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Les sept histoires d'Alberto Мoravia

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Par   •  1 Avril 2015  •  Fiche de lecture  •  2 242 Mots (9 Pages)  •  563 Vues

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ALBERTO MORAVIA SETTE RACONTI - SEPT HISTOIRES

LA PAROLE MAMAN

Les hasards de la vie sont nombreux, c’est ainsi que je me trouvais dans un bar avec Stefanini. Au cours de la conversation je lui demandais s’il se sentait capable d’écrire une lettre décrivant quelqu’un qui mourrait de faim, n’avait pas de travail et pourtant devait s’occuper de sa maman atteinte d’une maladie sans espoir. Pour ces motifs il s’adresse au bon cœur de quelque bienfaiteur, lui demandant de l’argent pour manger et s’occuper de sa mère. Stefanini était un affamé bien connu, toujours sans le sous et prêt à chercher les bonnes occasions, mais il avait l’art de bien écrire. Il était journaliste, envoyant de temps en temps un article à un journal local et à temps perdu il était aussi capable de faire une poésie sur un thème précis avec les vers bien à leur place. Il se montra tout de suite intéressé et me demanda pourquoi je voulais une telle lettre. Je lui expliquais que justement les hasards de la vie sont nombreux. Je n’étais pas né pour écrire et le besoin d’une telle lettre pouvait survenir à tout moment alors qu’on n’avait pas tous les jours la chance d’avoir sous la main un Stefanini capable de l’écrire en respectant les grandes règles. Avec un intérêt croissant il me demanda si ma mère était vraiment malade. Je lui répondis qu’à ma connaissance ma mère qui vivait dans le village était en pleine forme mais tout pouvait arriver. Pour la faire courte, et comme il insistait je finis par lui dire la vérité. Je vivais d’expédients et qu’en absence de mieux, cette lettre pouvait être cet expédient que je lui demandais d’écrire. Il ne s’émerveilla pas ce qui me surprit et me posa encore de nombreuses questions pour savoir comment j’allais utiliser cette lettre. Le considérant désormais comme un ami, je fus sincère et lui dis qu’avec cette lettre j’allais me rendre chez une personne fortunée, la lui laisser accompagnée d’un objet de peu de valeur, un petit cadre par exemple, le prévenant que j’allais repasser dans une heure pour chercher ce qu’il voudrait bien offrir. Je faisais semblant de lui offrir l’objet d’art pour le remercier ; en réalité il devait servir à augmenter la somme donnée dans la mesure où un bienfaiteur ne voulais jamais donner moins que ce qu’il recevait. Je conclus en disant que si la lettre était bien écrite, le coup était imparable et de toute façon il n’y avait aucun danger qu’on soit confronté à la police ; il s’agissait de très petites sommes et personne n’admettrait s’être laissé berner de cette façon même auprès de la police.

Stefanini écouta avec le maximum d’attention puis déclara qu’il était prêt à écrire la lettre. Je lui dit qu’il devait tenir compte essentiellement de trois arguments : la faim, le chômage et la maladie de la maman. Il répondit de le laisser faire car il répondrait en tout point à cette demande. Il se fit donner une feuille de papier et après s’être concentré un moment, le nez en l’air jeta les mots d’un coup rapidement sans erreur sans le moindre doute c’était une merveille à voir et je n’en croyais pas mes yeux. L’amour propre devait être de la partie et le poussait car je lui avais dit d’emblée que je le savais poète et qu’il connaissait tous les secrets de l’art. Alors qu’il avait fini, il me donna la feuille et je restais sans paroles au fur et à mesure que je lisais. Il y avait tout, la faim, le chômage la maladie de la maman écrit merveilleusement avec des paroles aussi vraies et sincères qu’elles réussissaient à m’émouvoir alors même que je savais qu’elles étaient fausses. Démontrant en particulier bien connaitre l’âme humaine, Stefanini avait utilisé de nombreuses fois la parole « maman » dans des expressions comme « ma maman adorée », ou bien « ma pauvre maman » ou encore « ma chère maman » en sachant bien que « maman » est un mot qui va droit au cœur des personnes. En outre il avait parfaitement compris le sens du cadeau et la partie de la lettre qui en parlait était une merveille, la façon dont elle le disait sans le dire, le demandait sans le demander et en somme jetait l’âme aux poissons sans qu’il puisse s’en apercevoir. Je lui dit sincèrement que cette lettre était vraiment une œuvre d’art ; après avoir rit de plaisir il admis qu’elle était bien écrite, si bien qu’il me pria de la lui laisser recopier. Ainsi il la recopia et en échange je lui offrit le dîner après quoi nous nous sommes séparés bons amis. Quelques jours plus tard je décidais d’utiliser la lettre. Lors de la conversation, avec Stefanini, le nom de la personne qui pourrait convenir lui avait échappé. Un certain avocat Zampichelli qui comme il me le dit lors du rdv avait perdu sa maman il y a environ un an. Cela lui avait causé une douleur très vive dit Stefanini et avait décidé de faire du bien en aidant autant de fois que possible les pauvres gents. En définitive c’était vraiment l’homme qu’il nous fallait d’autant plus que la lettre de Stefanini était non seulement émouvante et convainquante mais aussi parce que lui de son coté avait été préparé à croire aux choses de la vie. Un beau matin donc, je pris la lettre et le petit objet d’art, un petit lion avec la patte posée sur une boule en faux marbre et j’allais sonner à la porte de l’avocat. Il habitait dans une villa à Prati au fond d’un vieux jardin. C’est une gouvernante qui m’ouvrit et je dit rapidement « cet objet et cette lettre pour l’avocat. Dites-lui que c’est urgent et que je reviens dans une heure » je déposais le tout dans ses mains et partit. Je passais cette heure d’attente marchant dans les rues droites de Prati en répétant au fonds de moi ce que je devais dire une fois en présence de l’avocat. Je me sentais bien disposé , l’esprit lucide et sur de trouver les mots et le ton adéquat. L’heure écoulée , je revins à la villa et sonnais. Je m’attendais à voir un jeune de mon âge, c’était en fait un homme d’une cinquantaine d’années avec un visage gras et rouge sans cheveux les yeux au bord des larmes, il ressemblait à un saint Bernard. Je pensais que la mère qui était morte devait avoir au moins quatre-vingt ans et en effet sur sa table de travail se trouvait

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