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La Curée

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Par   •  25 Mai 2014  •  2 169 Mots (9 Pages)  •  631 Vues

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L’Ecole des femmes, en 1662, est la première grande pièce de Molière qui sort du genre de la farce pour s’attaquer à une vraie comédie. Il aborde un sujet qui va déranger les bien-pensants : le droit au plaisir et au choix du partenaire pour la femme ! Aussitôt, c’est le succès, le public afflue au théâtre du Palais-Royal et cela au grand dam des Grands Comédiens de l’Hôtel de Bourgogne. Les dévots et les pédants s’en mêlent et s’indignent contre « l’obscénité » et « l’irréligion » de la pièce. C’est la première cabale essuyée par le dramaturge, connue sous l’expression La Querelle de L’Ecole des femmes ! Mais, le sieur Poquelin a de la ressource et de la malice : il rétorque en 1663 à ses adversaires par une courte pièce en un acte, La Critique de L’Ecole des femmes, où il met en scène ses opposants et reprend leurs critiques. Dans la scène 5, on voit débattre un partisan de la pièce, le chevalier Dorante, avec un contradicteur, un marquis. La scène se passe chez une mondaine, Uranie. Ce qui fait tout le sel de cette scène, c’est qu’au lieu de répondre à ses ennemis par un discours de défense, Molière a l’habileté de les mettre en scène puisqu’ils ont été aussi ses spectateurs. On verra comment il transforme un débat en comédie et comment il présente la défense de sa pièce à travers les propos de Dorante, en faisant l’éloge du parterre qui lui a fait un triomphe.

I) La comédie de la comédie

A) Une joute verbale mondaine, vide de sens et de fond

- La scène est dans un salon mondain et aristocratique dont la maîtresse de maison est Uranie, un prénom de précieuse ! Dorante entre in media res d’un débat sur la pièce de Molière. Il signale que ce sujet est à la mode : « Vous êtes là sur une matière qui, depuis quatre jours, fait presque l’entretien de toutes les maisons de Paris » Molière fait dire de sa pièce qu’elle crée l’événement à Paris et que, par conséquent, le sujet est d’importance. Dorante annonce la tonalité du débat qui va suivre : « On n’a rien vu de plus plaisant que la diversité des jugements qui se font là-dessus ». L’adjectif « plaisant » sera bien ce qui va caractériser le dialogue de cette scène et en faire une aimable comédie malgré l’opposition des points de vue. Molière entend disputer en honnête homme avec pour le représenter Dorante, lui-même honnête homme !

- La querelle s’amorce sur un mot du marquis pour juger la pièce, c’est l’adjectif « détestable ». Le vide de son discours est renforcé par la répétition sous forme de variations précieuses : « Je la trouve détestable ; morbleu ! détestable du dernier détestable ; ce qu’on appelle détestable. » La répétition, associée ensuite à une exclamation (« Parbleu ! ») ou à une question destinée à gagner du temps (« Pourquoi elle est détestable ? »), dans un vain effort pour trouver une explication, appartient au comique de mot. Enfin l’explication arrive et c’est une tautologie : « Elle est détestable, parce qu’elle est détestable. » Le marquis se contente d’une appréciation affective négative et Dorante ne se prive pas de le souligner en reprenant par jeu le mot « détestable » et en le retournant contre celui qui l’emploie de manière mécanique : « Et moi, mon cher marquis, je trouve le jugement détestable. » Jusque là, la discussion n’a pas avancé d’un pouce et montre plutôt l’incapacité d’analyse du marquis.

- Ce qui est amusant, c’est le malin plaisir que prend Dorante à pousser le marquis dans ses retranchements par un questionnement pressant destiné à l’embarrasser et à faire éclater son ignorance, sa sottise et ses préjugés. La question « mais, Marquis, par quelle raison, de grâce, cette comédie est-elle ce que tu dis ? » suivie d’une injonction « Mais encore instruis-nous, et nous dis les défauts qui y sont » amène le marquis à avouer qu’il n’a pas d’opinion personnelle, qu’il n’a pas écouté (compris ?) la pièce et qu’il s’aligne sur l’avis d’un certain Dorilas. Pire, il finit par avouer qu’il déteste la pièce parce qu’elle réjouit le parterre, c’est-à-dire le peuple. C’est donc bien un préjugé de classe qui guide sa critique et non son intelligence ou son goût.

Un petit marquis avec rhingrave, canons, baudrier, souliers à talons rouges

B) La caricature dans la caricature

- Dorante se lance alors, dans sa réponse, dans un portrait ironique et caricatural d’un de ces « Messieurs du bel air » qui serait fâché d’avoir ri avec le parterre « fût-ce de la meilleure chose du monde ». Ce portrait à charge est tiré de la réalité. (Voir note ci-dessous, avant II)

- Ainsi ce personnage raillé par Molière portait même un nom ridicule dans la réalité : Plapisson ! Mais revenons à la composition de ce portrait. Toutes les formes de comiques sont ici convoquées. D’abord, le comique de geste ou de comportement en opposition volontaire avec les réactions communes : « Il écouta toute la pièce avec un sérieux le plus sombre du monde ; et tout ce qui égayait les autres ridait son front. A tous les éclats de rire, il haussait les épaules, et regardait le parterre en pitié ». Ensuite, le comique de situation car ce beau monsieur, spectateur privilégié assis sur scène, se donne lui-même en représentation et déchaîne les rires du public populaire. Puis, prend place le comique de mot quand le personnage s’adresse au parterre : « Ris donc, parterre, ris donc ! » ce qui ne peut que renforcer l’hilarité du dit parterre à cause de la métonymie et de la répétition amusante. Enfin arrive le comique de mœurs car cet aristocrate « regardait le parterre en pitié » autrement dit avec mépris, ce qui est bien significatif de la morgue des privilégiés de l’ancien régime.

- Un deuxième portrait, collectif, celui-là, prend place dans la deuxième tirade de Dorante. Il s’en prend cette fois aux « marquis de Mascarille » ce qui constitue un autocitation de la part de Molière. Le ton est plus polémique, ce que marque le verbe « j’enrage ». Il s’agit de montrer la fatuité de ces petits marquis qui croient faire l’opinion et qui sont incompétents et font tout à contresens : « qui dans une comédie se récrieront

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