L'éclipsée

L'ÉCLIPSÉE

Je n'avais jamais vraiment aimé le noir, et malheureusement je me retrouvais vêtue de noir. Alors que je me serais bien baladée dans les jardins de mon petit village d' Ornans, il fallait que cette dame meurt. Et que l'on me force à assister à cette mise en terre. Pourquoi les adultes voulaient-ils toujours diriger ma vie ? Ne pouvaient-il pas me laisser tranquille ? C'était tout ce que je leur demandais. Il est vrai que je paraissais fragile avec mon teint pâle et ma petite taille. Mais il n'empêche que je n'avais pas besoin d'eux.

- Niiinaaa ! Tu as encore oublié ton sac de cours ! Tu es vraiment tête en l'air. Un jour ça te perdra.

Cette phrase fut la seule dite par ma mère, à mon égard, qui m'est restée. Ayant une attention elliptique, et une mémoire extrêmement courte, je ne pouvais tenir une conversation sur une longue durée. Car il aurait fallut me redire tous les jours ce qui avait été dit la veille. De ce fait, ma mère s'était résolue à ne me rappeler que ce qui était en rapport avec mes études, prétendant qu'elles étaient importantes.

Pour ma part, ma scolarité n'avait été qu'un amas de hontes. N'étant pas comme les autres petites pestes de mon âge, j'étais sans arrêt critiquée, méprisée, source de moqueries. En classe la place voisine à la mienne était toujours vide et je n'avais jamais eu de camarade à qui parler pendant le repas. En sport les élèves se battaient pour ne pas m'avoir dans leur équipe. Rejetée je me repliais sur moi même, comme une petite fleur en hiver. Mais cela ne me ressemblait pas, je ne voulais en aucun cas me soumettre aux railleries.

C'était pour cela que, inconsciemment, j'avais créé un monde. Mon monde. Où personne n'entrait, j'y faisais ce je voulais. C'était un peu mon royaume, mais je n'y étais pas reine car je n'avais jamais aimé l'idée d'une monarchie. Je l'avais appelé « mon idéal ».

Très vite je négligeais mes études. Très vite j'occultais le monde des humains, que j'avais appelé « éclipse » car j'y éclipsais tout. Très vite j' abandonnais ma mère à ses mourons pour moi. D'un égoïsme non caché je vivais, enfin, pleinement. Goûtant, dans mon monde, la joie de penser longuement sans rien omettre. Car « mon idéal » me le permettait.

Mais, très vite, je dû faire un choix. « l'éclipse » ou « mon idéal ». La réflexion sur cette question ne fut pas très longue. Je vivrai dans « mon monde », m'y consacrerai totalement. Ne laissant à « l'éclipse », par obligation, que mon corps vacant.

Les années défilèrent sans que je n'y prête vraiment attention. Jusqu'au jour où des éclipsiennes vinrent m'ôter de mes chimères. De noir vêtues elles m'accoutrèrent comme elles, pour m'emmener en haut d'une colline. Encore fatiguée je ne pus discerner lors du voyage qu' un mot : « morte ».

Je n'avais jamais vraiment aimé le noir, et malheureusement je me retrouvais vêtue de noir. Alors que je me serais bien baladée dans les jardins de mon petit village Ornans, il fallait que

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