Le Jugement Esthétique à Travers Zola, Proust Et Bourdieu

Tout d'abord, les membres d'un groupe social donné partagent le même jugement esthétique. Les deux extraits de romans se rejoignent sur ce point. En effet, dans le passage tiré de l'Assommoir d'Emile Zola paru en 1877, les membres de la noce constitués essentiellement d'ouvriers visitent le Louvre et sont touchés par les tableaux qui leur rappellent des personnes de leurs connaissances ; le critère sur lequel ils fondent leur jugement est la ressemblance c'est pourquoi d'ailleurs le travail des copistes leur plait. De plus ils sont égayés par des sujets scabreux ou des détails érotiques. Ceci montre bien que leur univers habituel -le milieu prolétaire- ne leur permet pas d’évaluer le beau mais simplement l'utile d’où les remarques cocasses fondées sur des comparaisons. De même, dans l'extrait d'Un amour de Swann, de Marcel Proust édité en 1913 les bourgeois des soirées mondaines données par les Verdurin se doivent de partager les mêmes goûts esthétiques que leurs hôtes -adhérer au jugement flatteur porté par Madame Verdurin sur un jeune pianiste par exemple- pour faire partie du cercle des invités du couple. Et le romancier précise que même les nouveaux arrivants doivent partager le point de vue des époux Verdurin pour être intégré dans cette micro-société.Ainsi aussi bien les ouvriers de Zola que les bourgeois de Proust utilisent des critères qui leur sont propres.

Puis, les groupes socialement privilégiés imposent leur jugement esthétique aux autres. Madame Verdurin sous la plume de Proust rassemble autour d’elle un groupe de mondains auxquels elle veut imposer, avec leur consentement, ses goûts artistiques, par exemple le pianiste dont elle s'est entichée. D'ailleurs elle martèle ses appréciations de façon péremptoire. De même le fait de ne pouvoir manifester de l'intérêt pour un autre groupe ni participer à un autre salon au risque d'être exclu montre bien que seuls les jugements esthétiques des Verdurin priment. Ceux qui ne les partagent pas sont rejetés et cette exclusion est volontaire car elle permet aux dominants d'exercer leur ascendant sur ceux qu'ils attirent. De la même façon, les peintres, les visiteurs habitués du musée et même les gardiens se moquent avec condescendance de l'ignorance des membres de la noce dans l'Assommoir. En effet, le Louvre abrite la culture légitime que ces initiés connaissent et ce sont eux qui représentent laculture dominante. Cette domination est illustrée par le fait que les œuvres sont classées en fonction de critères (époques, courants, pays) connus uniquement de ceux qui ont reçu de l'instruction. En 1979 Pierre Bourdieu dans son essai La distinction reprend cette thèse en montrant que les catégories privilégiées imposent sans cesse leurs goûts puisqu'elles abandonnent certaines pratiques ou certains jugements dès qu'ils se banalisent pour en imposer de nouveaux pendant un temps. L'exemple proposé est celui de St Tropez, lieu de vacances d'abord choisi par l'élite et abandonné par elle dès lors qu'il devient un lieu à la mode.Ainsi ce groupe cherche toujours à avoir un temps d'avance sur ceux qui voudraient lui ressembler et c'est donc lui qui dicte ses goûts aux autres.

Enfin, l'attitude est déterminante pour être classés dans

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