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Réflexion du champ politique

Commentaire d'oeuvre : Réflexion du champ politique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  11 Mars 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 254 Mots (10 Pages)  •  785 Vues

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tance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance, il assure l’ordre ; par la résistance, il assure la liberté. Et il est bien clair que l’ordre et la liberté ne sont point séparables, car le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée, à toute minute, n’enferme aucune liberté ; c’est une vie animale, livrée à tous les hasards. Donc les deux termes, ordre et liberté, sont bien loin d’être opposés ; j’aime mieux dire qu’ils sont corrélatifs. La liberté ne va pas sans l’ordre ; l’ordre ne vaut rien sans la liberté.

Obéir en résistant, c’est tout le secret. Ce qui détruit l’obéissance est anarchie ; ce qui détruit la résistance est tyrannie. Ces deux maux s’appellent, car la tyrannie employant la force contre les opinions, les opinions, en retour, emploient la force contre la tyrannie ; et inversement, quand la résistance devient désobéissance, les pouvoirs ont beau jeu pour écraser la résistance, et ainsi deviennent tyranniques. Dès qu’un pouvoir use de force pour tuer la critique, il est tyrannique.

Alain

La réflexion sur le domaine politique rencontre toujours le problème de la loi et de la justice et le problème de l’ordre et de la liberté. Comment concilier un ordre qui ne soit pas oppression avec une liberté qui ne soit pas licence », telle est la formule la plus claire peut-être de ce problème, que nous devons au philosophe politique juif américain Léo Strauss[1]. Le texte d’Alain traite du problème de l’ordre et de la liberté.

Mais il en traite par l’intermédiaire d’une réflexion sur le citoyen. Qu’est-ce qu’un citoyen ? Aristote répond à cette question dans le troisième livre des Politiques de la manière suivante : « nous appelons citoyen celui qui peut participer à la puissance délibérative ou judiciaire dans une cité » (III, 1, 1275b). Dans une cité démocratique, le citoyen est celui qui participe au pouvoir politique par l’intermédiaire de son vote : il élit ses gouvernants qui sont donc ses représentants, il est donc l’auteur indirect de leurs actes (il devrait donc en être également responsable…). La vertu première du citoyen est sans doute le souci du bien commun, le bon citoyen est celui qui respecte les lois et qui tente de favoriser le bien commun de la cité. Il est vrai que la notion classique de bien commun est souvent difficile à identifier sans que s’élève des contestations. Il est cependant au moins un cas où le bien commun est incontestablement clair, c’est lorsque la cité subit l’épreuve de l’agression d’un envahisseur. Alors, « la patrie est en danger » et il faut défendre la terre de nos ancêtres. S’il en est ainsi, la première vertu du citoyen, la plus nécessaire, c’est la défense du pays, c’est la défense nationale, le sacrifice suprême de sa vie pour défendre les siens. Si éloignée que puisse être cette dimension de la vie politique, cette dimension de la vie du citoyen, elle n’en reste pas moins à l’horizon et à la base de toute vie politique.

La thèse du texte affirme cependant que « les deux vertus du citoyen », sous-entendu les seules ou les premières ou les principales, celles qui englobent toutes les autres, sont la résistance et l’obéissance. Reconnaissons que nous n’avons pas l’habitude d’entendre ainsi énoncer les devoirs du citoyen. Ou plutôt, nous aimons bien peut-être, nous, enfants de la démocratie individualiste et consumériste moderne, nous dire « résister » au pouvoir de l’Etat, pensé spontanément comme oppresseur (alors qu’il a évidemment, à côté de son nécessaire pouvoir répressif, une fonction de protection et de justice). Et nous n’aimons pas que l’on insiste trop sur l’autre aspect nécessaire de la vie communautaire : il faut obéir à la loi. Il faut obéir tout court. Sans obéissance, il n’est pas de vie sociale et politique possible. Dans quelque société que ce soit. La question qui se pose est alors seulement la suivante : à quelle condition l’obéissance peut-elle être légitime ? Nous avons déjà rencontré une réflexion de ce genre dans un texte de Spinoza concernant le prétendu « esclavage » de la loi.

Le texte se compose de deux paragraphes : 1/ une mise en corrélation des deux biens que sont l’ordre et de la liberté après l’énoncé de la thèse dans la première phase ; 2/ une mise en corrélation des deux maux inverses, l’anarchie et la tyrannie. En d’autres termes, les deux paragraphes disent deux fois la même chose : ordre et liberté sont corrélatifs et non contraires, mais le deuxième souligne le caractère corrélatif des maux liés à l’absence d’ordre et de liberté, à l’absence de résistance et d’obéissance de la part du citoyen, et par suite il montre à nouveau la liaison de l’ordre et de la liberté, de la résistance et de l’obéissance, même s’il y a toujours une tension entre les uns et les autres. La vie politique est une vie instable, toujours à réinventer. Telle est peut-être d’ailleurs la véritable leçon de ce texte : la politique est une tension entre des exigences différentes, voire opposées. On ne peut aller au-delà de cette tension. Il n’y a donc pas de cité parfaite, pas de solution définitive du problème politique. La maturité du citoyen, c’est d’accepter qu’il n’y a pas de solution toute faite, ni définitive. Il faut toujours tout recommencer, à peu près comme dans l’éducation des enfants. C’est toujours la même chose, et souvent les mêmes difficultés, dans des situations différentes. Soulignons cependant que le deuxième paragraphe, en reformulant la corrélation de l’ordre et de la liberté, met mieux en évidence que le premier, que l’obéissance et la résistance sont simultanées : c’est en obéissant que je résiste, c’est en résistant que j’obéis véritablement à la loi démocratique.

L’obéissance à la loi assure l’ordre nécessaire à la vie politique. La vie politique est une manière de résoudre par le dialogue, par la règle convenue entre les hommes, des conflits qui, en dehors de la vie politique, ne seraient résolus que par la violence. Le citoyen, qui par sa vertu, fait la bonté d’un Etat, ne doit pas seulement obéir, il doit également résister. Alain souligne ensuite les qualités

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