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La mise en place du théâtre

Commentaire d'oeuvre : La mise en place du théâtre. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Novembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  8 140 Mots (33 Pages)  •  520 Vues

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Intérêt de l'action

Genre et originalité : De même que la photographie a libéré la peinture, le cinéma a libéré le théâtre d'un certain nombre de conventions et par une évolution commencée par Apollinaire et les surréalistes, est apparu, après la Seconde Guerre mondiale, un nouveau théâtre qui avait été illustré d’abord par “La cantatrice chauve” d’Ionesco qui avait fait scandale en 1950, un théâtre d'avant-garde qui est un anti-théâtre parce qu'il refuse :

- le sujet précis ;

- la structure exposition-nœud-dénouement ;

- la primauté de la parole ;

- la peinture d'un milieu réel ;

- des personnaqes représentatifs de la nature humaine.

À la représentation d'une de ces «anti-pièces», tout se passe comme s'il s'agissait d'une pièce ordinaire, mais tout ce que nous pouvions attendre est subtilement ou brutalement contredit. On voit l'envers d'une pièce classique, grâce à des techniques nouvelles qui permettent l'assouplissement du langage dramatique, la liberté du ton, qui ont un qrand pouvoir de déconditionnement.

Fonctionnement : À première vue, on peut estimer qu’il ne se passe rien, que Vladimir et Estragon ne font que «montrer en quoi consiste le fait d’être là... tout se passant comme si les deux vagabonds se trouvaient en scène sans avoir de rôle» (Robbe-Grillet). En fait, le résumé de cette pièce, tour à tour burlesque, insolite et tragique, permet de faire ressortir les différences entre les deux actes. Mais pourquoi faut-il qu'il y en ait deux?

L'action est réduite au minimum, il n'y a pas de nœud, il n'y a pas de coup de théâtre ; on suit l'enchaînement monotone et absurde de certains faits, de situations expressives de la pensée de l'auteur. Il n'y a d'autres péripéties qu'à chaque acte un passage de Pozzo et Lucky (pages 33-34, 129-154) qui permet de le découper en trois séquences (découpage plus cinématographique que théâtral), que la tentative d'Estragon de se suicider. L'intensité du premier acte est moins grande que celle du deuxième.

Les temps forts sont ceux où s'exprime l'attente de Godot (le refrain : «On attend Godot» répété par Vladimir, pages 20, 80, 101, 106, 115, 120, 131 - «J'attends Godot», dit par Estragon, pages149, 160 - l'attente éternelle, page 21) qui se prolonge d'un acte à l'autre ; ceux où se trouvent Pozzo et Lucky ; ceux où il est question du suicide (pages 25-27 : la discussion est une explication de logique qu'Estragon fait à Vladimir – pages 161-162 : l'absence de corde clôt vite la discussion) ; où le garçon vient décevoir leur attente.

Les temps faibles sont ceux des bavardages qui ne servent qu'à passer le temps (d'où la nécessité de «renvoyer la balle», page 18), qui débouchent souvent sur le silence, tout retournant au néant pendant une seconde.

Pour Robbe-Grillet, c'était «une pièce vide mais qui, pourtant, tient sans un creux, un no man's land où tout se répète». C'est un «théâtre immobile» où le corps ne bouge pas car «manœuvrer dans le monde, c'est l'accepter» (Ludovic Janvier). Cette immobilisation du corps permet «la seule affirmation supportable : celle de la parole qui parle la négation et l'exil» (Ludovic Janvier), Le rideau tombe sur des personnages figés (page 163), car la fin ne peut apporter de solution à un problème insoluble.

Les deux actes sont construits de façon semblable : chaque fois, Vladimir et Estragon sont d'abord seuls, Pozzo et Lucky passent, Vladimir et Estragon sont de nouveau seuls, le garçon survient et annonce que Godot ne viendra pas, Vladimir et Estragon, seuls, s'immobilisent. On peut donc remarquer que, pouvant se faire en trois séquences, le découpage est plus cinématographique que théâtral.

On peut aussi se demander pourquoi faut-il qu'il y ait deux actes puisqu'il n'y a guère de progression de l'un à l'autre : le lendemain n’est-il pas la répétition de la veille et, on peut le craindre, de l'avant-veille, de tous les jours? En fait, des feuilles ont poussé à l'arbre ; de la carotte (page 31) on est passé au radis (page 115) ; la situation de Pozzo et de Lucky s'est détériorée : ils ont vieilli, Pozzo est devenu aveugle et Lucky est muet ; la corde est toujours là, mais juste un peu plus courte pour permettre à Pozzo de suivre son esclave qui est coiffé d'un nouveau chapeau ; Estragon est plus irascible mais, par contre, admet qu'il attend Godot. La ritournelle du genre qui-se-mord-la queue (pages 96-97) est emblématique de la circularité de la pièce.

Il reste que le deuxième acte est tout à fait nécessaire :

- Il faut que la dramaturgie soit cyclique pour que les personnages soient pris dans le cercle vicieux de la répétition («Dis, tu es bien sûr de m'avoir vu, tu ne vas pas me dire demain que tu ne m'as jamais vu?» page 160) qui lance le système dans un mouvement perpétuel, le rideau pouvant se relever sur une troisième journée, sur une quatrième, sur une cinquième, à l'infini (dans certaines mises en scène, un troisième acte est commencé puis rapidement avorté).

- Ensuite, il faut montrer la dégradation que le passage du temps fait subir aux personnages tandis que la nature reste soumise à son cycle immuable (c'est pourquoi l'arbre est soudain couvert de feuilles, 95, ce qui laisse les personnages sceptiques, page 111).

Le lieu est imprécis, l'espace est neutre («L’endroit te semble familier? -Je ne dis pas ça. - Alors?» page 21 - «À cet endroit.. Tu ne reconnais pas? ... Qu'est-ce qu'il y a à reconnaître?» page 103 - «Ne serait-on pas au lieudit La Planche?» page 147).

Surtout, le temps est incertain : Vladimir et Estragon ne sont jamais capables de trouver des repères lointains ou proches :

- repères lointains : «Il y a une éternité, vers 1900» (page 13) - «ça fait combien de temps que nous sommes tout le temps ensemble? -Je ne sais pas. Cinquante ans peut-être (page 90)» - «Il y a un demi-siècle que ça dure» (page 111) - «Ils ont beaucoup changé... Nous les connaissons, je te dis... À moins que ce ne soient pas les mêmes» (page 81). Tandis que Vladimir est plus sûr : «Nous avons été

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