de service, j’ai compris qu’il était dangereux d’agir ainsi avec ces adolescents car même s’ils ont pu être des victimes à un moment donné de leur vie, les réduire à cet aspect de leur existence ne les aide pas à dépasser leur traumatisme, mais au contraire les y cristallise.

Pour ces deux raisons, ce néologisme m’a interpelée et m’a donné envie de comprendre pourquoi certaines personnes, de par leur histoire, sont d’emblée considérées comme victimes. Et Pourquoi nombre d’entre elles se posent en victime. Ainsi, dans ce dossier thématique, il m’a paru intéressant de poursuivre le travail effectué en recherche collective afin de rechercher les facteurs qui entrent en ligne de compte dans ce processus de victimisation.

Pascal Bruckner, romancier et essayiste définit la victimisation comme « le penchant du citoyen choyé du « paradis » capitaliste à se pencher sur le modèle des peuples persécutés […] » . La victimisation est-elle une « nouvelle maladie de l’individu contemporain » comme il le prétend ?

Effectuer ce travail de recherche sur ce thème va me permettre de démontrer mes compétences d’élaboration, de gestion et de transmission de l’information nécessaires au travail en équipe pluri professionnelle.

Dans un premier temps, je propose de me pencher sur l’origine des événements socio historiques qui ont amené les victimes à prendre crescendo une place importante dans notre Société. Puis je définirai la victime sur le plan juridique en France, et nommerai les éventuelles conséquences d’un tel fonctionnement, tant sur le plan de la justice en elle-même, que sur le plan psychologique pour les victimes. Dans une troisième partie, je relaterai le rôle qu’occupent les medias dans l’encouragement à cette attitude de victimisation. Je conclurai en faisant le lien avec mon métier de monitrice-éducatrice, et en me positionnant face à cette posture de victimisation dans laquelle il peut être dangereux d’enfermer les personnes accompagnées.

I) Victimes, de la honte à la gloire

1) Point de départ : La Seconde Guerre Mondiale

Dans son livre la concurrence des victimes, Jean-Michel Chaumont, chercheur au fonds national de la recherche scientifique belge et professeur de sociologie historique à l’université de Louvain, relate l’histoire et les raisons de l’évolution du statut de victime dans notre société, d’un point de vue socio historique. Il indique que le commencement de la concurrence des victimes, observée aujourd’hui dans nos sociétés est la seconde guerre mondiale. Son travail de recueil des témoignages de rescapés atteste non seulement de la dimension honteuse d’être Juif que leur faisaient intérioriser les nazis, mais aussi de l’inégalité de traitement entre Juifs et Résistants dans les camps: « Les humiliations réservées aux juifs étaient plus graves que pour les autres » . L’inégalité de rôle revendiquée par les déportés politiques (résistants) et donc un certain mépris à l’égard des Juifs sont également mis en exergue, notamment par Simone Veil, déportée raciale : « Les résistants eux-mêmes […] tenaient beaucoup dans les camps à marquer la différence. Ils étaient des combattants volontaires, non des victimes auxquelles on a souvent reproché leur passivité » . Après la libération, ces accusations d’ « apathie » des Juifs continuèrent: « A l’époque, on ne donnait même pas la parole aux rescapés de la déportation raciale ; Ils étaient purement et simplement ignorés par ceux-là même qui étaient censés défendre leurs intérêts et parler en leur nom » , au point que deux statuts légaux différents selon l’origine, résistante ou « raciale » virent le jour. Si on se réfère aux informations récoltées et à l’analyse qu’en fait l’auteur, la résistance était commémorée, alors que le sort des Juifs était occulté, tant par une partie des Juifs eux-mêmes, qui après des années de stigmatisation n’aspiraient qu’à tourner la page et se fondre dans la masse, que par le reste de la population : « Je me rendis compte que nous avions honte de ceux qui avaient été torturés, abattus et brûlés.[…] Inconsciemment, nous avions accepté la vision nazie selon laquelle les Juifs étaient des sous-hommes » . La destruction de leur identité par les nazis, et le manque de reconnaissance des résistants et de la population attisa au fil du temps leur ressentiment.

2) Tournant : 1967, Le débat sur l’unicité de la Shoah

J.M. Chaumont explique que le symposium annuel de la revue Judaism en 1967 à New York vit naitre le débat, qui existe encore à l’heure actuelle, sur l’unicité de la Shoah. Cette unicité était défendue d’un point de vue religieux : c’est la judéité et elle

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