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La démonstration

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Par   •  7 Mars 2014  •  2 145 Mots (9 Pages)  •  641 Vues

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L'expérience peut-elle démontrer quelque chose ?

Introduction

On pense généralement qu'une théorie est démontrée lorsqu'elle a été vérifiée par l'expérience. Mais établir un rapport entre un fait et une idée est une opération de l'esprit. C'est donc l'esprit et non l'expérience, qui vérifie la théorie. L'expérience peut-elle donc démontrer quelque chose ? Il s'agit de juger de sa valeur scientifique en la situant dans le champ du savoir. Si tout ce qui nous est donné dans l'expérience l'est en effet par l'entremise des sens, de façon particulière et contingente, une démonstration est à l'inverse une preuve administrée par la raison, validant de façon universelle et nécessaire l'une de ses propositions. Les notions d'expérience et de démonstration paraissent donc opposées, sans que cela soit vrai dans tous les domaines. Si les sciences mathématiques décrivent des objets auxquels rien ne peut parfaitement correspondre dans l'expérience, les sciences expérimentales ne peuvent à l'inverse progresser sans recourir à cette dernière. Que vaut donc l'expérience : peut-elle démontrer une théorie en prouvant sa vérité, ou seulement nous montrer ce qu'il nous faudra ensuite comprendre rationnellement ? Précède-t-elle ou suit-elle la démonstration ? Démontre-t-elle qu'une hypothèse est vraie, ou que l'on ne peut la dire fausse ? Il s'agit de savoir comment accorder la théorie à l'expérience, la raison et le réel, pour connaître la vérité et faire progresser les sciences. Quel rôle lui attribuer dans la recherche du vrai ?

I. L'expérience peut être démonstrative

Bacon fut l'un des premiers philosophes à accorder une valeur démonstrative et scientifique à l'expérience : il affirme dans son Novum organum de 1620 que « la meilleure de toutes les démonstrations, c'est l'expérience » (I, 70). Le but de son ouvrage est de réformer les sciences pour en favoriser le progrès. Bacon commence par écarter sous le nom de « hasard » toutes les expériences qui se font sans plan ni fin précise, et utilise ensuite ce terme pour désigner la mise en œuvre d'un moyen au service d'une fin précise. C'est ce qui le conduit à en distinguer deux types, le but d'une expérience pouvant être pratique ou théorique. Elle produit un résultat concret et facilite la vie des hommes dans le premier cas. C'est un moyen d'agir sur le réel. Elle sert en revanche à parfaire l'esprit des hommes et à développer les sciences dans le second. C'est un moyen de connaître la vérité. Bacon qualifie de « fructueuses » les expériences qui ont pour fin l'action et sont immédiatement utiles, et de « lumineuses » celles qui ont pour fin le savoir et visent à produire des connaissances.

Le but de cette distinction n'est cependant pas de séparer la théorie de la pratique, mais de les réunir en abolissant la vieille opposition des arts mécaniques et des arts libéraux issue de l'Antiquité : Bacon voulait que son nouvel « organum » se substitue à celui d'Aristote qui avait défini une méthode purement logique devant permettre à la science de se développer indépendamment de l'expérience, désormais abandonnée à l'art et à la technique en raison de sa contingence. Les sciences que le philosophe grec qualifiait de « théoriques » en raison de leur nécessité furent ensuite rangées dans la catégorie des « arts libéraux » que l'on opposait durant le Moyen Âge aux « arts mécaniques » parce qu'ils ne s'adressaient qu'à l'esprit et ne supposaient aucun rapport à la matière. Ces divisions expliquent que l'on ait pu séparer la démonstration et l'expérience durant des siècles : ces notions semblaient relever de domaines différents et s'adresser à des facultés distinctes. La nouveauté de l'œuvre de Bacon fut de considérer ces divisions comme des obstacles au développement des sciences. La notion d'expérience « lumineuse », qualifiée aussi de « lettrée » ou « instruite », résulte du dépassement de ces oppositions : elle qui opère la synthèse de ce que l'ancien organum opposait. Elle réunit sous une même idée les arts libéraux et les arts mécaniques, la science et la technique, en demandant aux techniciens d'inventer des expériences destinées à mettre en évidence la cause des phénomènes, pour approfondir notre connaissance de la nature. C'est le début des sciences expérimentales, où l'expérience doit démontrer les théories de la science, qui, sans elles, ne sont que de vaines croyances.

Mais peut-on vraiment réunir ainsi les sciences ? N'existe-t-il pas une différence irréductible entre celles qui sont purement rationnelles, comme les mathématiques, et celles qui font appel à l'expérience, comme la physique ? Qu'est-ce que savoir ? Qu'est-ce que croire ? Si l'expérience est contingente, peut-elle vraiment démontrer une hypothèse ? Ou ne nous permet-elle que d'en forger de nouvelles ? Qu'est-ce qu'une conjecture ?

II. L'expérience ne fait que légitimer la croyance

Hume distingue radicalement les notions d'expérience et de démonstration dans Enquête sur l'entendement humain de 1748. « Les seuls objets de la démonstration sont la qualité et le nombre, nous dit-il. Toutes les autres recherches concernent les questions de fait et d'existence que l'on ne peut pas démontrer » (XII, 3). Le rapport de cause à effet sur lequel se fonde la physique ne se réduit pas selon lui à un rapport de principe à conséquence. Ce dernier est nécessaire, parce que l'idée de la conséquence est déjà contenue dans celle du principe, si bien que la nier après l'avoir posée implique contradiction. Mais le premier est contingent, car l'idée de l'effet n'est pas déjà contenue dans celle de la cause, si bien que l'on peut nier son existence après avoir reconnu celle de cette dernière sans que cela implique contradiction. Un triangle a par exemple nécessairement trois angles, car cette propriété est enveloppée par principe dans son concept. Sa négation implique contradiction. La raison suffit à nous la faire connaître par l'analyse de la notion, sans que l'on ait à recourir à l'expérience. Mais le fait que le mouvement d'une boule de billard puisse en causer un autre n'est pas en revanche nécessaire, car on peut imaginer qu'il produise un autre effet. La raison ne peut découvrir

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