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La politique de l'Etat dans le domaine du développement durable

Analyse sectorielle : La politique de l'Etat dans le domaine du développement durable. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Février 2015  •  Analyse sectorielle  •  1 715 Mots (7 Pages)  •  772 Vues

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Le mouvement de la décroissance connaît en France un succès grandissant. Mais qu’en est-il dans le reste du monde ? A peu près intraduisible en anglais, absente de la plupart des autres langues, la décroissance serait-elle une idée exclusivement francophone ? Aurélien Boutaud, docteur en science et génie de l’environnement de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne et spécialiste des politiques publiques de développement durable, tente de répondre à cette question. Il nous rappelle en quoi les débats français sur la décroissance recoupent les questionnements internationaux sur la soutenabilité.

Si le terme de décroissance n’est guère utilisé en dehors de l’hexagone, il faut pourtant bien admettre que la majorité des questions qu’elle suscite aujourd’hui en France se posent avec la même acuité partout ailleurs. Dans le monde anglo-saxon en particulier, on retrouve sensiblement les mêmes débats et les mêmes oppositions à propos cette fois-ci de la soutenabilité (sustainability). Car si la soutenabilité s’avère apparemment plus consensuelle que la décroissance (première partie), les façons de l’interpréter et de la mettre en œuvre sont sujettes à de fortes controverses. Entre tenants de la soutenabilité faible (deuxième partie) et partisans de la soutenabilité forte (troisième partie), on ne voit effectivement pas de la même manière le rôle que la croissance économique est censée jouer…

1) Un objectif apparemment consensuel : (re)devenir soutenables

La notion de soutenabilité est plus ou moins directement née des réflexions du Club de Rome au début des années 1970. Le modèle élaboré par Dennis Meadows et ses collègues [1] tentait alors d’inclure différents paramètres démontrant la capacité limitée de l’environnement mondial à répondre de manière pérenne aux besoins grandissants de l’économie humaine. Il aura néanmoins fallu attendre le début des années 1990 pour qu’une forme de mesure synthétique de cette soutenabilité soit enfin proposée grâce à l’empreinte écologique. Une brève analyse de cet indicateur et de ses résultats nous permet de bien mesurer les enjeux.

L’empreinte écologique cherche à évaluer la "quantité de nature" nécessaire pour permettre à une société de répondre durablement à ses besoins en matière d’alimentation, de logement, de transports et d’autres biens et services. Il s’agit de considérer l’économie comme un organisme qui consomme des ressources et rejette des déchets. Puisque ces ressources proviennent de la nature et que les déchets générés y retournent, la question qui se pose est alors la suivante : quelle partie reproductive de nature est nécessaire pour répondre durablement à nos besoins ? Autrement dit, quelle surface de sols bioproductifs nous faut-il pour produire chaque année, notamment par le biais de la photosynthèse, ce que nous consommons durant cette même période (énergie, bois, fibres, fruits, légumes, céréales, viande, lait, ressources halieutiques, etc.) ? Et quelle surface de sols est nécessaire pour assimiler nos déchets et nos pollutions (déchets ménagers, CO2...) ?

L’empreinte écologique de la France est aujourd’hui estimée à 5,6 hectares par habitant, tandis que la moyenne mondiale s’élève à 2,3 hectares par habitant [2]). Sachant par ailleurs que notre planète nous offre environ 11,5 milliards d’hectares de sols bioproductifs susceptibles d’être mobilisés pour répondre aux besoins humains, cela revient à dire que la part de sols bioproductifs disponibles pour chaque habitant de la planète équivaut en moyenne à 1,8 hectares – ce que nous appellerons "seuil de soutenabilité". Or l’empreinte écologique moyenne mondiale est aujourd’hui supérieure à ce seuil. Cela signifie tout simplement que, conformément à ce que prédisait le Club de Rome il y a plus de trente ans, l’humanité consomme aujourd’hui davantage de services issus de la nature que l’écosystème peut en régénérer.

Dans le même ordre d’idée, les experts du GIEC estiment que pour stabiliser le réchauffement climatique il ne faudrait pas que les émissions anthropiques de CO2 dépassent la capacité de la nature à les assimiler, ce qui représente à peu près 12 milliards de tonnes par an (environ 1,9 tonne de CO2/hab). En confrontant ces deux indicateurs (CO2/hab et empreinte/hab) et les PIB de 130 nations du monde, on s’aperçoit alors que, en moyenne, plus le PIB d’un pays est élevé et plus son empreinte écologique ou ses émissions de CO2 sont importantes.

Seuils de soutenabilité

Empreinte écologique (à gauche), émissions de CO2 (à droite) par rapport aux PIB de 130 pays en 2003.

Sources des chiffres utilisés pour l’empreinte écologique : Loh J., Golfinger S., 2006 ; pour les émissions de CO2 : AIE, 2006 ; pour les PIB : Banque Mondiale, 2006).

On aurait alors tendance à en déduire que croissance et soutenabilité font plutôt mauvais ménage. Mais les tenants de la croissance économique ne s’en laissent pas compter pour autant...

2) Soutenabilité faible : la croissance comme solution ?

Après avoir longuement nier ou minimiser les problèmes de soutenabilité (épuisement des ressources ou dégradation générale des écosystèmes) un certain nombre d’économistes néoclassiques ont finalement développé une approche de la soutenabilité que l’on qualifie généralement de "soutenabilité faible". Cette dernière s’appuie notamment sur la théorie de Hotelling selon laquelle le prix d’une ressource évolue en fonction de sa rareté, si bien qu’à épuisement la demande s’annule, remplacée par l’apparition d’un substitut technologique. Emise dans les années 1930, cette théorie a servi de support au raisonnement de Solow et Hartwick [3] qui, dans le courant des années 1970, avanceront l’hypothèse complémentaire

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