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La Peste Lecture Analytique

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Par   •  23 Septembre 2014  •  1 975 Mots (8 Pages)  •  1 024 Vues

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Camus - La Peste - "le prêche de Paneloux" -

 

 

 Lecture du texte

 

Au bout de sa longue période, le père Paneloux s'arrêta, les cheveux sur le front, le corps agité d'un

tremblement que ses mains communiquaient à la chaire et reprit, plus sourdement, mais sur un ton

accusateur : « Oui, l'heure est venue de réfléchir. Vous avez cru qu'il vous suffirait de visiter Dieu le

dimanche pour être libres de vos journées. Vous avez pensé que quelques génuflexions le paieraient

bien assez de votre insouciance criminelle. Mais Dieu n'est pas tiède. Ces rapports espacés ne

suffisaient pas à sa dévorante tendresse. Il voulait vous voir plus longtemps, c'est sa manière de vous

aimer et, à vrai dire, c'est la seule manière d'aimer. Voilà pourquoi, fatigué d'attendre votre venue, il a

laissé le fléau vous visiter comme il a visité toutes les villes du péché depuis que les hommes ont une

histoire. Vous savez maintenant ce qu'est le péché, comme l'ont su Caïn et ses fils, ceux d'avant le

déluge, ceux de Sodome et de Gomorrhe, Pharaon et Job et aussi tous les maudits. Et comme tous

ceux-là l'ont fait, c'est un regard neuf que vous portez sur les êtres et sur les choses, depuis le jour où

cette ville a refermé ses murs autour de vous et du fléau. Vous savez maintenant, et enfin, qu'il faut

venir à l'essentiel. »

Un vent humide s'engouffrait à présent sous la nef et les flammes des cierges se courbèrent en

grésillant. Une odeur épaisse de cire, des toux, un éternuement montèrent vers le père Paneloux qui,

revenant sur son exposé avec une subtilité qui fut très appréciée, reprit d'une voix calme : « Beaucoup

d'entre vous, je le sais, se demandent justement où je veux en venir. Je veux vous faire venir à la vérité

et vous apprendre à vous réjouir, malgré tout ce que j'ai dit. Le temps n'est plus où des conseils, une

main fraternelle étaient les moyens de vous pousser vers le bien. Aujourd'hui, la vérité est un ordre. Et

le chemin du salut, c'est un épieu rouge qui vous le montre et vous y pousse. C'est ici, mes frères, que

se manifeste enfin la miséricorde divine qui a mis en toute chose le bien et le mal, la colère et la pitié,

la peste et le salut. Ce fléau même qui vous meurtrit, il vous élève et vous montre la voie.

« Il y a bien longtemps, les chrétiens d'Abyssinie voyaient dans la peste un moyen efficace,

d'origine divine, de gagner l'éternité. Ceux qui n'étaient pas atteints s'enroulaient dans les draps des

pestiférés afin de mourir certainement. Sans doute cette fureur de salut n'est-elle pas recommandable.

Elle marque une précipitation regrettable, bien proche de l'orgueil. Il ne faut pas être plus pressé que

Dieu et tout ce qui prétend accélérer l'ordre immuable, qu'il a établi une fois pour toutes, conduit à

l'hérésie. Mais, du moins, cet exemple comporte sa leçon. A nos esprits plus clairvoyants, il fait valoir seulement cette lueur exquise d'éternité qui gît au fond de toute souffrance. Elle éclaire, cette lueur, les

chemins crépusculaires qui mènent vers la délivrance. Elle manifeste la volonté divine qui, sans

défaillance, transforme le mal en bien. Aujourd'hui encore, à travers ce cheminement de mort,

d'angoisses et de clameurs, elle nous guide vers le silence essentiel et vers le principe de toute vie.

Voilà, mes frères, l'immense consolation que je voulais vous apporter pour que ce ne soient pas

seulement des paroles qui châtient que vous emportiez d'ici, mais aussi un verbe qui apaise. »

On sentait que Paneloux avait fini. Au-dehors, la pluie avait cessé. Un ciel mêlé d'eau et de soleil

déversait sur la place une lumière plus jeune. De la rue montaient des bruits de voix, des glissements de

véhicules, tout le langage d'une ville qui s'éveille. Les auditeurs réunissaient discrètement leurs affaires

dans un remue-ménage assourdi. Le père reprit cependant la parole et dit qu'après avoir montré

l'origine divine de la peste et le caractère punitif de ce fléau, il en avait terminé et qu'il ne ferait pas

appel pour sa conclusion à une éloquence qui serait déplacée, touchant une matière si tragique. Il lui

semblait que tout devait être clair à tous. Il rappela seulement qu'à l'occasion de la grande peste de

Marseille, le chroniqueur Mathieu Marais s'était plaint d'être plongé dans l'enfer, à vivre ainsi sans

secours et sans espérance. Eh bien ! Mathieu Marais était aveugle ! Jamais plus qu'aujourd'hui, au

contraire, le père Paneloux n'avait senti le secours divin et l'espérance chrétienne qui étaient offerts à

tous. Il espérait contre tout espoir que, malgré l'horreur de ces journées et les cris des agonisants, nos

concitoyens adresseraient au ciel la seule parole qui fût chrétienne

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