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L'inquiétude, Malebranche

Cours : L'inquiétude, Malebranche. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Mars 2013  •  Cours  •  2 428 Mots (10 Pages)  •  883 Vues

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L’inquiétude

Malebranche

Les aspirations de l’âme humaine se limitent-elles à ces besoins déterminés, même informés, compliqués, sublimés par la vie en société ? Malebranche, reprenant la parole de saint Augustin : Inquietum est cor nostrum, Domine, donec requiescat in te [Notre cœur est sans repos, Seigneur, jusqu’à ce qu’il repose en toi (Confessions, I, 1)], nous montre qu’elles vont bien au delà, par suite de « la capacité infinie du cœur de l’homme ».

Ainsi notre volonté, toujours altérée d’une soif ardente, toujours agitée de désirs, d’empressements et d’inquiétudes pour un bien qu’elle ne possède pas, ne peut souffrir sans beaucoup de peine que l’esprit s’arrête pour quelque temps à des vérités abstraites qui ne la touchent point et qu’elle juge incapables de la rendre heureuse. Ainsi elle [l’agite et] le pousse sans cesse à rechercher d’autres objets : et lorsque dans cette agitation que la volonté lui communique, il rencontre quelque objet qui porte la marque du bien, je veux dire qui fait sentir à l’âme par ses approches quelque douceur et quelque satisfaction intérieure, alors cette soif du cœur s’excite de nouveau ; ces désirs, ces empressements, ces ardeurs se rallument ; et l’esprit, obligé de leur obéir, s’attache uniquement à l’objet qui les cause ou qui semble les causer, pour l’approcher ainsi de l’âme qui le goûte et qui s’en repaît pour quelque temps. Mais le vide des créatures ne pouvant remplir la capacité infinie du cœur de l’homme, ces petits plaisirs au lieu d’éteindre sa soif ne font que l’irriter, et donner à l’âme une sotte et vaine espérance de se satisfaire dans la multiplicité des plaisirs de la terre : ce qui produit encore une inconstance et une légèreté inconcevable dans l’esprit qui doit lui découvrir tous ces biens.

Il est vrai que lorsque l’esprit rencontre par hasard quelque objet qui tient de l’infini, ou qui renferme en soi quelque chose de grand, son inconstance et son agitation cessent pour quelque temps ; car reconnaissant que cet objet porte le caractère de celui que l’âme désire, il s’y arrête et s’y attache assez longtemps. Mais cette attache, ou plutôt cette opiniâtreté de l’esprit à examiner des sujets infinis ou trop vastes, lui est aussi inutile que cette légèreté avec laquelle il considère ceux qui sont proportionnés à sa capacité. Il est trop faible pour venir à bout d’une entreprise si difficile, et c’est en vain qu’il s’efforce d’y réussir. Ce qui doit rendre l’âme heureuse n’est pas pour ainsi dire la compréhension d’un objet infini, elle n’en est pas capable ; mais l’amour et la jouissance d’un bien infini dont la volonté est capable par le mouvement d’amour que Dieu lui imprime sans cesse.

Malebranche, De la Recherche de la Vérité (1674), Livre III, Ire Partie, chap. IV § II [éd. Geneviève Lewis, J. Vrin, p. 229 ; Pléiade pp. 313-314]

Locke

Le philosophe anglais John Locke (1632-1704), dans son Essai philosophique concernant l’entendement humain, rapproche désir et inquiétude (uneasiness) et définit celle-ci comme l’état d’un homme qui n’est pas à son aise et dont l’âme est agitée.

Cette traduction a été publiée en 1700. Le travail de Coste (1668-1747) a été revu par Locke lui-même.

L’inquiétude qu’un homme ressent en lui-même pour l’absence d’une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c’est ce qu’on nomme désir, qui est plus ou moins grand selon que cette inquiétude est plus ou moins ardente. Et ici il ne sera peut-être pas inutile de remarquer en passant que l’inquiétude est le principal, pour ne pas dire le seul aiguillon qui excite l’industrie et l’activité des hommes. Car quelque bien qu’on propose à l’homme, si l’absence de ce bien n’est suivie d’aucun déplaisir, ni d’aucune douleur, et que celui qui en est privé puisse être content et à son aise sans le posséder, il ne s’avise pas de le désirer et moins encore de faire des efforts pour en jouir. Il ne sent pour cette espèce de bien qu’une pure velléité, terme qu’on emploie pour signifier le plus bas degré du désir, et ce qui approche le plus de cet état où se trouve l’âme à l’égard d’une chose qui lui est tout à fait indifférente et qu’elle ne désire en aucune manière, lorsque le déplaisir que cause l’absence d’une chose est si peu considérable et si mince, pour ainsi dire, qu’il ne porte celui qui en est privé qu’à former quelques faibles souhaits sans se mettre autrement en peine d’en rechercher la possession. Le désir est encore éteint ou ralenti par l’opinion où l’on est que le bien souhaité ne peut être obtenu, à proportion que l’inquiétude de l’âme est dissipée ou diminuée par cette considération particulière.

J. LOCKE, Essai philosophique concernant l’entendement humain (1690), trad. Coste, Paris, Vrin, pp. 177-178.

Leibniz

Nouveaux essais sur l’entendement humain

LIVRE II : DES IDÉES

Chapitre XX : Des modes du plaisir et de la douleur

[GF. pp. 138-142]

§ 6. PHILALÈTHE. L’inquiétude (uneasiness en anglais) qu’un homme ressent en lui-même par l’absence d’une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c’est ce qu’on nomme désir. L’inquiétude est le principal, pour ne pas dire le seul aiguillon qui excite l’industrie et l’activité des hommes ; car quelque bien qu’on propose à l’homme, si l’absence de ce bien n’est suivie d’aucun déplaisir ni d’aucune douleur et que celui qui en est privé puisse être content et à son aise sans le posséder, il ne s’avise pas de le désirer et moins encore de faire des efforts pour en jouir. Il ne sent pour cette espèce de bien qu’une pure velléité, terme qu’on a employé pour signifier le plus bas degré du désir, qui approche le plus de cet état où se trouve l’âme à l’égard d’une chose qui lui est tout à fait indifférente, lorsque le déplaisir que cause l’absence d’une chose est si peu considérable qu’il ne porte qu’à de faibles souhaits sans engager de se servir des moyens de l’obtenir. Le désir est encore éteint ou ralenti par l’opinion où l’on est que le bien souhaité ne peut être obtenu à proportion que l’inquiétude de l’âme est

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