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Jacques et son maître : deux personnalités opposées

Étude de cas : Jacques et son maître : deux personnalités opposées. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  11 Décembre 2013  •  Étude de cas  •  5 969 Mots (24 Pages)  •  742 Vues

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Introduction

Le couple maître / valet est un motif déterminant de la comédie et les répertoires de Molière, de Beaumarchais, de Marivaux, ont laissé quelques couples célèbres à la postérité : Don Juan et Sganarelle, le comte Almaviva et Figaro, Arlequin et Dorante, Marivaux a même fait de la relation maître / valet, le sujet de L'Île des Esclaves. Jacques le Fataliste et son maître n'appartient certes pas au genre dramatique, pour autant, la relation entre ces deux personnages est au centre du récit et on peut considérer que Jacques et son maître entretiennent avec leurs compères du théâtre des liens étroits.

On retrouve chez Jacques les motifs traditionnels du valet : son origine sociale : le valet est pauvre et en échange de ses services, le maître lui assure le gîte et le couvert ; dés lors matériellement il dépend entièrement de son maître auquel il est soumis et doit obéissance. Il doit subir les impatiences et les caprices du maître. Sans patronyme, identifié par son unique prénom, le valet est considéré comme un être inférieur et les coups et les injures sont souvent leur lot.

Mais le valet, au cours des siècle, fait de plus en plus preuve de bon sens, acquiert de plus en plus finesse d'esprit, de conscience sociale et loin de se laisser faire passivement, il revendique son mérite et demande qu'on le regarde comme un être à part entière, " Un Jacques, Un Jacques, Monsieur, est un homme comme les autres." ( 194). Bien sûr comme on le verra, Jacques n'a pas l'envergure d'un Figaro et ne remet pas vraiment en cause son statut, il n'a pas non plus la hargne de Sganarelle mais il est plus franc que lui, il ne se cache pas derrière un quelconque artifice pour dire à son maître ce qu'il pense de lui.

En fait tout l'intérêt du couple Jacques et son maître réside dans le traitement particulier que Diderot en fait : il continue et renouvelle la relation maître / valet. Même si Jacques n'est pas un valet révolutionnaire, même s'il est au contraire assez conformiste " Restons comme nous sommes, nous sommes fort bien tous les deux." ( 199), il n'en demeure pas moins que la relation qu'il entretient avec son maître est révélatrice de l'évolution des mentalités et de la société au XVIIIème siècle. En effet, Diderot propose un nouveau type de relation entre le maître et le valet, relation plus cordiale, plus humaine, relation complémentaire : chacun doit être à l'écoute de l'autre, respecter l'autre puisqu'ils sont indispensables l'un à l'autre.

Bien plus qu'un exemple, à travers Jacques et son maître, Diderot invite le lecteur à réfléchir sur la relation de dépendance en général. " Chacun a son chien" déclare Jacques ( 201) pour exprimer le besoin que chacun a de dominer, de commander à un autre. Ainsi est posé le principe qui régit la hiérarchie sociale et qui la justifie " Le ministre est le chien du roi, le premier commis est le chien du ministre..." et il conclut que c'est finalement toujours la loi du plus fort qui régit les relations entre les hommes : " Les hommes faibles sont les chiens des hommes fermes." ( 201)

Jacques et son maître : deux personnalités antithétiques

Leur statut et leur origine sociale marquent les premières différences entre les deux personnages. En effet, le maître revendique « un nom, un état, des prétentions », tandis que Jacques, valet depuis sa blessure au genou, est issu du peuple. Aussi leurs relations sont-elles différentes : l’un fréquente des petits artisans, tel Bigre, l’autre de riches bourgeois qu’il ennoblit, tel Desglands, « Seigneur de Miremont » ; Jacques s’exprime le plus souvent dans un langage familier et parle de « coupe-jarrets », Mme de La Pommeraye est " une chienne" ( 178) son maître parle dans un langage soutenu, " Jacques, vous ne vous observez pas" ( = se contrôler, 134) et adresse un discours grandiloquent pour le consoler de la mort de son capitaine ; leurs références culturelles divergent, le maître fait référence à L ‘Emile de Rousseau, à la mort de Socrate et Jacques à « une vieille fable des écraignes ».

C’est surtout leur caractère, leurs comportements et leurs idées qui les opposent.

Jacques est courageux et ne craint pas d’affronter les brigands qui les ont humiliés et pendant ce temps son maître, tel un poltron, « l’attendait en tremblant » ( 47). Convaincu que l’on ne peut que subir les événements, Jacques est sûr de lui, résigné et ne se perd pas en conjectures inutiles comme son maître, " Si, si la mer bouillait, il y aurait , comme on dit, bien des poissons cuits." ( 48) ; il affiche une sérénité certaine alors que son maître est inquiet dans l’auberge des brigands et tandis qu’il veut « s’éloigner à grand trot », Jacques veut « aller le pas ».

Le maître est partisan du libre arbitre, " Il me semble que je sens au-dedans de moi-même que je suis libre comme je sens que je pense" ( 282) et quand il affirme, « Je veux quand je veux », Jacques lui répond, « on passe les trois quarts de sa vie à vouloir sans faire […] et à faire sans vouloir. » ; il a des convictions religieuses, croit en une vie future et en la justice divine, Jacques est athée « Je n’y crois ni décrois ; je n’y pense pas. » De plus, ils ne portent pas le même jugement sur les autres personnages. Ainsi, à propos du marquis Des Arcis : " Jacques : - Ce pauvre marquis me fait pitié. / Le maître : - Pas trop à moi." ( 177) ; ils ne se posent pas les mêmes questions : quand Jacques se demande pourquoi le marquis s'est attaché à une femme aussi scélérate que Mme de la Pommeraye, le maître se demande pourquoi il l'a "sédui[te] [pour ensuite] s'en détacher" ( 178)

Jacques est bavard, le maître est discret et aime par-dessus tout écouter, " J'aime mieux entendre mal parler que de ne rien entendre" ( 185), ce qui a priori augure d'une complémentarité harmonieuse, mais le maître ne cesse d'interrompre son valet, le pousse à la digression et donc l'empêche de mener à bien le récit de ses amours, ce qui le contrarie beaucoup.

Jacques fait preuve de bon sens et d’esprit pratique, il a l’esprit vif, subtil, souligne les paradoxes qui gèrent les rapports humains, son maître est fade et ennuyeux, comme le rappelle le

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