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La comédie française

Fiche : La comédie française. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Avril 2016  •  Fiche  •  520 Mots (3 Pages)  •  450 Vues

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Document complémentaire : le théâtre

Du texte à la scène

Denis PODALYDES

COMEDIE-FRANCAISE, 2006

La scène du balcon est une scène de conte qui n’a rien de réaliste. Roxane devrait reconnaître immédiatement la voix de son cousin Cyrano, avec lequel – ils le rappellent tous deux dans l’acte précédent – elle a passé quelques moments d’enfance inoubliables. Sans doute la reconnaît-elle d’ailleurs d’ailleurs, dans cet endroit enfoui de son cœur où elle n’a jamais aimé que lui, mais elle s’en rendra compte beaucoup plus tard…

A cet instant, elle a simplement envie de se laisser séduire par une chimère, une voix dans un autre corps, ce composé Cyrano-Christian qui lui offre peut-être ici le seul vrai moment d’amour et d’érotisme de sa vie. Le magnifique chant sentimental que Cyrano fait naître devient pure illusion théâtrale. Nous avons poussé la logique du rêve jusqu’à faire flotter Roxane dans les airs, portée par ce langage cyranesque.

L’impression récurrente que Cyrano appartient davantage à l’univers du conte qu’à  une quelconque réalité historique a déterminé nos choix scénographiques : costumes et décors superposent les XVIIème et XIXème siècles. L’époque finissante à laquelle fut composé Cyrano adorait se projeter dans les temps antérieurs, où elle trouvait paradoxalement sa modernité.

Rostand était influencé par l’opéra-comique, alors très à la mode ; plus que par Corneille et Molière, à mon sens. Le théâtre de cette fin de siècle se mêlait souvent à la musique. On le sent dans l’écriture en alexandrins, qui fait de la pièce une partition autant musicale que dramatique.

L’alexandrin est un atout de jeu considérable, qui apporte une puissance d’évocation, un humour insolent et délirant, un rythme vif, des contrastes abrupts. Il exige des acteurs précis, virtuoses et unis, accordés comme des instruments.

Ceux-ci ne doivent pas rompre la continuité (parfois dissonante) du vers, tout en respectant sa construction, qui le partage parfois entre cinq personnages, explosant toutes les règles poétiques !

Quant au traditionnel panache dont on dote Cyrano, il est certainement l’envers d’une mélancolie et d’une folie qu’il faut incarner.

C’est un homme qui ne s’accomplit que dans et par les mots (à l’instar de son auteur) ; ses mots l’emportent, le dépassent, libèrent sa gaieté et son ironie et le mettent souvent en danger. Il s’enivre de ses trouvailles verbales, avant de retomber dans la réalité pesante et laide qu’il représente à ses propres yeux…

Le comique du personnage est la résultante d’une vibration tragique, d’une blessure initiale : la plaie qu’est son nez, qui le précède en tous lieux.

Cyrano garde la puissance des grands mythes, qui nourrissent l’imaginaire le plus enfantin en même temps que le plus cultivé. Le mélange des genres et des styles (comique potache, profonde tristesse, délicatesse mallarméenne, inventions oulipiennes) fait le génie de cette pièce, monstre unique dans le répertoire.

Une page entre le XIXème et le XXème siècle commençant se tourne à l’intérieur même de l’œuvre, qui contient ce que le cinéma rendra possible : l’action en grand, la représentation des sentiments au milieu d’une humanité profuse, comme Edmond Rostand ne cesse de la montrer. Moins d’un siècle plus tard, il aurait sans doute rejoint Hollywood…

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