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Faut-il Vouloir Satisfaire Tous Ses désirs ?

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Par   •  29 Septembre 2014  •  2 104 Mots (9 Pages)  •  1 130 Vues

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L'homme est, nous dit Kant, un « être fini et raisonnable ». En tant qu'être fini doté d'une sensibilité, il a des désirs : l'homme n'est pas un être divin qui se suffirait à lui-même ; il connaît l'épreuve du manque et la morsure de la privation. Non seulement en effet l'homme, comme tout être vivant, a des besoins vitaux (boire, manger et dormir) mais, parce qu'il est doté d'une conscience et d'une imagination, il peut se représenter ce qui lui fait défaut, et par là même le désirer. Il est donc dans notre nature même d'êtres finis de désirer. Or le désir comme épreuve du manque est une souffrance qui ne s'apaise que dans sa satisfaction. Sans doute faut-il aller plus loin : non seulement la satisfaction du désir comble le manque et met de ce fait fin à la souffrance, mais elle est aussi la source d'un plaisir positif. Satisfaire mes désirs ne me permet pas simplement d'éviter la douleur, parce que cette satisfaction est en elle-même plaisante : le désir est en lui-même une promesse de bonheur, si tant est qu'être heureux, c'est voir le plus de nos désirs satisfaits, de la manière la plus durable et la plus parfaite possible.

Il appartient à notre nature d'être finis de préférer le plaisir à la douleur, la satisfaction à la morsure du manque, et d'espérer le bonheur. Si ce dernier constitue alors le but de toute vie humaine, l'accomplissement de nos désirs semble bel et bien la seule règle à suivre : ne sera heureux véritablement que celui qui aura satisfait tous ses désirs. Nous opérons cependant ici une réduction problématique : on peut certes soutenir que l'accomplissement de tous nos désirs est effectivement à même de nous faire connaître le bonheur, parce que la satisfaction d'un seul de nos désirs est déjà source de plaisir ; mais n'est-ce pas alors replier un peu rapidement le bonheur, qui pour être véritable se doit d'être durable, sur un plaisir ponctuel, provisoire, et par là même finalement toujours décevant ? D'autre part et surtout, affirmer que le bonheur se rencontre uniquement dans la satisfaction totale de nos désirs, c'est présupposer qu'une telle satisfaction est en elle-même possible, en d'autres termes que nous en aurons un jour fini de désirer. N'est-ce pas là mécomprendre la nature du désir lui-même ?

I. La nécessité d'un tri entre les désirs

1. Pluralité des désirs

Que l'existence humaine soit placée sous le signe du manque et de la privation, c'est une évidence : seul un être qui n'a pas tout ce qu'il veut peut désirer, et il désirera par définition toujours ce qu'il n'a pas. Parce qu'il est un être de désir, l'homme voit son existence perpétuellement troublée ; et parce que cette existence est d'abord placée sous le signe du désordre et de la souffrance, ce que chacun recherche, c'est la satisfaction, la quiétude, l'absence de trouble, l'ataraxie. Suffit-il, pour apaiser notre trouble natif, et ainsi atteindre le bonheur véritable, de tenter de satisfaire tous nos désirs ?

Pour Épicure, tout désir est en lui-même un bien, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il soit agréable de désirer : un désir insatisfait est source de déplaisir, c'est-à-dire de douleur. Le désir peut être un bien parce qu'il nous ouvre à la possibilité du plaisir : ce qui nous fait plaisir, c'est de combler la privation, c'est-à-dire de satisfaire le désir. Un être qui n'aurait aucun désir ne connaîtrait pas le plaisir, et par là ne saurait être heureux. Il faut donc, pour comprendre, poser la distinction suivante : le plaisir est une caractéristique qualitative de l'existence ; or une qualité ne saurait être quantifiée : il n'y a pas de plaisirs plus ou moins plaisants, le plaisir est en soi un état insusceptible de degré. Le désir en revanche est toujours « désir de » : la nature du désir dépend donc de ce qui y est désiré. Que tous les désirs soient en eux-mêmes bons ne doit alors pas nous amener à oublier la diversité fondamentale du désir ; au point qu'il vaut mieux, finalement, parler des désirs plutôt que du désir.

Alors, pour savoir si la satisfaction de tous nos désirs est bien la condition du bonheur, il faut différencier au préalable les désirs entre eux pour déterminer ensuite s'ils sont tous également recommandables. Or, nous dit Épicure, il existe finalement trois grands genres de choses désirables. Il existe donc trois genres de désirs : les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels mais non nécessaires, les désirs non naturels et non nécessaires. Sont appelés « désirs naturels et nécessaires » tous ceux dont l'insatisfaction provoque de la douleur : par exemple, ne pas boire lorsqu'on a soif. En revanche, ne pas satisfaire un désir naturel, mais non nécessaire, n'engendre pas de douleur : consommer des mets délicats est certes un plaisir, mais s'en priver n'est pas un déplaisir, à moins que la satisfaction en soit devenue une habitude. Tout au contraire, les désirs non naturels et non nécessaires sont ceux qui sont contaminés par les fausses peurs des dieux et de la mort : ainsi, je ne désire la gloire que parce que j'ai peur qu'il ne reste rien de moi après ma mort. Ces désirs viciés sont ouverts à l'illimité : ils ne peuvent jamais être assouvis, si tant est que la gloire me fait désirer plus de gloire, l'argent plus d'argent, le pouvoir plus de pouvoir, etc.

2. Exclusion des désirs illimités

Que le désir soit en lui-même bon, puisqu'il satisfait un manque douloureux, voilà qui pour Épicure est indiscutable. Mais la tripartition des désirs opérée par lui nous invite cependant à poser la question suivante : est-il sage, pour celui qui recherche le bonheur, de vouloir accomplir tous ses désirs indistinctement ?

Le cas le plus évident est celui des désirs tout à la fois naturels et nécessaires. Non seulement leur satisfaction procure un plaisir réel, mais en outre, ils sont aisés à satisfaire : boire lorsque l'on a soif, manger lorsque l'on a faim, dormir lorsque l'on a sommeil, autant de choses que tout homme peut accomplir si sa liberté n'est pas entravée par la misère ou l'esclavage. Les désirs non naturels et non nécessaires sont source de déplaisir, parce qu'ils ne peuvent pas être satisfaits : la peur de la mort me fait désirer l'immortalité, mais l'immortalité ne me sera

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