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Résumé Fatou Diomé Le Ventre De L'atlantique

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Par   •  14 Novembre 2012  •  1 010 Mots (5 Pages)  •  5 255 Vues

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EXTRAIT DE »le ventre de l’Atlantique » F Diome poche page 127

vivre autre chose que sa mélancolie, depuis si long_

temps. Seul, face à l'eau, il dérivait comme une barque vers la mer noire de ses souvenirs.

Cette année-là, Dieu avait béni la terre, multiplié les pluies et libéré les hommes de toute crainte de famine : les récoltes retinrent longtemps les insulaires sur la terre ferme. Lorsqu'ils eurent enfin le temps de mouiller leurs pirogues, les vagues se contentèrent de pousser les bancs de poissons dans leurs filets. Le proverbe sérère, selon lequel Dieu met de la nourri- ture dans chaque bouche qu'il fend, s'avéra. L'opti- misme était de saison, on ne pensa plus qu'à se multiplier. Les longs travaux champêtres, avec l'en- traide qu'ils favorisent, rapprochèrent les familles, leur inspirant l'envie de renforcer les alliances. L'an- née était particulièrement faste, idéale pour célébrer des noces.

Le soir, les jeunes filles sortaient en même temps que les étoiles pour se rendre au Dingaré, la place du village. Là, sous le regard bienveillant de la lune, leur mère à toutes, elles rivalisaient de grâce et d'imagination, en inventant des chansons. Pour rien au monde elles n'auraient loupé ces rendez-vous de danses nocturnes. Dans le huis clos de leurs classes d'âge, elles composaient des rengaines coquines qui les exaltaient, et des poèmes d'amour destinés au prince charmant. Leurs voix de rossignol caressaient la cime des cocotiers ; leurs fines chevilles marte- laient le sable tiède ; le roulement du tam-tam ryth- mait leur destin. Au même moment, à l'intérieur des maisons, les patriarches tenaient, à leur. insu, des

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conciliabules dépourvus de poésie. Selon une loi ancestrale, ils leur choisissaient un époux en fonction d'intérêts familiaux et d'alliances immuables. Ici, on marie rarement deux amoureux, mais on rapproche toujours deux familles : l'individu n'est qu'un maillon de la chaîne tentaculaire du clan. Toute brèche ouverte dans la vie communautaire est vite comblée par un mariage. Le lit n'est que le prolongement naturel de l'arbre à palabres, le lieu où les accords précédemment conclus entrent en vigueur. La plus haute pyramide dédiée à la diplomatie traditionnelle se ramène à ce triangle entre les jambes des femmes.



Seulement voilà, Sankèle, la fille du vieux pêcheur,

entendait faire de son triangle le sanctuaire d'un

amour libre : un amour consenti au-delà des straté

gies

communautaires. Sa finesse d'esprit et sa beauté légendaire nourrissaient, chez les siens, l'espoir de tisser des liens avec l'une des familles les plus enviées du village, dont le fils résidait en France. Sankèle avait à peine dix-sept ans lorsque, sans la consul-ter, son père et ses oncles lui choisirent un époux,

l'homme de Barbès, rentré de France pour ses pre-

mières vacances au pays. C'était un bon parti, il vivait

en Europe, et les siens ne comptaient plus sur d'hy-

pothétiques récoltes. Plus d'un père souhaitait lui livrer sa fille. Et nombreuses étaient les chansons inventées en son honneur par des demoiselles prêtes à

le suivre au bout du monde. Mais la belle San

adressait sa mystérieuse poésie à un tout autre

prince. Monsieur Ndétare, l'instituteur, était l'élu de

son coeur. Et ce fut avec horreur qu'elle apprit, de la

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Takke,

bouche de son père, la nouvelle de son

ses

fiançailles religieuses, célébrées à la mosquée vers la fin

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