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Luc Lang, 11 septembre mon amour.

Commentaire de texte : Luc Lang, 11 septembre mon amour.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Novembre 2018  •  Commentaire de texte  •  3 564 Mots (15 Pages)  •  606 Vues

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Commentaire – Luc Lang, 11 septembre mon amour.

L’écrivain Don DeLilo pense que le romancier ne doit pas reprendre la voix du discours politique. Dans la perspective d’écriture d’un fait réel, et plus particulièrement d’un fait tragique, le plus important est donc de donner voix à ceux qui n’ont pas pu s’exprimer, et notamment les victimes elles-mêmes. C’est ce que fait Luc Lang, dans son œuvre 11 septembre mon amour, publiée en 2004. Possédant le recul nécessaire, l’écrivain aborde la tragédie de manière originale, en l’inscrivant dans une perspective romanesque. Son œuvre oscille sans cesse entre récit autobiographique, témoignage et documentaire. Il porte un regard poétique, lyrique mais aussi tragique, piquant et cru sur les évènements. Notre extrait est tiré de « l’épilogue amoureux » de l’œuvre, dernière partie d’une série de cinq. Il revient sur l’évènement sans faux-semblant et raconte ce qui l’a marqué.                                 En quoi cet extrait, mêlant hommage et critique est-il le reflet de l’évènement tragique qui permet une réflexion sur l’humanité et qui mène finalement l’auteur à défier la littérature elle-même ?

Nous verrons dans un premier temps comment l’auteur décrit le drame et quelle est la réaction des hommes face à la tragédie, puis nous étudierons le caractère critique et argumentatif du texte dans lequel Lang n’hésite pas à accuser les pouvoirs politiques en place, et enfin nous verrons en quoi cette tragédie oblige l’auteur à repenser la littérature elle-même et le rôle qu’il porte en tant qu’écrivain.

Selon Jacques Dérida, le but de l’attentat suicide est de « surprendre et suspendre la compréhension », c’est à dire qu’il est imprévisible et suscite la terreur, une peur à caractère paralysante.

Dans notre extrait, l’auteur insiste ainsi sur la violence de cette tragédie qui s’explique par son caractère immédiat, instantané. A la ligne 8, il écrit : « Nous étions soudain seuls et reclus ». Le terme « soudain » qui est ici en emploi adverbial, insiste sur la fugacité de l’évènement : il semble donc que d’un seul coup, brusquement, le monde ait changé. C’est sans doute la raison pour laquelle le terme « contemporain » est sans cesse répété tout au long du texte. L’auteur semble vouloir signifier, qu’à partir de cet instant-là, celui où les avions ont frappé les deux tours, un tournant s’est opéré dans l’histoire et c’est cet évènement qui marque une rupture avec le passé, et instaure l’époque contemporaine. La première phrase en construction asyndétique, enchaine chaque proposition sans aucun mot coordonnant. Cette figure de style permet de donner un rythme particulier à la phrase, et rappelle l’évènement tragique dont la rapidité et la fugacité a surpris le monde entier. Les évènements se sont enchainés aussi rapidement que les propositions. Cette idée de rapidité est reprise à la quatrième phrase qui débute par « A la vitesse de la lumière » et qui fait également référence à la fulgurance de la tragédie. L’acte relève d’une irruption brutale, c’est-à-dire qu’il s’inscrit dans l’immédiateté.                                                                        L’auteur insiste sur les sons, les voix et les images qui ont hanté les populations après le drame. Il s’agit sans doute, de « ce qui reste » des victimes, ce qui est palpable d’une certaine manière. Les termes : « en boucle » et « bouclés » sont mis en relief puisqu’ils occupent tous deux la fonction d’apposition, c’est-à-dire qu’ils sont détachés de la même phrase dont ils font partie. De plus, leur similitude sonore, puisqu’ils partagent tous deux les phonèmes [b], [k], [u], et [l], les rapprochent sémantiquement. En effet, nous pouvons ainsi comprendre que la boucle dans laquelle est engloutie le monde : boucle des images à la télévision, des informations, des sons etc… enferment les hommes dans une spirale infernale dont il semble impossible de sortir. Il fait référence dans la première partie de l’extrait aux images qui ont choqué et traumatisé les consciences. Le substantif « image » est évoqué trois fois. Dans un premier temps, l’auteur évoque « l’image électrique », et l’emploi de l’article défini donne au substantif une valeur d’archétype, universalisable, comme s’il n’avait pas besoin de la qualifier outre mesure pour que la même image apparaisse devant les yeux de chaque lecteur. L’adjectif épithète « électrique » qui qualifie pleinement le substantif ajoute l’idée de rapidité, de fugacité mais aussi de violence et de douleur. Ensuite, l’auteur évoque « ces images », et fait donc ici référence aux médias qui ont passé en boucle les images de l’attentat, ce qui a amplifié la terreur des populations. Enfin, l’auteur convoque à nouveau « cette image électrique » mais cette fois en utilisant le pronom démonstratif, qui met d’avantage l’image sous les yeux du lecteur, cette fois-ci, il n’a pas peur de la pointer du doigt. Dans la seconde partie du texte, il est question des sons ou plutôt des voix pathétiques des victimes retrouvées sur les répondeurs : « des voix qui disent adieu à leurs bien-aimés » « des voix d’outre-tombe qui parlent ». L’emploi de l’article indéfini, permet d’englober ces voix anonymes et indéterminées. Cet extrait fait écho à la première section de son œuvre intitulée « Les voix » dans lequel il rend hommage à tous ces hommes, désignés symboliquement par leur voix, grâce à la figure de la métonymie. L’effet est ici davantage pathétique puisque l’auteur met l’accent sur ces voix fantomatiques, ces derniers appels à l’aide qui ont longtemps hanté les familles des victimes, et toute la population.         Tout le monde est touché par la tragédie. La première phrase de notre extrait est construite de plusieurs parallélismes. Tout d’abord entre le pronom personnel « je » et « tu » qui constitue le duo obligatoire et nécessaire dans une situation de communication dès lors que l’un doit s’adresser à l’autre. Mais le parallélisme est aussi présent spatialement entre « ouest » « est » et « nord » « sud ». Ces parallélismes permettent de mettre évidence le fait que le monde entier est touché par la tragédie du 11 septembre, la planète devient alors une seule entité. L’auteur choisit de citer les points cardinaux plutôt que des pays ou des continents, ce qui renforce son choix de vouloir envelopper le monde entier, la planète entière, sans oublier certains espaces. Face au drame, la solitude des hommes est décrite explicitement dans un premier temps. Il semblerait que tous les hommes aient perdu quelqu’un ou quelque chose dans la tragédie. Pourtant, c’est bien l’union et le rassemblement humain qui sont valorisés. Les deux adjectifs coordonnés « seuls et reclus » sont employés à deux reprises, une fois au masculin pluriel et l’autre fois au féminin pluriel : « seules et recluses » comme pour signifier que chaque personne sur terre ressent ou a ressenti cette solitude face à la monstruosité de cet acte. L’auteur évoque aussi explicitement « l’absolue solitude », les « accidents personnels » ,« l’isolement », « la séparation » et parle de « tragédies singulières ». De plus, notons l’emploi à de nombreuses reprises du pronom singulier « chacun » qui insiste encore sur l’individualité des hommes qui se sont enfermés sur eux-mêmes. Pourtant, cette solitude, est sans cesse contrebalancée par la flamme du collectif, que l’auteur tente à tout prix de raviver. Le pronom personnel « je » qui s’adresse au pronom personnel « tu » laisse peu à peu sa place au pluriel : « nous » qui est utilisé hyperboliquement tout au long de l’extrait. C’est donc la collectivité que l’auteur veut mettre en avant. Ce « nous » dans lequel, bien sûr, l’auteur s’inclut, semble être le résultat positif de cette tragédie. Il veut à tout prix convaincre les hommes de s’unir face à cet évènement qui touche et bouleverse tout le monde, pour ne pas sombrer individuellement. L’auteur met l’accent sur cet instant qui a ébranlé le monde entier, mais il le qualifie toujours de manière à lui donner un caractère collectif, unifiant : « même instant », « même temps », « même fréquence ». L’emploi de la construction, composée de l’adjectif indéfini « même » suivi d’un nom commun, permet de rassembler les hommes, et de montrer au lecteur, qu’il n’est pas seul. Tout au long de l’extrait le terme « contemporains » est mis en valeur puisqu’il est répété plusieurs fois. Il est davantage mis en évidence par la figure de l’anadiplose : « […] nous étions tous contemporains. Contemporains du même instant […] ». Les deux termes sont donc proches syntaxiquement mais ils convoquent également l’idée selon laquelle les hommes, à la suite de ce drame, se sont rapprochés afin de combattre et de se soutenir mutuellement.                                                        Sa description de la tragédie permet de rendre un dernier hommage à ces voix singulières qui ont surgi violemment dans le monde. Si son message apparait véritablement positif, l’auteur n’en est pas moins critique.

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