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Maîtrise des langues étrangères et abolition des « hudud » dans Rêves de femmes de Fatima Mernissi

Commentaire d'oeuvre : Maîtrise des langues étrangères et abolition des « hudud » dans Rêves de femmes de Fatima Mernissi. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Décembre 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  4 806 Mots (20 Pages)  •  414 Vues

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Maîtrise des langues étrangères et abolition des « hudud »                                                                                  dans Rêves de femmes de Fatima Mernissi

Les langues sont des moyens de communication par lesquels les hommes échangent et mettent en commun  leurs sentiments et leurs pensées. Leur rôle principal est de véhiculer un savoir, une culture, des traditions ainsi que des valeurs humaines et éthiques. Au Maroc,  la langue française est souvent considérée comme étant celle  de la culture et de la modernité.  Historiquement,  l’implantation de la langue française au Maroc est étroitement liée au protectorat. Pendant la période coloniale, la langue française a été la langue d’enseignement dans des écoles très réduites qui recevaient surtout les enfants des colons et ceux des notables marocains.

La littérature marocaine d’expression française est une conséquence de  la colonisation du Maroc par la France ; elle est basée sur la réalité sociale et culturelle du pays et apparait, au premier abord, comme un bastion masculin. Jusqu’aux années soixante-dix, la femme était exclue de la parole dans la société marocaine traditionnelle ; ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt que la femme sort de son mutisme et arrache le bâillon qui l’empêchait de parler et la gardait prisonnière dans un carcan d’interdits et d’infériorités.

L’objectif  de ce travail est de mener une réflexion sur le pouvoir des langues étrangères qui ont permis à un certain nombre d’écrivaines marocaines d’exprimer leurs sentiments les plus profonds, leurs états d’âmes, leurs craintes et leurs désirs dans un contexte socioculturel patriarcal. Notre choix s’est porté sur  Rêves de femmes, roman autobiographique de la sociologue Fatima Mernissi, initialement écrit en anglais et traduit par la suite en plusieurs langues dont le français. A travers cet ouvrage,  l’écrivaine permet au lecteur de pénétrer dans l’univers féminin du harem et lui montre que grâce à l’instruction et l’apprentissage des langues étrangères la femme arrive à abolir les « hudud » qui la séparent du  monde extérieur. Rêves de Femmes est un roman qui se nourrit du réel pour s’ouvrir à l’universel.

L’écriture féminine marocaine comme pouvoir de rupture:

La genèse de l’écriture féminine marocaine est le fruit de l’accès de la femme à l’instruction. Cet accès a eu lieu assez tard si on en juge par la création des premières écoles des filles dans les années cinquante.  Le monopole d’écriture a été, de tout  temps et en tout lieu, détenu par les hommes ; ce n’est que récemment que le rapport des femmes à la littérature a connu une transformation irréversible. Marc GONTARD, ancien professeur à la Faculté des Lettres de Fès, remarque à ce propos que « Jusqu’à une date récente, peu de femmes au Maroc s’étaient aventurées dans l’écriture, tant reste forte la pression sociale qui dénie à l’autre de l’homme, le droit à la parole »[1]. En effet, jusqu’aux années 1970, les femmes écrivains étaient considérées comme des exceptions. Ce n’est qu’à partir des années 1980 que la production littéraire féminine a véritablement commencé à explorer toutes les voies du romanesque.                

        D’abord perçues et représentées dans les œuvres par les hommes uniquement, les femmes ont commencé à s’exprimer, se dévoiler et deviennent leur propre porte-parole.  User du discours, du verbe, de l’écriture, c’est briser le silence et s’emparer du pouvoir de la parole longtemps détenu par l’homme. Les femmes ont compris que  l’écriture, moyen d’expression, devient un instrument d’affranchissement qui leur permet  d’arracher leur droit à l’existence et à l’ouverture sur le monde. A cette époque, quelques romans et écrits audacieux ont commencé à voir le jour, on cite à titre d’exemple : Le voile mis à nu[2] de Badia HADJ NASSER, ou Au-delà de toute pudeur[3] de Soumaya NOUAMANE GUESSOUS. Ces œuvres donnent le ton à une écriture qui secoue les carcans du passé et transcende les tabous et les interdits. Les femmes écrivains qui se sont engagées dans cette voix  « ont voulu  dévoiler le vrai visage féminin et montrer sa véritable identité »[4]. Exclues de la parole dans la société marocaine traditionnelle, les femmes sortent de leur silence « Passives, soumises, recluses, les femmes arabes n’avaient pas de voix … analphabètes dans leur écrasante majorité »[5], et on assiste à un début d’expression féminine dans le champ littéraire placé sous le signe d’une enquête identitaire. Par le biais de leurs écrits, les femmes se sont donc forgé une identité propre en rejetant tous les préjugés et les interdits « Les femmes écrivains utilisent l’écriture car elles sont conscientes du pouvoir des mots sur les changements de mentalité et de leur rôle de l’identification  de la femme »[6].  Cette littérature féminine, liée à la dynamique interne de la société, surgit en rupture avec les pratiques des écrivains masculins.

        Comme toute littérature, celle des femmes nait de la vie concrète ; les écrivaines s’efforcent de révéler le sens de la vie, et leurs œuvres, si elles ne reproduisent pas la réalité, suggèrent, représentent et agencent le réel. La littérature liée à la dramatique interne d’une société, nous renvoie les tensions sociales que l’écrivain accumule et intériorise. L’univers des Lettres, à l’instar d’autres domaines, apparait aux femmes comme un champ d’action non négligeable.

        Les femmes écrivains ont décidé de briser le silence et de traduire leur vécu, leurs angoisses et leurs espoirs. Par l’écriture, les femmes enfreignent les usages et œuvrent pour d’autres représentations. Leur « je » s’affirme et elles deviennent sujets, dressées face à une société  dont elles accusent les injustices. Fatima Mernissi, comme bien d’autres femmes écrivains, rendent comptent à travers leurs œuvres, chacune à sa manière, de la diversité des trajectoires individuelles. L’écriture permet le dépassement de l’identité figée et la prise de distance par rapport à un système culturel ; elle devient formatrice et par suite émancipatrice. Elle  leur permet  également d’exorciser le mal qui les ronge dans l’espoir de vivre dans un monde meilleur.

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