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Quelles Fonctions Pour Le Conte De fées ?

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Par   •  14 Janvier 2015  •  2 858 Mots (12 Pages)  •  1 313 Vues

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I/ À l’origine, une double fonction « plaisir » et « éducation »

1.1- Plaisir et divertissement

Giovan Francesco Straparola initie, en Italie, dès le milieu du XVIe siècle, le genre nouveau du conte lettré : dans son recueil de contes folkloriques, Les Nuits facétieuses (1550), il propose les premières transcriptions littéraires de contes populaires (issus du folklore paysan vénitien). Straparola s’efforce de présenter dans ce recueil « des fables et plaisantes énigmes », qu’il met en scène dans un récit-cadre qui est un espace (temporel et géographique) du divertissement et du Carnaval. Ainsi, aux contes de Straparola, se mêlent des danses, des chants, des fables et des énigmes : la fonction que le conteur assigne à ses récits apparaît donc clairement comme la procuration de plaisir et de divertissement à ses lecteurs-auditeurs.

Toujours en Italie, au début du XVIIe siècle, Giambattista Basile publie, quant à lui, Le Conte des contes (1634) : ce recueil met cette fois en place un récit-cadre qui présente la narration de contes comme un moyen de faire passer le temps, et plus précisément de temporiser. En effet, l’agrément que produit la narration de contes à la femme de Tadéo (personnage fictif du conte-cadre) occupe assez l’esprit de celle-ci afin qu’elle ne songe plus à mettre fin aux jours de l’enfant qu’elle porte. Dans ce récit-cadre, le plaisir procuré par les contes est donc également clairement présenté comme une fonction. Cette fonction d’écoulement plaisant du temps est mise en œuvre dans le cadre d’une fiction, mais elle fait sans nul doute écho à l’utilité que les lecteurs-auditeurs perçoivent pour eux-mêmes de la narration de contes : ces lectures leur permettant également de passer agréablement le temps. De plus, Le Conte des contesporte pour sous-titre « Le divertissement des petits enfants » et prend le soin d’annoncer la narration de contes « que les vieilles racontent d’ordinaire pourdivertir les petits enfants », ce qui renforce l’idée que le conte littéraire fut avant tout conçu comme une plaisante distraction.

Charles Perrault mettra d’ailleurs à son tour en avant, à la fin du XVIIèmesiècle, en France cette fois, cette “ fonction-plaisir ”, dès la préface de ses Contes en vers(1695) : l’auteur y emploie en effet également le verbe divertir. Néanmoins, il ne veut pas plaire simplement par les attraits du divertissement, mais aussi par le goût : en retranscrivant les contes tirés du folklore, Perrault s’attache en effet « à les adapter au goût » de son temps, celui des salons littéraires mondains. Le conteur y parvient en mettant en œuvre le style que nous lui connaissons : une certaine concision empreinte d’une apparente naïveté, de la poésie, de l’humour, une fine raillerie…

1.2- Réflexion, apprentissage, éducation

Il faut pourtant noter que les contes de Straparola se terminent par une énigme, ceux de Basile par un proverbe, et ceux de Perrault, par une moralité : autant d’éléments qui mettent en jeu la réflexion du lecteur-auditeur, et suggèrent que le conte de fées peut être source pour lui d’apprentissage. Or, justement plaire n’est pas la seule intention annoncée par Perrault lorsqu’il publie ses Contes : il prétend égalementenseigner. En effet, il affirme que les contes de fées qu’il propose ne sont « pas de pures bagatelles » et qu’ils sont porteurs d’« une morale utile ». Ainsi, le plus souvent, les contes de fée classiques mettent en évidence les principales valeurs approuvées par la société dans laquelle ils ont été créés : le message dominant étant que la vertu, le bon sens, la persévérance et l’honnêteté sont tôt ou tard récompensés. Plus qu’une simple alliance du plaisir et de l’enseignement, l’intention du conteur est même de « faire entrer plus agréablement dans l’esprit » ces morales. Le « récit enjoué » que constituent les Contes serait une sorte de “ bonbon pour faire avaler la pilule ”, une manipulation puisque Perrault prétend se servir du plaisir que prennent les enfants à ces récits que sont les contes de fée pour mieux les éduquer…

C’est de cet aspect du conte que traite Jack Zipes, dans Les contes de fées et l’art de la subversion, lorsqu’il parle des auteurs cultivés qui ont converti le conte oral en discours littéraire « nourri des mœurs pratiques et des valeurs de cette époque », afin de mieux transmettre aux enfants les codes sociaux en vigueur dans la société dans laquelle ils vivent. Le conte prend ainsi avec lui une utilité sociale, ou tout au moins, de socialisation des plus jeunes membres d’une société. Il s’agit pour lui de pratiquer des “ censures sociales agréables ”. Cependant, Zipes ne voit pas le genre du conte de fées comme une machination pour autant. S’il y a bien une forme de manipulation dans cette alliance du plaisir et de l’enseignement revendiqué par Perrault, la visée formatrice du conte n’est pas, selon Zipes, « son rôle principal, ou sa seule fonction ». Elle n’en est qu’une composante.

D’ailleurs, il ne faut pas oublier que cette fonction pédagogique du conte n’est pas de l’invention de Perrault, puisque dans le folklore, et cela même avant que ne paraissent les contes littéraires italiens, des « nourrices et des vieilles » (ainsi que le dit l’abbé Pierre de Villiers, dans Entretiens sur les contes de fées, 1699) inventaient ou reprenaient des contes qu’elles narraient aux enfants pour « corriger » ou pour instruire. Aussi, la “ fonction-éducation ” du conte de fées semble être concomitante de sa “ fonction-plaisir ”, même si cela est plus ou moins marqué selon les auteurs et les époques : peu marqué chez Straparola et Basile aux XVIème et début XVIIème siècles, par exemple, mais assez marqué chez Perrault à la fin du XVIIèmesiècle, et encore plus prégnant chez Madame Leprince de Beaumont au XVIIIèmesiècle (dans La Belle et la Bête)…

1.3- Du plaisir, des images marquantes, des répétitions, des illustrations pour mieux ancrer les enseignements

L’éducation par le biais des contes de fées serait d’autant plus efficace que ce genre littéraire permet de mettre en œuvre différentes stratégies d’ancrage de l’enseignement fourni par les récits. En effet, au-delà de l’alliance du plaisir à l’apprentissage, les héros de contes sont des êtres peu définis, auxquels chacun peut s’identifier. Ce sont des stéréotypes qui ne sont révélés que

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