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Le rêve Français

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Par   •  30 Novembre 2014  •  3 130 Mots (13 Pages)  •  572 Vues

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À quoi rêvent les Français ? On peut se poser la question lorsqu’un candidat aux élections présidentielles entend « réenchanter le rêve français », tout en se voulant par ailleurs un « président normal ».

La présente étude voudrait montrer que la meilleure part du rêve français tient à un art de vivre et une culture. Le rêve français a certes une dimension politique, mais il ne gagne rien à être politisé.

1. RÊVE AMÉRICAIN ET RÊVE FRANÇAIS

« Rêve français » reprend l’idée de « rêve américain ». Le « rêve américain » comporte trois aspects, lesquels se rattachent aux trois éléments constitutifs de toute nation : la souveraineté, le peuple et le territoire.

D’abord, les Américains voient leur souveraineté comme le don de Dieu. Ils sont, depuis 1630, « la cité sur la colline », bénie par le Ciel. La devise du pays, One Nation under God, et le slogan In God we Trust expriment cette conviction messianique d’être une nation dont la souveraineté relève de l’élection divine. Cela ne pourrait être transposé en France. La Constitution américaine est d’ailleurs un texte sacré autant que politique. Sa stabilité et sa pérennité contrastent avec l’instabilité de nos régimes depuis 1789. La « grande nation » que fut naguère la France fait-elle rêver son peuple et les autres ? Bien peu de Français voient encore en la France la fille aînée de l’Église et la « nation très chrétienne ». Fille aînée des Lumières, la France s’est rêvée en république idéale soumise non à Dieu mais à la Raison. Le rêve est noble, mais avec seize constitutions en deux siècles, une longue agitation politique, un État tutélaire, la France a une souveraineté arrachée au forceps. Sa gouvernance reste médiocre. La ratiocination y éclipse souvent la raison. Sous le vernis des règles claires et universelles, un patchwork de règlements tatillons et d’exceptions brouille le discours régalien. Le dogme républicain paraît souvent abstrait et formel, sans « cœur ». L’air de La Marseillaise rassemble, ses paroles laissent sans voix.

Ensuite, le peuple américain se voit comme un peuple de tous les peuples. E Pluribus Unum était d’ailleurs la première devise de cet État fédéral très décentralisé. Les États-Unis sont un melting pot investi d’une « destinée manifeste », qui est de diffuser dans le monde entier les idéaux démocratiques d’origine anglo-saxonne. Les Américains sont vigilants sur le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. La société civile y est particulièrement dynamique. Tocqueville avait noté que les « habitudes du cœur » soudent la société américaine, plus que l’État. En France, la solidarité reste administrée. La France aime décréter la citoyenneté. Le civisme y est pourtant moindre que dans des pays où il est plus spontané, naturel. Malgré le slogan de l’égalité et de la fraternité, la France reste un maquis de privilèges et d’avantages acquis.

Enfin, le territoire du nouveau monde est une terre promise. Dans la land of opportunity, on peut partir de rien et triompher par le mérite et le travail (from rags to riches). Moins dotée en richesses naturelles que l’Amérique latine, l’Amérique du Nord est devenue une formidable puissance industrielle.

Territorialement, le rêve français actuel tient plus de l’aubaine gaspillée que du projet. Gâtée par sa taille et sa position, la France a un tracé maritime d’exception et une marine modeste, un immense empire d’outre-mer géré comme une petite épicerie, une forte productivité que tue le dédain du travail. Reste l’incomparable carte de visite : le paysage.

La France a du gros matériel, mais un logiciel poussif, démodé, inadapté, avec quelques gadgets agréables et géniaux. Le « rêve français » se heurte à un « mal français » durable et tenace.

2. « L’ART DE VIVRE » FRANÇAIS

Si le rêve français existe, il est plus culturel que politique. Les Américains ont leur way of life, les Français ont un « art de vivre ». Il fait rêver, plus que nos systèmes et institutions. Les Français passent pour détenir le secret d’une certaine sagesse : un peuple sain à défaut d’être saint. Sur quoi repose cette réputation de sagesse ?

La joie de vivre

Tout individu, toute collectivité, toute nation rêve avant tout… du bonheur. Le royaume du Bhoutan l’affirme d’ailleurs officiellement avec sa notion de « bonheur national brut ». Tous les pays n’ont pas un rapport simple avec le bonheur. « L’âme portugaise » a longtemps cultivé le saudade, une mélancolie douce-amère intraduisible dans d’autres langues. La culture russe a entretenu l’idée que les Russes doivent souffrir beaucoup, étant le peuple rédempteur des péchés du monde. Plusieurs tableaux allemands ont pour thème « la mélancolie », ou encore « la jeune fille et la mort », des thèmes qui n’ont jamais pris en France. Dans maints pays d’Asie règne l’idée bouddhiste que la réalité n’est qu’illusion. Vouloir le bonheur prolonge les réincarnations.

À l’opposé de ces visions du monde, la France cultive depuis longtemps un eudémonisme, c’est-à-dire une culture du bonheur. Émile Zola écrivit « la joie de vivre ». Dans sa Nature morte à la Bible, Vincent van Gogh a peint le livre de Zola posé à côté de la Grande Bible. La joie de vivre est un élément du rêve français. Les États-Unis sont allés plus loin encore, en simplifiant d’ailleurs la réflexion sur le bonheur. Ils font figure de pays de « l’euphorie perpétuelle », comme dirait Pascal Bruckner.

La foi dans le bonheur amena assez tôt les Français à croire que la vie sur terre a un sens et vaut la peine d’être vécue. Les expressions « joie de vivre », « bon vivant », « savoir-vivre », « art de vivre », intraduisibles dans d’autres langues, évoquent le made in France depuis des siècles. « Vivre comme Dieu en France », disent les Allemands. La rumeur persiste : la France serait le pays des « heureux », qui trouvent que « la vie a du bon ». La France affiche d’ailleurs une forte natalité et une espérance de vie élevée.

Toutefois, ce rêve français du bien-vivre doit effectivement être réenchanté. Beaucoup d’enquêtes montrent une France déprimée. Comment ranimer la joie de vivre française ? « Mettre le bonheur là où il faut, disait Bossuet, c’est la source de tout le bien, et la source de tout le mal est de le mettre où il ne faut pas. »

Pour réenchanter notre rêve,

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