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La réception

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Par   •  27 Mai 2013  •  1 768 Mots (8 Pages)  •  785 Vues

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L’esthétique de la réception de Hans-Robert Jauss

13Jauss n’est pas le premier à avoir introduit le terme de « réception » dans la théorie littéraire : quarante ans auparavant, les « structuralistes de Prague » avaient développé une théorie de la réception. L’esthétique de la réception de Jauss est une théorie syncrétique dont les éléments sont empruntés — de façon le plus souvent explicite — à d’autres théoriciens.

• 25 Ibid., p. 155.

14Pour accéder à l’ « historicité fascinante de la littérature », Jauss définit d’abord le concept dans une perspective synchronique. Mais il refuse de le rapporter aux conditions historiques de la production littéraire — à la biographie des auteurs, à des « coordonnées économiques ou sociales »25qui ramèneraient l’œuvre à sa dimension de mimesis. L’historicité de l’œuvre se définit à l’intérieur de la seule « série littéraire » comme la relation de rupture ou de continuité qui lie le texte aux canons littéraires de son temps (normes des genres, poétiques, etc.) et aux autres productions littéraires présentes ou passées.

• 26 Ibid., p. 167.

• 27 Ibid., p. 169.

15Pour analyser l’historicité dans sa dimension diachronique, Jauss se réfère essentiellement à la théorie de « l’évolution littéraire » développée par les formalistes russes (Victor Chlovski, Boris Eichenbaum, Youri Tynianov...). Ces derniers écartent le concept de « tradition » au profit d’une vision dynamique de l’ « évolution », marquée par des ruptures brutales et l’ « autoproduction dialectique de formes nouvelles » (Boris Eichenbaum), qui fait à leur tour l’objet d’un processus de canonisation, puis de rejet, etc. Cependant, l’historicité de la littérature ne s’épuise pas, aux yeux de Jauss, dans une « succession de systèmes esthétiques formels »26. L’histoire de la littérature ne se réduit pas à une histoire des auteurs et des œuvres. Ces dernières n’ont une histoire que dans la mesure où elles sont lues : « Seule la médiation du lecteur fait entrer l’œuvre dans l’horizon d’expérience mouvant d’une continuité. »27 La tradition « présuppose la réception », et les « modèles classiques eux-mêmes ne sont présents que lorsqu’ils font l’objet d’une réception ». C’est la série des réceptions, et non celle des œuvres, qui constitue le fil conducteur de l’histoire littéraire.

• 28 R. Warning, Rezeptionsästhetik als literaturwissenschaftliche Pragmatik, in Rezeptions-ästhetik, o (...)

• 29 Jauss, Rezeptionsästhetik, Zwischenbilanz. Der Leser als Instanz einer neuen Geschichte der Litera (...)

16Dès les années 1920, Yan Mukarovsky et son successeur Felix Vodicka (les « structuralistes de Prague ») avaient analysé le rôle de la réception dans la constitution de la signification d’une œuvre littéraire. Selon Rainer Warning, l’esthétique de la réception trouve ainsi son origine dans le « structuralisme praguois »28. Le texte de Vodicka repris dans l’anthologie de Warning, L’histoire de la réception des œuvres littéraires, date de 1941. Ce n’est que dans les années 1970 que les structuralistes de Prague furent traduits en allemand ; Jauss reconnaît avoir eu connaissance de leurs travaux avant qu’ils ne soient traduits, mais affirme que sa propre théorie était déjà élaborée avant qu’il ne découvre Vodicka — coïncidence qui en illustrerait la validité29.

• 30 Roman Ingarden, Das literarische Kunstwerk, Halle, 1931.

17Vodicka part du même constat que Jauss : pas d’œuvre sans « concrétisation » dans la perception d’un public. Le concept de « concrétisation » est emprunté à Roman Ingarden et à sa théorie phénoménologique de la littérature30, mais Vodicka lui donne un sens nouveau : contre la conception statique d’Ingarden, il montre que les différentes concrétisations de l’œuvre résultent d’une tension entre l’œuvre et ses publics, qui est au principe de l’ « évolution littéraire ». Les œuvres nouvelles peuvent modifier l’appréhension du public ; la transformation des normes peut susciter quant à elle de nouvelles concrétisations des œuvres anciennes.

• 31 LaP, p. 167.

18Jauss se trouve confronté à un problème que Vodicka n’avait pas résolu : le lecteur ne peut être assimilé au lieu abstrait où s’accomplirait la mutation des normes esthétiques. Si le lecteur est le chaînon manquant entre la série chronologique des œuvres littéraires et l’histoire proprement dite, il faut nécessairement prendre en compte son insertion dans l’histoire non littéraire d’une société donnée : « L’évolution de la littérature, comme celle de la langue, ne se définit pas seulement d’un point de vue immanent, par le rapport entre synchronie et diachronie qui lui est propre, mais aussi par son rapport au processus général de l’histoire. »31

• 32 Felix Vodicka, Die Rezeptionsgeschichte literarischer Werke, in Rezeptionsästhetik, éd. par R. War (...)

19Vodicka esquive la difficulté en se contentant de juxtaposer les aspects esthétiques (poids des normes traditionnelles, impact des œuvres nouvelles, etc.) et « sociologiques », comme dans l’extrait suivant : « Dès qu’une œuvre est intégrée dans de nouveaux contextes de perception (état de la langue modifié, nouveaux postulats littéraires, structure sociale modifiée, nouveau système de valeurs intellectuelles et pratiques, etc.), on peut ressentir comme esthétiquement efficaces des propriétés de l’œuvre qui n’étaient pas perçues de cette manière auparavant »32.

• 33 « Pour Wolfgang Iser, le lecteur implicite est « le caractère d’acte de lecture prescrit dans le t (...)

• 34 RZW, p. 337.

20Ni Vodicka ni Jauss n’apportent une description précise des processus de « concrétisation » et de la part respective des normes littéraires et des facteurs extralittéraires dans l’élaboration

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