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Commentaire D'arrêt Du Conseil D'État Arrêt Nicolo: La volonté du constituant

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Par   •  18 Novembre 2013  •  3 285 Mots (14 Pages)  •  2 376 Vues

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Arrêt Nicolo

Commentaire d’arrêt du Conseil d’État, Assemblée. – 20 octobre 1989 – M. Nicolo

« La volonté du constituant est désormais pleinement respectée : l’application de l’article 55 qui l’exprime n’est plus entravée par le respect, sacro-saint dû à la loi promulguée ; les traités régulièrement introduits dans l’ordre juridique français priment les lois contraires quels que soient leurs rapports chronologiques respectifs et les juges unanimes, veilleront à ce que cette primauté ne demeure pas sans sanction[1]. » C’est de manière simple que l’auteur Patrick Rambaud résume élégamment la portée d’un arrêt qui aura su rompre avec une tradition jurisprudentielle s’inscrivant dans le cadre juridique de la portée des traités internationaux dans l’ordre juridique interne et, plus précisément du contrôle de conventionalité: l’arrêt Nicolo.

En l’espèce, l’élection des représentants au Parlement européen, du 18 juin 1989,[2] avait requis la participation de tous les citoyens français, y compris ceux des départements et territoires d’outre-mer (D.O.M.T.O.M).

De ce fait, M. Nicolo déposa un recours auprès du Conseil d’État tendant à « l’annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1989 en vue de l’élection des représentants au Parlement européen,[3] » en raison de la participation des citoyens français des D.O.M.T.O.M. Cette requête se fondait sur les moyens que les D.O.M.T.O.M n’appartenaient pas au « territoire de la République » au sens de la loi du 7 juillet 1977 d’une part et à celui du traité de Rome du 25 mars 1957 d’autre part et que, par conséquent, leur participation « viciait ladite élection. » Le Conseil d’État rejettera la requête de M. Nicolo en démontrant que non seulement l’appartenance des D.O.M.T.O.M à la République française est présente dans loi du 7 juillet 1977, « le territoire de la République forme une circonscription unique », mais que cette appartenance a aussi une valeur constitutionnelle puisqu’elle apparaît dans les articles 2 et 72 de la Constitution de 1958. Ainsi, et sachant « qu’aux termes de l’article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ‘le présent traité s’applique (…) à la République française’ » il était aisé de conclure que la participation de la population des D.O.M.T.O.M n’altérait en aucun cas l’élection des représentants au Parlement européen.

Comme l’a justement fait remarqué le commissaire du gouvernement M. Frydman dans ses conclusions, l’intérêt juridique de l’arrêt Nicolo ne repose en rien sur « la thèse du requérant [4]» puisque le Conseil d’État aurait pu rejeter sans difficulté le recours en appliquant purement et simplement la loi interne[5]. Tout l’intérêt se trouve dans l’opportunité donnée au Conseil d’État de répondre à une question de principe importante :

Fallait-il refuser de se prononcer sur la compatibilité d’une loi interne postérieure à un traité et respecter une longue tradition jurisprudentielle[6] ? Ou fallait-il, au contraire, faire preuve d’innovation et se rallier aux positions du Conseil Constitutionnel[7] et de la Cour de Cassation[8], en acceptant de donner au juge administratif la compétence d’exercer un contrôle de conventionalité[9] – « en suite duquel, s’il y a incompatibilité, les dispositions législatives en cause cesseront d’être applicables (aussi longtemps que l’incompatibilité persistera[10] ? »

Le Conseil d’État opta pour l’innovation et consentit à un revirement de jurisprudence pressentit et nécessaire dans « l’histoire tourmentée des relations entre les traités et la loi en droit français [11]» (I). Cependant, et bien qu’il ait été une source d’évolution jurisprudentielle majeur, ce revirement jurisprudentiel fut discret et prudent (II).

I. L’arrêt Nicolo : un revirement de jurisprudence pressentit et nécessaire dans « l’histoire tourmentée des relations entre les traités et la loi en droit français [12]»

Les divergences entre les dispositions de l’article 55 de la Constitution (A) et la jurisprudence du Conseil d’État (B) nécessitaient un revirement de jurisprudence.

A. L’article 55 de la Constitution de 1958 ou la primauté des « traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés » sur les lois

Bien que l’arrêt Nicolo ne remette pas en cause la place des traités dans la hiérarchie des normes[13] il est utile de rappeler l’origine de la primauté des traités sur les lois (A) afin d’apprécier la portée de l’article 55 de la Constitution de 1958 (B) qui est au centre de la question de principe à laquelle le Conseil d’État devait répondre.

1. L’origine de la primauté des « traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés» sur les lois

La règle selon laquelle le « droit communautaire prévaut sur l’ensemble des normes de droit interne, y compris constitutionnelles [14]» résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), et notamment d’un arrêt de 1964 : Costa contre Enel. Dans cet arrêt, la Cour affirma avec force « que le droit du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même[15]. »

La primauté du droit communautaire est aujourd’hui consacrée dans l’article I-6 de la Constitution européenne qui dispose : « la Constitution et le droit adopté par les institutions de l’Union, dans l’exercice des compétences qui sont attribuées à l’Union, priment le droit des Etats-membres.»

2. La primauté des « traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés » sur les lois : consacrée par l’article 55 de la Constitution de 1958

En France, la supériorité des traités sur les lois relève aussi d’une tradition jurisprudentielle puisqu’elle contribue déjà à la décision du Conseil d’État dans l’arrêt Abdoulhoussen de 1936[16]. Néanmoins, « les traités constituèrent longtemps une ‘légalité internationale’ indépendante de la légalité nationale obligeant l’État français à l’égard des États étrangers, mais ne l’obligeant pas directement à l’égard de ses propres ressortissants[17] »

C’est

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