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« La comédie, nous faisant laisser notre mélancolie à la porte, nous la rend lorsque nous sortons »

Dissertation : « La comédie, nous faisant laisser notre mélancolie à la porte, nous la rend lorsque nous sortons ». Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Novembre 2017  •  Dissertation  •  3 266 Mots (14 Pages)  •  769 Vues

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DISSERTATION

Aristote dans sa Poétique définit la tragédie comme « une imitation faite par des personnages en action (…) qui, par l’entremise de la pitié et de la crainte accomplit la purgation des émotions de ce genre », tandis qu’Horace dans L’art poétique forge ce qui deviendra une devise pour la comédie classique : castigat ridendo mores (« elle corrige les mœurs par le rire »). On voit donc que dès l’Antiquité, la différence principale entre comédie et tragédie réside dans les émotions que l’une et l’autre suscitent chez le spectateur. Aussi, l’affirmation d’Ariste dans Les amours de Psyché et de Cupidon en 1669 : « La comédie, nous faisant laisser notre mélancolie à la porte, nous la rend lorsque nous sortons » comme celle de Musset qui, dans Une soirée perdue, admire chez Molière : « [une] mâle gaieté, si triste et si profonde / Que, lorsqu'on vient d'en rire, on devrait en pleurer ! » sont-elles volontairement paradoxales, puisqu’elles vont à l’encontre de ces définitions selon lesquelles la tragédie se définit, dans la tradition aristotélicienne par la pitié et la crainte – deux sentiments qu’il conviendra de mettre en tension avec la notion de mélancolie convoquée par La Fontaine et surtout de tristesse évoquée par Musset et centrale dans notre question – et la comédie par le rire qu’elle génère. Il s’agit donc de se demander si la comédie doit se résumer à l’effet qu’elle produit, à savoir le rire, ou si elle peut faire naître sans se dénaturer un sentiment de tristesse. Autrement dit, la comédie n’est-elle, comme le suggère la proximité sémantique, qu’un genre comique, ou peut-elle engendrer une tristesse qui prétendrait à la dignité majestueuse que lui assigne Racine dans sa préface à Bérénice. Après avoir montré que la comédie est avant tout le théâtre du rire, nous verrons qu’elle peut susciter une certaine forme de tristesse qu’il importera de définir, pour enfin nous interroger sur la possibilité de dépasser ce jeu d’oppositions somme toute manichéennes (rire/larmes, gaieté/tristesse, grotesque/sublime…), au sein d’un genre littéraire qui s’est construit dès ses origines sur l’imitation du réel, par nature plus complexe et moins binaire.

Le mot « comédie » dérive du grec κωμῳδία (kōmōdía), qui se compose de κῶμος, (kōmos), (« célébration, procession ») et de ᾠδή, (ōdē) (« chant »). L’étymologie du mot, en l’associant aux célébrations et au chant, montre qu’il s’agit d’un art vivant et joyeux. De la farce au vaudeville, elle a pour but avoué de provoquer le rire du spectateur, et c’est même sa drôlerie qui semble a priori la définir.

En effet, une des dimensions majeures de la comédie est sa dimension comique, telle qu’elle apparaît par exemple dans L’Avare de Molière. Le personnage principal, Harpagon, incarne un type jusqu’à la caricature, il n’aime que son argent et c’est cette monomanie qui provoque le rire, il s’agit là de comique de personnage. Dans la même pièce, ce comique de personnage se double d’un comique de situation, par exemple lorsque l’avare découvre que son fils est un horrible dépensier, le fils que son père est un usurier :

« HARPAGON (à son fils) : Comment ! pendard, c’est toi qui t’abandonnes à ces coupables extrémités !

CLEANTE. — Comment ! mon père c’est vous qui vous portez à ces honteuses actions ! ».

Le comique de mot est présent également, dans les nombreuses insultes que profère Harpagon à l’encontre de son cuisinier ou de son fils, et le comique de geste dans la succession de mimiques, sévères puis gaies, qui rythment son échange avec Frosine.

Ainsi, la comédie se sert de tous les procédés à sa disposition pour susciter le rire du spectateur, qui est sa raison d’être.

Par ailleurs, à la différence de la tragédie, les enjeux de la comédie sont plus légers puisque dans ce genre codifié le dénouement sera heureux, et le spectateur le sait. Dans une tragédie classique – qu’il est anachronique de désigner ainsi puisque le terme de « classicisme » fut inventé par Stendhal – le sort s’acharne pour mener à une issue fatale. À l’inverse, dans une comédie classique telle que Le Bourgeois gentilhomme, même si la situation paraît par moments inextricable, on ne craint jamais vraiment que le mariage entre Cléonte et Lucile ne soit empêché. Les affrontements ont lieu entre des personnages archétypaux qui permettent de ne pas pousser trop avant l’identification avec eux ainsi que de désamorcer le conflit : malgré les continuelles disputes qui constituent un ressort comique, pas un instant l’on ne craint que Monsieur Jourdain ne fasse réellement de mal à Nicole, la violence n’outrepassera les injures. Une pièce tragique comme une pièce comique commence par une intrigue qui se noue, mais dans la comédie elle se dénouera sans drame, par la ruse du personnage qui est le plus sympathique au spectateur ou même par l’intervention d’un deus ex machina, quand dans la tragédie elle deviendra peu à peu inextricable jusqu’à ne plus pouvoir se résoudre autrement que par la mort d’un ou plusieurs personnages.

Ainsi, des enjeux légers, des personnages archétypaux et la promesse d’un dénouement heureux sont les éléments clefs de la comédie, et ce sont eux qui lui permettent de susciter le rire du spectateur.

Enfin, dans la comédie, le dramaturge tourne en dérision ses personnages, c’est même là le propre du genre. Il y a là une visée pédagogique, le personnage éponyme exagérément malhonnête au point d’en devenir caricatural du Tartuffe est un message qu’adressait Molière aux directeurs de conscience de son temps, moins visiblement fourbes mais donc plus pernicieux que le personnage qu’il ridiculise, ainsi qu’à tous ceux parmi ses spectateurs qui se laissaient dicter leur conduite par l’un de ces dévots. Mais cette représentation caricaturale de personnages archétypaux, si elle a pour but de corriger les mœurs, ne peut y parvenir qu’en suscitant le rire : castigat ridendo mores. Le dramaturge tourne un défaut en ridicule en le caricaturant démesurément, et par le rire, il fait ainsi réfléchir son spectateur qui se remet en question.

Ainsi, le rire est une des principales raisons d’être de la comédie, parce qu’il sert sa visée pédagogique, qui dès l’Antiquité apparaît nécessaire au genre. La comédie est envisagée comme ayant un rôle moral et social à jouer, et celui-ci ne peut s’exercer que si le rire du public lui permet

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