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Les Affiches Publicitaires Françaises Face Aux Avant-gardes Artistiques (1918-1939)

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Par   •  4 Mars 2014  •  5 269 Mots (22 Pages)  •  1 209 Vues

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Les affiches publicitaires françaises face aux avant-gardes artistiques (1918-1939)

Les courants artistiques dits « d’avant-garde » peuvent être utilement appréhendés au regard des raisons les ayant poussés, au cours de la première moitié du XXe siècle, à radicaliser leur position à l’égard de la société de l’époque ou au regard des choix stylistiques retenus pour exprimer, chacun à leur manière, leur désarroi et leurs rejets. Une approche pertinente peut aussi consister à étudier, de l’intérieur, la dynamique propre à chacune de ces écoles, à l’influence plus ou moins éphémère. Une autre approche peut préférer se polariser sur les liens qu’ils ont noués avec la sphère politique.

Si ces courants sont surtout connus pour leurs innovations picturales, il nous paraît tout aussi intéressant d’évaluer leur impact réel, notamment d’un point de vue formel, sur d’autres types de support imaginal. D’autant que ces courants, dans une démarche englobant le plus souvent l’ensemble des « arts », souhaitaient les décloisonner et les mettre sur un pied d’égalité dans une perspective plus « politique » : la photographie, le design, l’architecture ou l’affiche ont ainsi constitué autant de champs sur lesquels ils ont tenté d’appliquer leurs conceptions et leurs styles propres.

Nous proposons dans cette contribution d’évaluer l’influence des avants-gardes artistiques sur les affiches publicitaires françaises. Notre regard portera sur la période de l’entre-deux-guerres et s’appuiera sur un corpus représentatif de 588 affiches . Cette période de l’entre-deux-guerres mérite une attention tout particulière au regard du statut de l’affiche publicitaire durant ces deux décennies. La publicité par voie d’affiches dans la rue est d’abord un médium encore très largement répandu en France (seconde place en tant que support en pourcentage des investissements publicitaires, après l’annonce de presse), tout en étant considérée comme un procédé souple et efficace par les annonceurs. La Première Guerre mondiale marque ensuite une rupture profonde quant au style et au contenu de l’affiche publicitaire : est abandonnée la dimension artistique et « contemplative » de l’affiche de la Belle Epoque au profit d’une affiche devenue « moyen de communication » entre l’annonceur et le public par le biais d’un message unique et simple. Cette révolution formelle bénéficie, en outre, d’une profonde mutation de l’activité publicitaire : l’entre-deux-guerres se caractérise par une structuration des métiers, une rationalisation des méthodes et un contexte économique et culturel progressivement favorable à la publicité. En un mot, on passe, à cette période, de la « réclame » traditionnelle à la « publicité » moderne, moment dans lequel l’affiche joue un rôle non négligeable pour la crédibilité et la légitimité de ce secteur économique.

L’intérêt porté, dans ce cadre temporel, aux affiches publicitaire « de sport » s’explique par le fait, qu’après la Première Guerre mondiale, le sport moderne a su particulièrement se « mettre en scène » en se « mettant en image ». Des stades aux cimaises des musées, des photographies de presse et des vignettes populaires aux placards publicitaires apposés sur les murs de la ville, l’image sportive prolifèrent en relation avec le développement des pratiques sportives. A l’inverse de la période de la Belle Epoque où le sport restait surtout cantonné à l’aristocratie et à la nouvelle bourgeoisie d’affaires porté par la IIIe République, il devient un phénomène de masse au lendemain de l’Armistice de Rethondes. Son essor et sa popularité ne peuvent cependant être déconnectés de l’imagerie sportive : « La place d’envergure occupée au sein de l’espace socioculturel par l’activité sportive s’explique bien moins par sa pratique elle-même que par son statut de spectacle médiatique » . Ce serait donc moins le sport en acte que le sport « en représentation », le sport mis en images médiatiques, qui l’a transformé en fait social total entre 1918 et 1939.

Après avoir examiné le profil des principaux affichistes qui ont participé au renouveau de l’affiche française moderne, puis les prescriptions formelles imposées par les publicitaires eux-mêmes, nous nous intéresserons tout particulièrement aux interactions entre la sphère du graphisme publicitaire et celle des avant-gardes artistiques.

La nouvelle génération des affichistes

Toutes les affiches du corpus étudié ne sont pas soumises à l’influence, directe ou indirecte, des mouvements artistiques dominants de l’époque. Ainsi, pour les affiches publicitaires de type touristique, il est parfois fait appel à des peintres de la marine qui réalisent de véritables tableaux peints dans une veine très figurative. D’autres artistes sont restés fidèles à une tradition impressionniste ou néo-impressionniste aboutissant à des œuvres publicitaires colorées très classiques. Enfin, de nombreux placards s’inscrivent dans le style « arts déco » dominant dans la période, style qui se transforme vite en nouvel « académisme ».

Malgré tout, à partir de 1918, une nouvelle génération d’affichistes se lance dans un style nouveau, issu des révolutions picturales antérieures ou postérieures à la Grande Guerre. Elle est dominée par quatre affichistes qui bouleversent l’affiche en proposant des images neuves dans un style simple, direct et synthétique.

Jean Carlu (1900-1997) débute des études d'architecture aux Beaux-arts de Paris. A la suite d'un accident, il perd son bras droit et se détourne de l'architecture pour signer un contrat chez Bernard Sirven, grand imprimeur d'affiches. Dans les années 20, il rencontre le peintre cubiste Jean Souverbie (1891-1981) qui lui fait découvrir Albert Gleizes (1881-1953) et la Section d'Or . A partir de 1923, sous l'influence du cubiste espagnol Juan Gris (1887-1927), il élabore sa théorie de « l'expression graphique de l'idée » qui est à la base de l’affiche moderne.

Charles Loupot (1892-1962) choisit la voie artistique en 1911 en s’inscrivant à l’Ecole des beaux-arts de Lyon. Avant tout maître lithographe, il réalise une centaine d’affiches pour la Suisse entre 1916 et 1922, influencées à la fois par Leonetto Cappiello et le graphisme allemand. Il développe, cependant, une expression graphique plus libre, abandonnant le trait sec et rigide de ses premières affiches pour plus de souplesse, s’éloignant alors du cerne plus incisif de Cappiello. Ses deux affiches pour les automobiles Voisin (verte et blanche)

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