Mieux est de ris que de larmes escripre

MIEUX EST DE RIS QUE DE LARMES ESCRIPRE

Introduction

Cet aphorisme a été écrit par François Rabelais dans l’Avis aux lecteurs ouvrant Gargantua ( 1534 ):

« Mieulx est de ris que de larmes escripre,

Pour ce que rire est le propre de l'homme. »

— Rabelais, Gargantua^[1]

Cette phrase signifie qu’il vaut mieux écrire des choses comiques que des choses tristes. Le rire et les pleurs constituent une opposition importante dans la pensée de l’Occident, tout en étant les deux faces d’une même médaille: soit l’on rit comme Démocrite, soit l’on pleure comme Héraclite. Pourquoi Rabelais signale aux lecteurs son choix du rire? Est-ce que c’est juste? Pour répondre à ces questions, nous analyserons d’abord les fonctions du rire. Et puis, nous montrerons les avantages du pathétique. Enfin, nous porterons notre regard sur les cas où le rire et le pathétique coexistent.

Développement

1. Les fonctions du rire

Rabelais est le grand maître du rire. Dans ses œuvres, ses idées sérieuses sur l’éducation, sur la religion, sur le gouvernement, sur la justice…s’expriment sous une forme burlesque. Le rire fait partie intégrale du roman Gargantua. Les cibles du rire sont multiples chez Rabelais: religieuses, sociales et politiques. Rabelais critique la Sorbonne, toute puissante faculté de théologie. Il ne cesse de tourner les maîtres théologiens de la Sorbonne en ridicule. Rabelais fait aussi une critique politique, illustrée par le mauvais roi Picrochole. Faire rire de la religion ou de la politique lui permet de leur enlever toute forme d’autorité. Rabelais utilise donc le rire comme première arme de défense à la fois pour exprimer ses pensées humanistes et pour aborder les sujets les plus graves. Le philosophe Henri Bergson souligne aussi cette force du rire. Selon lui, « le rire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès. »^[2] Il serait donc efficace d’aborder un sujet sérieux sur le mode plaisant si nous voulons l’attaquer: le rire et l’humour sont les armes de la contestation. En lisant et dépouillant les œuvres de Rabelais, nous pouvons constater que chez lui, le rire se présente sous différents modes, du rire ironique de Socrate jusqu’aux éclats d’un rire carnavalesque. Le rire est un pouvoir qui libère l’homme de ses limites. Le rire débarrasse des opinions et des doctrines qui tentent de s’imposer comme des vérités.

Par ailleurs, nous châtions les vices par le rire. Dès l’Antiquité, nous avons attribué à la comédie une fonction morale : « châtier les mœurs par le rire ». L’auteur de comédie doit faire prendre conscience à son lecteur – ou plutôt à son public – des défauts que la société condamne : il présente donc ces défauts d’une façon exagérée pour qu’on s’en moque. Molière a écrit: « le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que, dans l’emploi où je me trouvais, je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer par des peintures ridicules les services de mon siècle. »^[3] Molière peint les défauts des hommes en les amplifiant, en les caricaturant et en les incarnant dans des personnages comiques. Les comédies de Molière sont des apologues instruisant le lecteur sur la nature de l’homme et l’ordre du monde, voire le corrigeant. Donc, nous pouvons accorder une fonction au rire: celle de corriger les mœurs, de dénoncer les vices des hommes ou encore de faire une satire morale et politique.

Dans le domaine de la littérature, certains auteurs attribuent la signification au rire à travers leurs écritures. Mais il y a aussi les exemples où le pathétique joue un rôle important dans les œuvres de certains auteurs. Maintenant, nous nous tournons vers les avantages du pathétique .

1. Les avantages du pathétique

Le pathétique crée l’émotion et joue sur l’empathie entre le lecteur et la victime. Le pathétique fait ressentir directement, sans distance, le tragique de la condition humaine en créant une émotion forte, douloureuse. Son efficacité vient de ce que le lecteur s’identifie au personnage qui souffre. Comme Victor Hugo a écrit dans la préface des Contemplations: « Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis; la destinée est une […] Hélas! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. » Dans Melancolia, extrait des Contemplations, Hugo dénonce une injustice sociale de son époque et défend l'exploitation des enfants. Il a recours au registre pathétique afin de nous montrer les conditions déplorables des enfants dans le monde ouvrier et de nous persuader de l’atrocité présentée dans ce poème. A travers le pathétique, l’auteur donne de la force à la réflexion.

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