Michel dе Montaigne, Les Essais, 1595
Fiche de lecture : Michel dе Montaigne, Les Essais, 1595. Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar andreapropro • 27 Avril 2015 • Fiche de lecture • 391 Mots (2 Pages) • 659 Vues
Michel DE MONTAIGNE, Les Essais, 1595.
Montaigne consacre un court chapitre de ses essais au phénomène de monstres et apporte ainsi une
contribution essentielle à un débat en vogue au XVIème siècle. Ambroise Paré a en effet parlé des
monstres dans ses ouvrages. Il y voit « le plus souvent [des] signes de quelque malheur advenir ». À la
différence de Montaigne, qui considère que tout monstre peut avoir une explication naturelle, même
si nous ne la trouvons pas du fait de l’insuffisance de notre raison ou de notre expérience.
Je vis avant-hier un enfant que deux hommes et une nourrice, qui se disaient être le père,
l’oncle et la tante, conduisaient pour le montrer à cause de son étrangeté et pour en tirer quelque
sou.
Il était pour tout le reste d’une forme ordinaire et il se soutenait sur ses pieds, marchait et
5 gazouillait à peu près comme les autres enfants de même âge. […] ; ses cris semblaient bien avoir
quelque chose de particulier ; il était âgé de quatorze mois tout juste. Au-dessous de ses tétins, il
était attaché et collé à un autre enfant sans tête et qui avait le canal du dos bouché, le reste intact,
car s’il avait un bras plus court que l’autre, c’est qu’il lui avait été cassé accidentellement à leur
naissance ; ils étaient joints face à face, et comme si un plus petit enfant voulait en embrasser un
second1
10 […].
Les [êtres] que nous appelons monstres ne le sont pas pour Dieu, qui voit dans l’immensité
de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a englobées ; et il est à croire que cette forme qui nous
frappe d’étonnement se rapporte et se rattache à quelque autre forme d’un même genre, inconnu
de l’homme. De sa parfaite sagesse2
il ne vient rien que de bon et d’ordinaire et de régulier ; mais
nous n’en voyons pas l’arrangement3
15 et les rapports.
Quod crebo videt, non miratur, etiam si cur fiat nescit. Quod ante non vidit, id, si evenerit,
ostentum esse censet. 4
» [Ce que ( l’homme) voit fréquemment ne l’étonne pas, même s’il en ignore
la cause. Mais si ce qu’il n’a jamais vu arrive, il pense que c’est un prodige.]
Nous appelons « contre nature » ce qui arrive contrairement à l’habitude : il n’y a rien quoi
20 que ce puisse être, qui ne soit pas selon la nature. Que cette raison universelle et naturelle chasse de
nous
...