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La Guerre

Analyse sectorielle : La Guerre. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Février 2015  •  Analyse sectorielle  •  3 404 Mots (14 Pages)  •  495 Vues

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Le XX° siècle a commencé par une guerre terrible qui a pu passer pour la “der des ders”. Il a connu en son milieu une montée de la violence qui paraît, actuellement, se disséminer sur toute la surface de la Terre. Le génocide, nazi, khmer, hutu, paraît une spécificité de notre époque. On peut alors lire avec intérêt ce que soutenait Edgar Morin dans Le paradigme perdu : la nature humaine (1973, Points n°109, p.202) :

« La guerre est beaucoup plus qu’agression et conquête, c’est une suspension des contrôles de « civilisation », un déchaînement ubrique des forces de destruction. Et quand s’opposent, dans le jeu de la vie et de mort, non seulement des intérêts et des fureurs, mais aussi le sens de ce qui est sacré et maudit, de ce qui est juste et de ce qui est vrai, lorsque les dieux combattent avec les armées, le déferlement va jusqu’au génocide. »

Le sociologue français commence par nier une définition possible de la guerre qui comprendrait deux caractères, à savoir l’agression, c’est-à-dire la violence exercée et la conquête, autrement dit l’occupation d’un territoire autre. Il est clair qu’on va de l’une à l’autre mais non inversement. On peut agresser sans conquérir. Le caractère fondamental qui se surajoute aux deux premiers selon Edgar Morin, c’est le déchaînement sans mesure des forces de destruction qui met à bas toutes les règles qui canalisent la vie en communauté chez les humains. Il faut comprendre que la guerre manifeste un degré de violence supérieur à la simple agression. Le choix du néologisme ubrique pour nommer la démesure renvoie à l’ancien grec hybris qui désigne la démesure, faute morale par excellence dénoncée dans la tragédie. On semble donc arriver là à une sorte de violence absolue qui définit la nature même de la guerre. Mais la guerre selon lui admet des degrés dans la violence extrême selon les motifs. Des motifs neutres moralement : intérêt ou fureur, bref, froid calcul ou passion qui forment la guerre ordinaire. Et puis des motifs “moraux” ou qui engage une représentation de notions morales ou religieuses : le sacré, le juste, le vrai, la cause des dieux. Ce sont eux qui conduisent au pire : le génocide. Il faut entendre par génocide la série d’actes qui visent à éliminer en connaissance de cause une population définie par certains critères. En l’occurrence, il s’agit ici de tous ceux qui n’adhérent pas à une certaine représentation d’une morale ou d’une religion, d’une représentation considérée vraie du monde ou d’une certaine représentation de la divinité.

Il y a dans le propos d’Edgar Morin un paradoxe apparent. Comment le motif moral ou le motif religieux, voire la représentation du vrai, qui paraît justement ce qui doit limiter la guerre et/ou la fonder dans un objectif déterminé, pourrait-il conduire au génocide, c’est-à-dire à la volonté d’éradication d’un peuple ? À l’inverse, comment le motif moral, le motif religieux, le motif idéologique pourrait ne pas conduire au génocide si justement l’autre est en faute, c’est-à-dire commet volontairement une erreur ? S’il ne reconnaît pas la vérité, il est absolument coupable et ne mérite pas de vivre disent en chœur les fanatiques.

La guerre est-elle donc une violence démesurée qui conduit au génocide lorsque se mêle des motifs moraux, religieux ou idéologiques ou bien est-elle bien plutôt l’expression d’une violence pure en l’homme ou a-t-elle fondamentalement un motif politique pour fin ? Autrement dit, qu’est-ce qui pousse la guerre à une violence inouïe ?

En nous appuyant sur Les Perses d’Eschyle, le livre I De la nature de la guerre de De la guerre de Clausewitz et Le Feu de Barbusse, nous verrons en quoi le motif religieux ou idéologique rend la guerre génocidaire, puis ce qui la constitue comme violence pure avant de faire sa part à la dimension politique.

La thèse d’Edgar Morin est donc que la violence guerrière est d’autant plus forte que l’intérêt ou la passion se voit accompagner d’un motif religieux, moral ou idéologique. Comme il s’agit non pas de rationalité mais de croyances, voire de foi, l’autre, l’ennemi, ne peut qu’être un partisan du mauvais sacré, de l’immoralité, de l’erreur. On rejettera sur lui toutes les fautes, on niera son humanité. On peut ainsi distinguer des formes de guerre en fonction de leur violence qui n’est pas toujours la même. Ainsi, les grands types de guerre selon Clausewitz qui constitue les degrés sont la simple observation jusqu’à la guerre d’extermination (chapitre 1 Qu’est-ce que la guerre, 11, p.32). Le motif de la première est quelque chose comme la simple intimidation, voire une visée territoriale limitée à une province. La seconde implique un motif plus ferme qui reste assez obscure chez notre auteur puisqu’il parle de « motifs de guerre (…) grandioses et puissants » (chapitre 1, 25, p.44). De même Eschyle oppose les guerres de Darios à la guerre de Xerxès à la fois lorsque l’ombre du roi apparaît et dans le dialogue finale entre le chœur et Xerxès revenu vaincu. Cette opposition plutôt poétique qu’historique montre des degrés dans la guerre. Pour les Perses, la guerre vise l’accumulation de la richesse comme le montrent les craintes de la Reine relative à celle accumulée par son défunt mari et roi (cf. v.162-164). Mais Xerxès a fait preuve de démesure selon l’ombre de son défunt père (v.808, 821). On trouve le motif religieux dans le chant de guerre des Athéniens au moment où ils passent à l’attaque. Il s’agit de délivrer les autels des dieux (Les Perses, v.404). On peut voir qu’il s’agit aussi dans la première guerre mondiale d’un affrontement de peuples où l’autre est vermine comme le dit Tirloir des officiers allemands « pas des hommes, des monstres. » (II Dans la terre, p.87). La discussion sur les armes légitimes ou non déclenché par la question de l’usage du gaz par les Allemands montre une sensibilité à des différences dans les violences dans la guerre. S’il y a donc bien des degrés de violence dans la guerre, en quoi sont-ils liés à des motifs différents ?

Le motif le plus puissant est bien celui qui met en jeu des notions morales ou politiques. On le voit notamment dans la violence antiallemande dans le roman de Barbusse. Ainsi le caporal Bertrand qui, d’un côté relate un combat ravalant les hommes au statut de bête et le justifiant par l’avenir (XX Le feu, p.339-340). C’est ainsi que la violence qui provient de la démesure est du côté de ceux qui détruisent les temples des dieux dans la tragédie d’Eschyle. Le peuple tout entier d’Athènes est menacé de disparition comme l’a été le peuple de Milet, vaincu par les Perses et réduits

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