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Est-il raisonnable d'aimer ?

Dissertation : Est-il raisonnable d'aimer ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Décembre 2017  •  Dissertation  •  1 451 Mots (6 Pages)  •  2 561 Vues

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Est-il raisonnable d’aimer ?

Selon la mythologie grecque, Eros est le petit-fils du dieu Métis, le dieu de la ruse. Son père, Poros, est le dieu de l’abondance, et Pénia, sa mère, vit dans la pénurie, le besoin et la pauvreté. Parce qu’il possède les attributs de ses parents, on dit de lui qu’il est à la fois manque et excès, qu’il emploie toutes les ruses, qu’il est chasseur, charmeur, envoûteur, sophiste et beau parleur. Pour séduire, l’amour est tactique et habile avec les apparences. Il en est ainsi lorsque nous tombons amoureux d’une personne en étant charmés par la beauté de ses discours et de ses paroles, mais cet amour peut avoir raison de nous et, très souvent, l’aventure amoureuse qui en découle est superficielle, éphémère, fragile. Il convient alors d’opérer une distinction entre l’être véritable de l’amour et son apparence, c’est à dire une démarcation entre un amour qui serait apparent, illusoire et trompeur, et un amour qui serait réel et véritable, c’est-à-dire durable et immuable. En somme, tout le problème est de savoir si la raison peut nous affranchir de l’illusion et donc de la démesure. La tempérance du désir amoureux est-elle préférable à son illimitation et à son immodération ? D’abord, l’amour est-il une passion que l’on peut maîtriser ? Peut-on connaître ce qu’est un amour raisonnable, mesuré et proportionné, sans faire l’épreuve de la démesure de la passion amoureuse ? Un amour vécu sans illusion nous garantit-il le bonheur ?

Dom Juan est un être qui passe souvent pour le bourreau et ses conquêtes multiples pour les victimes. Mais si l’on observe la mécanique du désir à l’œuvre chez lui, on s’aperçoit que c’est lui qui souffre du travail absurde ou sans fin du désir, qu’il est pour ainsi dire esclave de ses désirs. Pour reprendre l’expression que Schopenhauer formule dans Le monde comme volonté et représentation, son « existence oscille de droite à gauche comme un pendule entre la souffrance et l’ennui ». Ses conquêtes sont en grand nombre, sa vie est certes remplie de désirs, mais peut-on réellement dire qu’il a une vie bien remplie ? En effet, force est de constater que ses désirs sont semblables aux tonneaux percés des Danaïdes : ils se vident aussitôt qu’ils sont remplis. Une fois satisfaits, ils procurent certes quelques plaisirs mais dont la fugacité donne lieu à chaque fois à de l’insatisfaction, de sorte qu’on peut véritablement dire qu’il souffre plus qu’il ne jouit, puisqu’il n’est jamais tranquille et que son âme est sans cesse troublée. Par conséquent, si l’illimitation des désirs - ce que les philosophes appellent l’intempérance, l’immodération ou l’excès - est une façon d’envisager l’amour qui procure plus de souffrance que de plaisirs, mieux qui procure des faux plaisirs, autant dire des plaisirs qui sont des souffrances, alors, il y a certainement lieu de considérer au terme de l’analyse qu’il est déraisonnable d’aimer.

L’amour est un sentiment qui a tendance à rendre celui qui en est frappé déraisonnable, aliéné, incapable de discerner comme par cécité le faux du vrai, l’apparence de la vérité, comme si l’amour rendait aveugle. L’amour rendrait aveugle et serait, comme le dit Schopenhauer, quelque chose que nous tenons pour réel, alors qu’il ne s’agit que d’un leurre qui obéit à un plan rusé de la nature en vue de la reproduction de l’espèce. Dans cette perspective, l’amour est déraisonnable, mais nous n’y croyons pas. C’est qu’entre d’une part la raison qui se plaît à arbitrer en discernant le bien du mal, le vrai du faux et à interposer un discours logique, et d’autre part la passion sourde et agitée, il y a une différence de degré comme le rappelle la célèbre phrase de Pascal : « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». Orgueilleux, l’homme tranche le plus souvent en défaveur du discours paternaliste qui met en garde contre les dangers de l’amour au profit d’une conclusion qu’il préfère tirer lui-même de l’expérience. Prenons l’exemple d’une personne réputée infidèle dont votre ami tomberait « follement » amoureux, à en perdre la raison. Admettons que cette personne ne manque pas à sa réputation et que vous l’apprenez. Parce que vous tenez à lui et que vous souhaitez le protéger, vous aurez beau contrarier son désir en lui démontrant par A + B qu’il se trompe, il continuera à « croire » comme qu’il est dans le vrai, convaincu qu’il est du sens de ce qu’il vit et, ce faisant, il continuera à obéir aux seules lois que lui dicte son cœur. Quand bien même donc il serait déraisonnable d’aimer, il y aurait toujours des hommes pour être sourd aux paroles de la raison, pour continuer à aimer ou à vouloir connaître l’amour, pour préférer l’illusion du contrôle au contrôle de l’illusion, pour préférer la raison de l’amour à l’amour de la raison. L’enjeu est donc de déterminer si l’homme est réellement capable de raison, c’est-à-dire s’il est capable de se détourner de l’immédiateté de la passion et des sollicitations affectives de l’expérience pour s’incliner sagement devant la raison. Faut-il nécessairement passer par l’expérience et un jugement a posteriori, se faire sa propre expérience comme on dit souvent, pour se forger soi-même une idée ?

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