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Fiche De Lecture -Essai sur Le Don de Mauss

Mémoires Gratuits : Fiche De Lecture -Essai sur Le Don de Mauss. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Février 2013  •  2 962 Mots (12 Pages)  •  1 618 Vues

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A travers la lecture de ces textes et ouvrage, à savoir Essai su le Don de Marcel Mauss, Le Topofil de Boa Vista de Bruno Latour, et l’article théorique de Gregory Bateson au sein de la Nouvelle Communication (p. 115-145), j’ai vu se dessiner le même schéma, le même dessin, en filigrane. Bien que les motivations, les démarches, et la perspective professionnelle de ces écrivains et érudits ne soit pas la même, on peut tisser des liens forts entre les conclusions de l’un et celles de l’autre. Non pas parce leur sujet d’étude soit le même, mais bien parce que le langage, et plus largement la communication, dans son versant le plus philosophique, apparaît comme le sommet de leurs aventures analytiques.

Que ce soit dans un cadre scientifique de classement et de désignation de la matière, dans le cadre d’un étiquetage de la forme particulière d’un rapport social et sociologique (le don), ou encore, comme l’explique Bateson, dans le cadre d’une compréhension minutieuse des signes qui sont à l’œuvre dans les rapports interpersonnels, l’on voit s’y déployer une logique du langage et des symboles, dont le but ultime est de transmettre un message ayant une signification. Ce message prend la forme d’un récit théorique dans les trois cas. Leur méthode se suit : le chercheur part d’un détail observable et observé, puis il l’agrandit, il le théorise. Au bout de cet agrandissement, il nomme.

La lecture de ces trois textes est une forme d’ascension progressive vers le langage lui-même. Bruno Latour s’intéresse à la manière dont le langage cache aussi bien qu’il dévoile, tout comme le fait Mauss quand il admet que sous la monnaie se trouve un rapport social de réciprocité. Bateson, dans son projet de décrypter le langage au niveau microscopique, cherche aussi ce qui se trouve dessous, c’est à dire tous les éléments composant la signification de l’énoncé. L’énoncé seul est incapable de nous fournir cette clé. Il faut donc regarder ce qu’il y a derrière et autour, afin d’élucider le mystère. Il faut observer toutes les couches qui gisent sous la surface, à la manière dont le pédologue étudie le sol.

Afin de donner un aperçu global, et surtout pour montrer la vraie convergence de ces trois lectures, je propose de les entremêler. Dans les trois il y a un passage de la matière ou de l’acte, à la forme ou au concept, c’est à dire un passage du signifiant au signifié. La thèse serait donc de dire que les trois auteurs se sont penchés sur la matière pour en faire ressortir un concept. Le problème fondamental qui se pose est celui de la fidélité du concept à la chose, qui rentre dans le questionnement plus large de l’adéquation du langage et du monde. Plus largement, cet angle là nous permet de comprendre les théories des auteurs et de les croiser avec des nos expérience et idées.

En ce qui concerne la chose, autrement dit la matière première de l’étude, chaque auteur s’est occupé d’un domaine différent. Bruno Latour est allé du côté de l’Amazonie, pour s’intéresser à la façon dont les chercheurs scientifiques conceptualisaient les choses, traçaient leur chemin vers le langage. Dans ce cadre particulier, il s’agissait d’étudier le sol et les plantes d’une zone déterminée pour tirer des conclusions sur le combat territorial entre la forêt et la savane. L’élément microscopique de l’expérience est dans ce cas un grain de terre. Dans les études de Bateson, qui s’intéresse à l’étude des rapports interpersonnels, c’est le geste, l’intonation qui compte. Pour ceci, il met sur le terrain des sciences diverses comme celles du comportement ou celles de la gestuelle (sciences kinésiques). Bateson s’intéresse à l’histoire naturelle de deux êtres humains en interaction pendant un laps de temps. C’est le battement d’une paupière, la manière d’énoncer un mot qui l’intéresse. Dans cet article, il n’en fera pas l’étude scientifique : il se limitera à établir le cadre de l’analyse. Les techniques seront développées dans la suite de son ouvrage. Mais la lecture de cet article suffit pour comprendre le passage du signifiant au signifié. Le signifiant, dans ces conditions d’étude, correspond à une unité microscopique de temps observé. Les « données de base sont les innombrables détails d’activité vocale et corporelle enregistrés » par un film. Son outil d’observation est donc une caméra. Cette caméra, dans ce contexte là, est déjà un détour, un outil permettant de quadriller les données afin de délimiter les contours de la chose observée. Dans l’article de Bruno Latour, l’analogue de la caméra est le topofil, qui va délimiter, à l’aide d’un fil, l’aire de terre qui servira ensuite d’échantillon représentatif. Tout comme un mouvement de bras ou une intonation peuvent être représentatifs d’une conversation entière, un échantillon de terre peut être représentatif d’une plus grande surface. Ces outils constituent déjà les premières marches menant vers le concept, vers la représentation mentale. On s’intéressera au concept plus tard, dans une deuxième partie. Pour le moment, on essaye de se limiter à la plus petite unité, à la chose qui compose le monde, sans le prisme de l’étude, sans le positionnement du chercheur, sans les idées en somme.

Mauss, dans le cadre de son anthropologie, a aussi un objet d’étude, une matière. Il s’agit de l’acte du don, observé à partir de sociétés archaïques. Mauss utilise donc une bien plus grande échelle. La particularité de Mauss, c’est qu’il ne s’est jamais aventuré dans le terrain à la manière de Bruno Latour. Ses études reposent donc sur des études antérieures, et l’étude de Mauss repose donc déjà sur la forme, sur une interprétation émise par un intermédiaire, dans ce cas un ethnographe. Cependant, rien ne nous empêche d’affirmer que son objet d’étude est l’acte particulier de la donation, qui est le fait de donner un objet à quelqu’un d’autre. C’est cela la donnée de base. C’est l’ethnographe qui a mesuré tous ces phénomènes, mais c’est Mauss qui va les décortiquer. Mauss va donc s’avancer comme un cerveau théorique. Le grand pari de Mauss va être d’appliquer le don observé dans les sociétés archaïques aux sociétés modernes. Il s’agit donc d’une extrapolation, mais le phénomène de base est bien l’acte de donner. Et, dans la mesure où le don met en œuvre des symboles et des objets, à commencer par la monnaie, et des rapports de force, tout le défi est d’étudier ce mécanisme observable, à savoir l’échange, pour analyser les mécanismes qui sont à l’œuvre.

Quel lien peut-on établir entre un battement de paupière, le phénomène social d’échange, et

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