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L'intérêt Gouverne-t-il Le Monde

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Par   •  1 Mai 2014  •  2 053 Mots (9 Pages)  •  834 Vues

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« Cet inconvénient, senti par tous, mit monsieur de Rênal dans l'heureuse nécessité d'immortaliser son administration par un mur de vingt pieds de hauteur et de trente ou quarante toises de long. » Stendhal, Le Rouge et le Noir, I-2. Il est question, dans ce passage du Rouge et le Noir, de gouvernance et d'intérêt. Le maire de Verrières, la petite ville de province inventée par Stendhal pour les besoins de son roman, a tout intérêt à bâtir ce mur, qui, en plus de procurer à ses concitoyens une promenade fort agréable, enrobe monsieur de Rênal d'une gloire non négligeable, qui vient s'ajouter à ses médailles. D'ailleurs, « Voici le grand mot qui décide tout à Verrières : rapporter du revenu. À lui seul il représente la pensée habituelle de plus des trois quarts des habitants. » On voit à quel point, dans cette bourgade jurassienne, l'on s'attache à son intérêt. Tout le roman, de fait, est traversé par des questions d'intérêt, d'ambition, opposées à l'amour et au désinterressement. L'amour sort d'ailleurs perdant ce cette bien triste affaire : amoureux de madame de Rênal, Julien tentera de l'assassiner, abandonnant par ce geste toutes les ambitions qu'il avait cru avoir. Si, chez lui, l'amour désinteressé a vaincu, on ne peut en dire autant dans l'œuvre. Le roman, lu sous cet angle, semble affirmer que l'intérêt gouverne le monde. Est-ce vraiment le cas ? L'intérêt est-il seul à gouverner, et selon quelles modalités ?

Stendhal oppose l'intérêt, ou pour être exact l'ambition, à l'amour, qui apparaît comme un symbole ultime de désinterressement. On pourrait aisément en trouver beaucoup d'autres ; mais il n'en est question ici. Ce qu'on considère est l'intérêt : il importe de déterminer si l'intérêt des uns ne peut être nuisible à d'autres, et s'il existe un intérêt commun qui pourrait guider la marche du monde. À croire que l'intérêt est unique, on se laisserait aller à dire qu'il y va du même intérêt de protéger la planète et de la polluer sans souci des générations futures. Mais non ! Ce sont deux intérêts radicalement opposés ; cependant on ne peut dire « diamétralement » opposés, car ils peuvent aller, non pas de pair, mais du moins autrement que front contre front. Reprenons pour l'heure la question première qui se pose, car d'elle découlent toutes réponses possibles. Comment envisager l'intérêt ? On l'a entrevu, il n'est pas universel, du moins a priori. À y regarder de plus près, et avec plus d'attention, ce qui paraît d'abord n'être pas partagé est parfois à mettre sans réserve en partage.

En supposant que l'intérêt gouverne le monde, et que l'intérêt de chacun le poussera à vouloir pour lui ce qui lui est nécessaire, ou agréable. Dans ce que Thomas Hobbes appelle l'état de nature(1), les hommes tous égaux entre eux, et faisant valoir chacun leur intérêt propre, se livrent la guerre de tous contre tous, bellum omnium contra omnes. À cet état de nature, il oppose l'état de culture, dans lequel les humains, pour se présever de la guerre de tous contre tous, construisent un Léviathan(2), c'est à dire un État (Commonwealth), où l'intérêt de chacun comme l'intérêt commun est pris en compte, et les conflits réglés par des tierces parties. Dans les deux cas, l'intérêt gouverne le monde. Ou plutôt, il gouverne dans le second cas. En effet, à l'état de nature, il est manifeste qu'il n'y a pas de gouvernance, ni d'intérêt, ni de quoi que ce soit d'autre. La vision de Hobbes est d'ailleurs bien négative, mais là n'est pas la question.

Il demeure que les deux situations oublient les sentiments d'amitié dans leur analyse. Ils ne sont présents qu'en filigrane ; pourtant, ils entrent pleinement en jeu. « La guerre de Troie n'aura pas lieu », dit Andromaque(3). D'après elle, Hélène n'aimant plus Pâris et Pâris se désinteressant d'Hélène, icelle sera rendue aux Grecs en toute diplomatie. À quoi Cassandre répond : « On va le recevoir grossièrement. On ne lui rendra pas Hélène. Et la guerre de Troie aura lieu. » Plus tard, le Géomètre dira, rappelant que le peuple aime Hélène et tout entier veut la garder, « [qu']il n'y a plus que le pas d'Hélène, la coudée d'Hélène, la portée du regard ou de la voix d'Hélène [...] »(4). Il s'agit, de la part du peuple de Troie, d'amour. Cet amour va contre l'intérêt de Troie, car il entraînera une guerre (et l'on sait, grâce à Homère(5), que Troie a perdu cette guerre). Ici, plusieurs intérêts s'opposent. Premièrement, l'intérêt de Troie, qui est d'éviter la guerre ; c'est la position d'Hector, las des guerres. Vient après l'intérêt des dirigeants de Troie, Priam, le Géomètre : pour eux, il s'agit de satisfaire le peuple. Priam le dit lui-même : « Elle prouve à tous ces vieillards que tu vois là au guet [...] qu'ils avaient au fond d'eux-mêmes une revendication secrète, qui était la beauté. »

Ces revendications contradictoires rendent la question très complexe. Hélène, on le sait, ne sera pas rendue. La guerre aura lieu. Une autre bataille se livre aujourd'hui, avec un enjeu autrement plus universel, et plus lourd de conséquences sur l'avenir de la planète comme de l'humanité. En l'occurrence, ce que dit Hobbes de l'état de nature opposé à l'état de culture devient tout à fait pertinent et, appliqué au fonctionnement de l'économie actuelle, très juste. Il s'agit de la protection de l'environnement, et de l'écologie (comme on dit). C'est, d'après certains, la grande bataille du XXIème siècle. En reprenant l'idée d'état de nature, on peut l'appliquer à un fonctionnement totalement libre du monde économique, où chacun n'agit que pour s'en mettre littéralement plein les fouilles (pardon de l'expression). On devine qu'une telle situation mène à quelquechose comme l'Apocalypse nucléaire, ou du moins la fin des glaciers. Et précisément, la fonte des neiges embarrasse du monde : les stations de sports d'hiver génèrent des revenus énormes grâce à l'« or blanc ». Outre les remontées mécaniques, il y a les magasins de sport, les restaurants, les trains... l'intérêt des stations va donc clairement contre l'intérêt immédiat des géants du pétrole. Toutefois, à regarder plus loin dans l'avenir, on ne peut que songer qu'en polluant la planète, lesdits géants du pétrole

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