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Sépulvéda Et Las Casas

Mémoires Gratuits : Sépulvéda Et Las Casas. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Décembre 2013  •  1 756 Mots (8 Pages)  •  1 921 Vues

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ENCE 1A : Humanité, altérité – Objet d’étude principal : La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation du XVIe à nos jours.

Texte 1 : Jean-Claude CARRIÈRE – Hommes ou esclaves-nés ?

Question : Comment ce texte montre-t-il une véritable opposition argumentative ?

Introduction : 1) La controverse de Valladolid a d’abord été un téléfilm proposé sur les écrans pour les 500 ans de la « découverte » du Nouveau Monde, en 1992. Librement inspiré de faits réels datant de 1550 environ, le récit, devenu ensuite un roman, évoque la confrontation de deux personnages religieux catholiques : Sépulvéda et Las Casas. Un cardinal arbitre le débat et prendra une décision finale. Celui-ci a rappelé, page 78 : « Nous sommes ici avec une intention précise : décider de la nature exacte des Indiens », hommes ou non, avec ou sans âme, égaux ou inférieurs aux Européens ?

3) La trame narrative est ici largement dominée par l’abondance du discours direct, sous forme de dialogue. Les deux adversaires s’opposent de façon directe, dans le cadre du débat délibératif : Las Casas contre argumente face à un Sépulvéda qui cherche à prouver que les Indiens sont nés pour être esclaves.

4) Comment ce texte montre-t-il une véritable opposition argumentative ?

5) I – Nous verrons d’abord quelle est l’argumentation de Sépulvéda… II – Puis celle de Las Casas… III – Avant de proposer quelques remarques sur le rôle du cardinal et sur l’issue provisoire de la confrontation.

I – L’argumentation de Sépulvéda

Débutons par l’analyse de l’argumentation du philosophe Sépulvéda, à commencer par l’identification de sa thèse.

1. Sa thèse : Elle est explicitement et clairement exprimée au cours de l’extrait : les Indiens « sont des esclaves par nature » (l.1). Le mot nature est ici à prendre dans un sens « philosophique », il désigne ce qu’est réellement, profondément une chose ou un être, ce que l’on appelle aussi son « essence » (du verbe esse). L’expression de Sépulvéda implique donc une différence fondamentale entre l’Indien et l’Européen, qui est donc implicitement assimilé à un maître. Il en découle le droit de ce maître à exploiter ceux qui sont faits pour l’être.

2. Ses arguments :

a. La référence à Aristote, un argument d’autorité, est utilisée dès la ligne 2, dans le prolongement des pages précédentes.

b. L’essentiel des arguments est constitué d’exemples pris sur le terrain du Nouveau Monde et rassemblés dans des documents écrits. Ces exemples argumentatifs (et pas seulement illustratifs) veulent mettre en évidence notamment :

i. Les dons d’imitation des Indiens, qui remplacent l’esprit d’initiative et en font des « manuels », sans grande intelligence (lignes 6 à 10). Sépulvéda procède selon un raisonnement concessif : il reconnaît que les Indiens sont « habiles » (mot mélioratif), avant de souligner leur infériorité. Il termine sur l’expression étonnante « âme manuelle », que l’on peut considérer comme un oxymore et qui fait des Indiens des êtres purement physiques, sans vie intellectuelle et spirituelle.

ii. L’ignorance, autre preuve d’infériorité. Le verbe ignorer lui-même revient à trois reprises : lignes 32, 39, 40 (ignorance du métal, des armes à feu, de la roue, de la valeur de l’or, des bonnes nourritures… qui constituent a priori des évidences pour un Européen). Cette ignorance rejoint la stupidité (l.38) pour démontrer l’infériorité intellectuelle des Indiens. L’assimilation aux « enfants » est très condescendante, celle aux « idiots » franchement injurieuse.

iii. Les tares morales. Elles s’opposent aux valeurs morales chrétiennes et sont affirmées notamment à partir de la ligne 38 : absence de fidélité dans le couple, lâcheté à la guerre, goût du vin et, ce qui doit choquer le plus, lignes 34-35, l’idolâtrie et les sacrifices humains (Sépulvéda a recours alors au procédé rhétorique de prétérition, qui joue ponctuellement un rôle persuasif : « Je ne reviens pas sur les sacrifices humains… »).

3. Sa stratégie et ses tactiques. Au départ, Sépulvéda mise avant tout sur le poids de l’accumulation de preuves (preuves demandées par le cardinal l.3). La liasse de feuillets ostensiblement saisie par Sépulvéda va dans le même sens (l.30, dans le prolongement du « dossier » évoqué dès la ligne 4). Il s’agit de multiplier les références particulières (voir 2b) afin de pouvoir remonter, par un raisonnement inductif implicite, à une vérité commune expliquant tous ces arguments : celle qui constitue la thèse de Sépulvéda. Le ton utilisé a lui aussi un rôle important (voir lignes 30-31) : cette neutralité se veut un gage d’objectivité et de véracité : Sépulvéda laisse parler les faits, sans dramatiser. Ce ton neutre est en même temps à comprendre comme une attaque contre Las Casas, implicitement accusé de subjectivité et donc de déformation de la vérité. Ce ton neutre se concrétise par le fait que Sépulvéda utilise exclusivement des phrases déclaratives, contrairement à Las Casas. Cette stratégie d’ensemble paraît donc être essentiellement destinée à convaincre, puisqu’elle s’appuie sur des faits vérifiables et sur un raisonnement inductif, sans apport émotionnel.

L’argumentation de Sépulvéda consiste donc à vouloir convaincre ses destinataires (le cardinal avant tout) de l’infériorité flagrante et essentielle des Indiens sur les Européens. Nous allons pouvoir la comparer à l’argumentation de Las Casas et constater que, dans les idées comme

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