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Soleils Des Indépendances

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Par   •  15 Juin 2013  •  8 129 Mots (33 Pages)  •  1 109 Vues

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LE THEATRE NEGRO-AFRICAIN D'EXPRESSION FRANCAISE

DEPUIS 1960

Guy Ossito MIDIOHOUAN

Pour présenter le théâtre négro-africain d'expression française depuis 1960, il est nécessaire et utile de rappeler très brièvement ce que fut ce théâtre pendant la période coloniale. Et ce rappel nous oblige à partir de quelques considérations générales sur la littérature négro-africaine d'expression française.

Contrairement à une opinion communément admise, les premières manifestations de la littérature négro-africaine d'expression française ne sont pas à mettre au compte des poètes dits « de la négritude ». A part quelques rares exceptions ceux-ci n'avaient rien publié (ouvrages littéraires j'entends) avant 1945. « La poésie de la négritude » ne connaîtra son véritable essor qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et les origines de la littérature négro-africaine d'expression remontent plus loin. C'est donc une erreur d'affirmer que les premiers écrivains négro-africains ont été des poètes. Cette erreur a été largement divulguée par l'ouvrage de Lilyan Kesteloot, Les écrivains noirs de langue française : naissance d'une littérature, qui en est aujourd'hui à sa septième édition. Ainsi des critiques ont élaboré toute une théorie sur la primauté de la poésie en littérature négro-africaine; sur la poésie, expression littéraire privilégiée des Nègres. Si bien que pour le grand public africain et néo-africain, la littérature négro-africaine reste encore synonyme de poésie, laquelle est assimilable à Senghor [PAGE 55] et Césaire (surtout Senghor) dont plus d'un ne connaît guère que les noms...

Une deuxième erreur liée à la première consiste à négliger complètement ce qui se passe en Afrique pendant la période coloniale pour ne s'intéresser qu'aux activités intellectuelles des étudiants africains du Paris des années trente. On en vient ainsi à situer les origines de la littérature négro-africaine en France, ce qui est inexact.

Nous savons aujourd'hui que bien avant la Deuxième Guerre mondiale, c'est-à-dire bien avant que les poètes négro-africains de Paris ne publient leurs premiers recueils, il existait déjà dans l'Afrique sous occupation française une vie intellectuelle et littéraire tout empreinte de l'idéologie coloniale qui s'était manifestée à travers la prose (le roman notamment) et le théâtre.

Le théâtre négro-africain d'expression française a connu son véritable essor pendant les années trente dans le cadre de l'Ecole Normale William Ponty qui était l'institution supérieure de l'enseignement colonial. Bien entendu, à l'époque, on ne parlait pas de « théâtre négro-africain », mais de « théâtre indigène d'expression française ». Les autorités coloniales ne s'étaient pas contentées d'encourager ces activités théâtrales. Elles les avaient introduites dans le programme de formation des normaliens parce qu'elles y voyaient un moyen efficace de divertissement, d'encadrement et d'embrigadement idéologique.

Le Théâtre pontin était essentiellement culturaliste et folkloriste. Loin de se démarquer de l'idéologie coloniale, il en était l'expression et le relais. Pendant que le roman africain en était encore à des balbutiements, le Théâtre pontin connaissait un prodigieux développement et 1937 fut l'année de l'apothéose. Cette année-là les pontins furent invités à se produire dans le cadre de l'Exposition Coloniale. Les Dahoméens et les Ivoiriens eurent ainsi l'honneur de jouer Sokamé et Les prétendants rivaux les 12 et 17 août 1937 au Théâtre des Champs-Elysées.

Après cette gloire, le Théâtre pontin entra dans une période de déclin qui sera accentué par une profonde modification du statut de l'Ecole intervenue après la Seconde Guerre mondiale.

Mais le rôle idéologique de ce théâtre était considérable [PAGE 56] et l'administration chercha à pallier sa disparition par la création des « cercles culturels » ayant pour mission de soutenir la création dramatique dans la même orientation collaborationniste par l'organisation de concours, par l'octroi de subventions et de prix.

D'une façon générale on peut dire que le Théâtre négro-africain d'avant 1960 était très marqué par l'emprise de l'administration et de l'idéologie coloniales et qu'il participait implicitement ou explicitement du projet colonialiste.

Ce bref rappel nous permettra de mieux comprendre l'évolution du Théâtre négro-africain d'expression française depuis 1960.

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Comme les années cinquante constituent une période de renouvellement du roman, les indépendances inaugurent dans la littérature négro-africaine un renouvellement du théâtre qui commence à vivre de la vie de l'Afrique.

Au théâtre, l'anticolonialisme ne se manifesta qu'après que le colonialisme eut été théoriquement abattu. Les changements politiques délièrent les langues et restituèrent sa liberté au génie créateur dont le champ s'élargit et se diversifia.

L'HISTOIRE COMME SOURCE D'INSPIRATION

Il s'agit pour les dramaturges moins de dénoncer la situation coloniale que de réparer les dégâts commis à la faveur de celle-ci, en somme de « mettre un peu d'ordre dans la maison » en redressant ce qui était tombé, en rétablissant dans sa réalité ou en redonnant de l'éclat à ce que la buée idéologique avait occulté ou terni : un grand ménage. Et comme tout grand ménage, il s'attaque aux vieilles taches. L'histoire devient ainsi un thème privilégié du théâtre qui ressuscite le passé précolonial et projette un nouvel éclairage sur l'avènement de l'ère coloniale perçue non plus sous l'angle de la conquête (point de vue des colonisateurs et du théâtre pontin) [PAGE 57] mais sous celui de la résistance à l'envahisseur. Le renouveau du théâtre se manifesta moins à travers les thèmes que dans la manière de les aborder : un renouveau idéologique. Et puisque l'idée toujours cherche sa forme et la

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