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La quête ancestrale d’identité

Étude de cas : La quête ancestrale d’identité. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Avril 2015  •  Étude de cas  •  4 788 Mots (20 Pages)  •  695 Vues

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L’œuvre est évènement littéraire à partir du moment où elle contribue à produire l’intelligibilité que la société a d’elle-même (Saminadayar-Perrin, C., 2008). A ce titre, le premier roman de Kateb Yacine peut-être considéré comme texte fondateur. Yacine est le prénom, issu de deux phonèmes coraniques énigmatiques de la 36ème sourate. Kateb est son nom qui, traduit, signifie ainsi voyellisé ‘écrivain’ ou ‘scribe’ et dont la racine qui apparait ci-dessus dans « j’écris » (« akteb » inf. kataba) se retrouve dans le champ lexical du livre et de l’écriture. Du reste, comme figure du renversement récurrent qui fait l’originalité du roman Nedjma (1956), il inversa aussi son nom et son prénom, c’est pourquoi nous le connaissons davantage sous le patronyme Kateb Yacine : résurgence d’un souvenir scolaire. A l’âge de 16 ans, il connut la prison et la torture : « j’ai découvert alors les deux choses qui me sont les plus chères, la poésie et la révolution » déclare-t-il in Le Nouvel Observateur, le 18 janvier 1967. Il fait d’ailleurs vivre cette expérience par l’un des personnages du roman. Il est considéré comme le Zola berbère et, après s’être consacré à la poésie, son roman Nedjma, de structure inédite duodénaire, rentre un peu dans le mouvement du réalisme tandis qu’en France c’est le Nouveau roman qui a le vent en poupe, dont Nedjma n’est peut-être pas si éloigné. On le dit aussi équivalent à l’Etranger de Camus et sous influence de Faulkner, l’écrivain américain. Dès lors, en quoi Nedjma est-il un roman majeur dans le patrimoine algérien ? Nous verrons qu’il est texte fondateur de l’Algérie émergeant en tant que pays indépendant, annonçant sa libération dès 1954, au début de sa rédaction, tout en remontant à ses propres origines. Nous ferons le rapport qui semble évident avec la quête d’identité dans ce contexte et l’intérêt de son écriture dans la francophonie, passant, autant que possible, le texte au crible de l’analyse littéraire. Nous aborderons la question du mélange atypique des genres.

I. La quête ancestrale d’identité

Nous avons eu une histoire commune avec l’Algérie pendant 130 ans, deux rives en partage de la même mer, des morceaux de culture en commun. Cependant après des temps forts de domination colonialiste, la cohabitation n’a jamais permis de rencontre, plutôt le contraire. Le français était la langue du colon, l’arabe la langue du coran, le berbère a été longtemps une langue qui ne s’écrivait pas. La question algérienne est toujours restée une question sensible jusqu’à notre époque. Kateb Yacine était un littéraire par ailleurs engagé et qui a combattu pour que l’Algérie ait une identité forte, au moins égale à celle des envahisseurs au cours des siècles ; la lutte se situait surtout au niveau de la France, conquérante ayant succédé à la domination ottomane. L’expérience des deux guerres du XXème siècle, les plus sanglantes de toute l’Histoire, aurait dû motiver la bonne entente dans l’égalité, la liberté et la fraternité. L’Algérie dès la fin du XIXème siècle avait été départagée entre trois départements français. Mais l’auteur dira lui-même : « Ni les numides, ni les barbaresques n’ont enfanté en paix dans leur patrie… ».

Dans sa correspondance régulière avec les ressortissants de l’école d’Alger, aussi ses amis, Kateb Yacine fait bel et bien état de son engagement et a à cœur d’aboutir. Il voudrait les gagner à sa cause. Son registre épistolaire est franc mais aussi empreint d’une très grande courtoisie, comme quelqu’un qui a su manier l’écriture en français dans le style des grands de la métropole depuis Hugo. Il a fait de son premier roman une fresque réaliste car il a lui-même par son cursus professionnel connu les difficultés du peuple, qu’il soit français ou algérien, aussi de par son appartenance tribale. C’est peut-être même le point commun irréductible : les petites gens. Dans Nedjma, une certaine amertume, légitime, ressort du récit ; en témoigne l’extrait au chapitre 8 de la partie IV qui relate les vicissitudes du patriarche Si Mokhtar, loin d’être innocent, dans les répressions du 8 mai 1945 où deux vers inventés, qui passent pour violemment ironiques, se gravent dans les mémoires :

• Vive la France / Les arabes, silence !

Une lettre de l’écrivain, dans Alger républicain de 1948, dénonce un peu le cénacle des intellectuels qui, curieusement, ont peine à admettre la culture arabe comme culture nationale et d’autant moins la culture berbère. Ils prêcheraient une cohabitation des deux cultures mais l’Histoire atteste que la simple cohabitation ne suffit pas à s’accepter et à se respecter. Les traumatismes perdurent dans la mémoire collective. Les algériens ont été considérés durant la colonisation comme habitants de second ordre, les autochtones étant repoussés jusqu’au désert saharien. Dans le fond, il reste toujours une appréhension voire une répulsion chez le français de la culture islamique. Cette étude reste donc d’actualité. Les Berbères, de leur côté, replié dans leur folklore « témoignent de la diversité du peuple algérien non de l’incompatibilité de ses races » ni d’une adversité avec la culture commune. « Berbères et arabes sont définitivement mêlés en Algérie depuis au moins quatre siècles » ajoute l’auteur. Nous savons en effet que les premiers habitants de l’Algérie sur la côte ont été les Berbères, ‘chrétiens’ d’abord, convertis à l’islam ensuite, se soumettant à la puissance du moment. Ils sont donc porteurs d’un héritage à la fois chrétien et musulman, ce qui n’est pas sans avoir impacté sur leur ouverture d’esprit.

Aussi l’auteur n’est-il pas dupe des apparences de décolonisation qui masqueront par la suite juste une volonté politique de simple changement de tutelle. La richesse de leur sol attire on le sait. La Culture à elle seule ne saurait résister aux Goliath modernes comme nous pouvons le constater au quotidien. Le Roman est d’ailleurs rédigé en pleine guerre d’Algérie. Sous la plume de Kateb, ce sont les paysans qui caricaturent l’inanité des guerres et des luttes, où l’on ne sait plus qui est en désaccord avec qui et pourquoi l’on se bat ; cette anecdote mérite d’être relevée - cf. partie VI chapitre 2 :

« Est-ce la Diane ou la guerre sainte ? Un paysan tranche d’un coup de sabre le bras d’un étudiant sans coiffure qu’il a pris pour un européen ». Ah l’identité cette chose floue !

Nedjma elle-même devient l’Etrangère dans le roman écrit

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