Étude de l'acte V, scène 2 de la pièce de théâtre Dom Juan de Molière: la tirade sur l'hypocrisie

Lecture analytique de la tirade sur l'hypocrisie, acte V, scène 2

Introduction :

Avec Dom Juan, comédie sérieuse en prose représentée pour la première fois en 1665, sans unité de temps ni de lieu, Molière innove et nous présente un personnage unique de l'histoire du théâtre. Dom Juan apparaît durant les quatre premiers actes comme un libertin, un personnage qui aime les plaisirs, dominer les personnes qu'il rencontre, défier Dieu et la société et briller par son éloquence. Dans la scène 1 de l'acte 5, devant son père qui se réjouit, il semble être devenu repentant et vertueux. Dans la scène 2, il explique à son valet Sganarelle qu'il joue là un rôle et fait l'éloge de ce nouveau masque, celui de l'hypocrisie.

I) La surprise de Sganarelle et du spectateur:

1) Un apparent conformisme :

Les expressions qu'emploie Dom Juan "j'aurai soin de me cacher", "sûreté", "à petit bruit", "sage esprit" attirent l'attention du spectateur. En effet, lui qui était provocateur et aimait affirmer sa singularité semble vouloir se cacher derrière l'hypocrisie. Lorsque le personnage éponyme déclare "on se les attire tous sur les bras", il semble avoir perdu son désir de combattre, son esprit de conquérant Alexandre, mais le spectateur réalisera bien assez tôt qu'il n'en est rien. Lui qui refusait de se plier aux exigences de la société, s'adapte pour continuer à exister comme il l'entend, ce qui provoque presque de la déception chez Sganarelle, qui est ce qu'on appelle un personnage double.

2) Dom Juan redouble de perversion:

Avec les expressions "à la mode", "passe pour vertu", "on n'ose rien dire contre elle", Dom Juan présente l'usage de ce nouveau masque qu'est l'hypocrisie comme un plaisir, celui de non seulement continuer à vivre dans la démesure, mais aussi de duper impunément la société et même d'être reconnu par elle. Il devient ainsi un esthète de la perversion, ce qui peut choquer le spectateur: ici Dom Juan va trop loin.

3) Un homme révolté:

Dom Juan, qui était au-dessus de la société, la méprisait, laisse ici, à la surprise du spectateur, éclater sa haine envers les "plus méchants hommes du monde" qui, au lieu d'être persécutés, sont "en crédit parmi les gens" et se permettent d'accuser les autres. Il décide ainsi de surpasser ces hypocrites en retournant contre eux leur propre vice. En effet cette tirade contient une dénonciation violente. Elle se divise en deux parties : dans une première partie, jusqu'à "c'est sous cet abri favorable", il s'agit d'une dénonciation illustrée d'exemples, traitant de l'hypocrisie dans la société. A la manière d'un avocat, il désigne, accuse : "ceux-là ", "ceux-là, dis-je", "ils". Dans une seconde partie, Dom Juan explique à Sganarelle et au spectateur comment il va tirer parti de l'hypocrisie. Il s'agit donc ici d'une double argumentation : tout d'abord, il se justifie en accusant la société d'être hypocrite, puis tente de nous convaincre de l'utilité qu'aura pour lui ce nouveau masque.

II) Intérêt psychologique de l'hypocrisie :

1) Dom Juan apparaît comme un homme traqué dont l'hypocrisie est le seul recours:

En effet, Dom Juan est poursuivi; c'est pourquoi il met l'accent sur sa sécurité : "je veux me sauver", "mettre en sûreté mes affaires", "que si je viens à être découvert". Ainsi, s'il abandonne son plaisir de provoquer ouvertement, l'hypocrisie lui permet d'agir avec encore plus de perversion, puisqu'il est non seulement impuni, mais approuvé. Pour montrer la force protectrice de l'hypocrisie, Dom Juan personnifie celle-ci avec l'expression "de sa main" et utilise les métaphores de l'habillement et de la guerre: l'hypocrisie devient un "manteau", un "bouclier".

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