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Gouverner par la discussion : le développement politique et la participation citoyenne en Chine

Dissertation : Gouverner par la discussion : le développement politique et la participation citoyenne en Chine. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Mars 2018  •  Dissertation  •  8 314 Mots (34 Pages)  •  447 Vues

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Gouverner par la discussion : le développement politique et la participation citoyenne en Chine

 (workingpaper, ne pas citer sans l’autorisation des auteures)

Depuis la chute du mur de Berlin et l’annonce de la « fin de l’histoire » par Fukuyama, les prédictions sur l’effondrement du régime communiste chinois ont surgi presque tous les ans[1]. En réalité, non seulement le Etat- Parti ne s’est pas effondré, mais son pouvoir apparaît au contraire de plus en plus consolidé. De nombreux sondages d’opinion dirigés par les chercheurs occidentaux ou chinois ont montré que le soutien populaire au Parti n’a guère faibli ces trente dernières années, avec même une popularité en croissance en hausse certaines années[2]. Comment interpréter ce phénomène étrange ?

Prenant sérieusement en compte ces prédictions et lerisque de sa chute, le Parti communiste chinois fait preuve d’une forte capacité de réforme et d’adaptation aux transformations et exigences sociétales[3]. Si les réformes économiques et leur réussite sont bien connues, on ne saurait trop insister sur les efforts du Etat-Parti consacrés aux réformes institutionnelles et sur leur portée.

En réalité, concernant la question de la légitimité,le Parti est clairement conscient de sa faiblesse à cause de l’absence d’élections libres, principe essentiel sur lequel s’assoit la légitimité des pouvoirs modernes. Si l’augmentation du niveau de vie des citoyens constitue un moyen majeur de compléter cette lacune, l’Etat-Parti n’a pas totalement laissé de côté les réformes politiques. En effet, le Parti ne s’est jamais affiché comme opposé à la démocratie.Son discours distinguant la « démocratie socialiste à la chinoise » et les « démocraties capitalistes occidentales »révèle au contraire que sa contestation résideprincipalement dans les formes qui véhiculent la démocratie. En outre, face au mécontentement de la population, provoqué d’une part par des inégalités socialesque la libéralisation économique ne cesse de creuser, d’autre part par la corruption généralisée des fonctionnaires et de leur abus du pouvoir par manque de systèmes de contrôle efficaces, le Etat-Parti est obligé d’ajuster son arrangement institutionnel et ses modes d’actions pour apaiser les tensions sociales. Sans doute du fait de sa tradition de la « ligne de masse », veillant à rapprocher les cadres des citoyensordinaires, et aussi de son aspiration à apprendre des « expériences avancées des pays occidentaux », l’élargissement et le renforcement de la participation citoyenne occupent une place majeure parmi les nombreuses réformes mises en place par le Parti afin de moderniser la gouvernance pour répondre efficacement aux défis sociaux et politiques.

Les réformes poursuivies dans cette orientation ont suivi deux lignes principales depuis leur lancement dans les années 1980. La première se réfère à l’introduction des élections plus ou moins pluralistes à la périphérie du système(village puis quartier urbain), la seconde à celles destinées à l’ouverture du processus gouvernemental et de la gestion des affaires publiques aux citoyens et aux groupes sociaux. Les réformes portées aux élections locales ont stagné à partir du XVIIe congrès du Parti (en 2007), car celui-ci a trouvé à cette période une alternative à la démocratie élective avec l’introduction de la démocratie délibérative (xieshangminzhu). La participation citoyenne a simultanément bénéficié d’un nouveau souffle sous l’égide de la promotion officielle de la démocratie délibérative et de la bonne gouvernance.Parmi les efforts importants consacrés à ce domaine, on note notamment les suivants :

-une plus grande transparence dans le processus gouvernemental par l’élaboration des règlements et des dispositifs facilitant l’accès et la communication des informations gouvernementales, dont la procédured’« aviset commentaire » (shehuigongshizhidu)[4]est l’exemple phare ;

- la multiplication des enquêtes d’opinion destinées à mieux appréhender l’état d’esprit des gouvernés,

- l’instauration de dispositifs consultatifs et participatifs plus ou moins institutionnalisés afin d’impliquer les citoyens et les groupes sociaux au processus de gestion des affaires publiques. On cite ici notamment les réunions de discussion, les audiences publiques, le budget participatif et les assemblées délibératives villageoises ou de quartier(yishihui) au niveau des villages et des quartiers urbains.

Comment interpréter ces réformes et leur portée en Chine ?Celles-ci signifient-elles que le pays se dirige vers une démocratisation ? Ou au contraire, sont-elles simplement un trompe-l’œildestiné à contourner et même à contrer la démocratie libérale ? Cet article tente de donner notre réponse à se sujet.

  1. Les débats intellectuels sur le développement politique en Chine

Si la capacité d’adaptation et l’assouplissement du Parti font consensus chez les observateurs du développement politique en Chine, les points de vue sur leur portée divergent.

L’idée d’une instrumentalisation de la participation citoyenne est très répandue chez les ardents défenseurs de la démocratie libérale. De leur point de vue, elle a pour objectif de rendre le gouvernement chinois plus efficient, mais pas plus démocratique[5], c’est une « ruse de la démocratie »[6], elle est destinée à « reporter indéfiniment les demandes de réformes politiques les plus ambitieuses »[7] ; le Parti n’a aucun envie de promouvoir la démocratie, ces réformes servent à « absorber les forces politiques par l’administration »(行政吸纳政治), c’est-à-dire désamorcer les tensions socialesrésultant du non partage du pouvoir du Parti par l’introduction des élites hors système (tizhiwai) et des masses aux processus décisionnel gouvernemental. Elle est donc un instrument pour maintenir l’ordre social et consolider le pouvoir du Parti[8]. En outre,vu que la plupart des dispositifs participatifs sont dirigés et encadrés par le Parti, certains chercheurs pensent qu’ils sont utilisés par ce dernier pour mieux exercer son influence dans les espaces sociaux créés par le développement économique et sociétal,dans l’objectif de contrôler les forces sociales émergentes[9]. Bref, malgré certaines réformes, étant donné que les principaux éléments qui constituent la démocratie libérale, soit l’élection compétitive, l’existence de partis d’opposition, la liberté d’expression, une société civile indépendante, sont toujours absents, il n’existerait donc pas d’évolution significative concernant le développement politique en Chine[10].

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