Préface de YEfcursion
Commentaire d'oeuvre : Préface de YEfcursion. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar coucousava • 28 Décembre 2014 • Commentaire d'oeuvre • 1 124 Mots (5 Pages) • 506 Vues
saine et noble de son être. Avant de s'engager à sa suite,
(1) Préface de YEfcursion.
INTRODLGTION 15
il faut s'attendre à ne faire route que sur les hauteurs et, si
minutieuse que soit l'exploration de la contrée parcourue, à ne
jamais perdre de vue les sommets. Il est véridique, mais volon-
tairement incomplet. L'unique réserve qu'il conviendrait d'ajou-
ter, il l'a lui-même exprimée par une image saisissante. Voyant
à distance ses premières années, évoquant lorsqu'il eut trente
ans environ des jours lointains, ne d3vait-il pas craindre d'ajou-
ter à la simple impression originale le poids de réflexions qui
ne sont venues que plus tard ?
« Celui qui se penche par-dessus le bord d'une barque lente,
sur le sein d'une eau tranquille, se plaisant aux découvertes que
fait son œil au fond des eaux, voit mille choses belles — des
herbes, des poissons, des fleurs, des grottes, des galets, des
racines d'arbres, — et en imagine plus encore. Mais il est sou-
vent perplexe et ne peut pas toujours séparer l'ombre de la sub-
stance, distinguer les rocs et le ciel, les monts et les nuages,
reflétés dans les profondeurs du flot clair, des choses qui habi-
tent là et y ont leur vraie demeure. Tantôt il est traversé par le
reflet de sa propre image, tantôt par un rayon de soleil, et par
des ondulations venues il ne sait d'où, obstacles qui ajoutent
encore à la douceur de sa tâche. C'est ainsi, c'est avec la même
incertitude, que je me suis plu longtemps à me pencher sur la
surface du temps écoulé (1). »
S'il est bon de prendre acte de cet aveu , il faut surtout se
féliciter d'avoir pour historien de son enfance celui qui seul
pouvait la décrire avec quelque certitude. Il n'est pas en effet
de tâche plus ardue et plus dangereuse pour le biographe, —
fùt-il le contemporain de son héros, eût- il même été élevé avec
lui, — que de déterminer par lui-même quelles circonstances
ont agi sur une imagination naissante. Ce qui paraît à son entou-
rage un événement considérable passe souvent inaperçu de l'en-
(l) Prélude, IV, 256-273.
16 LA JEUNESSE DE WORDSWORTH
fant. Au contraire, un détail imperceptible pour d'autres, que
nul dans la famille même n'a soupçonné, a parfois causé une de
ces secousses mystérieuses qui impriment au jeune esprit sa
direction pour toujours. On verra que la mémoire de Words-
worth, laissant s'écouler les faits jugés d'ordinaire importants
dans l'histoire de la vie, en a retenu beaucoup d'autres que per-
sonne auprès de lui n'avait pu remarquer.
Quelques-uns de ces souvenirs pourront d'abord paraître
puérils ou étranges, mais les écarter sans plus ample examen
serait s'exposer à perdre les pages les plus subtiles et les plus
originales. Il y aurait à cela un autre inconvénient. En refusant
de suivre, sous prétexte qu'il est trop long, le chemin qu'a
frayé le poète vers ses intimes idées, on risquerait de n'en pas
trouver d'autre pour parvenir jusqu'à elles. En un mot on
risquerait de ne rien entendre à la philosophie et du même
coup à la poésie du poète philosophe. C'est qu'en effet sa philo-
sophie a pour racine maîtresse, comme sa poésie pour plus belle
frondaison, ses souvenirs du premier âge. Dans le chœur des
poètes qui, depuis le jour où Rousseau eut proclamé le dogme
de l'immaculée conception de l'Enfant, n'a cessé de chanter des
hymnes dévotes à la jeune idole, la voix de Wordsworth
s'élève, plus fervente, plus soutenue, plus grave que pas une
autre.
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