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L'horloge De Baudelaire

Dissertation : L'horloge De Baudelaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Juin 2014  •  4 351 Mots (18 Pages)  •  3 497 Vues

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www.comptoirlitteraire.com

André Durand présente

‘’L’horloge’’

poème de Charles BAUDELAIRE

dans

‘’Les fleurs du mal’’

(1857)

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit : «Souviens-toi !

Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon

Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

À chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix

D'insecte, Maintenant dit : ‘’Je suis Autrefois,

Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !’’

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.

Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !

Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,

Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),

Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !»

Commentaire

Avec cette menaçante horloge, qui adresse à chaque être humain un long discours d’avertissement, d’exhortation, d'exigence, Baudelaire reprit les thèmes pessimistes de la présence obsédante et de la fuite du temps, thèmes classiques dans la poésie romantique et dans ‘’Les fleurs du mal’’. Il usa d’accents qui, une fois de plus, rappelaient ceux des grands prédicateurs. On sent qu’il fixa toute son attention pour décortiquer le temps, en donner une description minutieuse, en analyser les éléments avec un acharnement qui semble tenir de la haine. En effet, si l’être humain est condamné à chérir le temps, car il est son bien le plus grand, il doit aussi le détester, car il le détruit et annonce sa fin.

Pour lui, le temps était démesurément long, parce qu’il était un oisif, un velléitaire qui, inlassablement, prenait chaque soir de bonnes résolutions qu'il ne tenait pas le lendemain, un mélancolique qui subissait le poids du spleen, de l'insupportable et maladif ennui, un impuissant incapable de vivre, d’agir, de voyager, de travailler, d’aimer. Aussi fit-il du temps «l'ennemi» (voir le poème de ce titre), le monstre qu'il lui fallait tuer : «Le Temps mange la vie,

Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur

Du sang que nous perdons croït et se fortifie !»

Dans ‘’Le goût du néant’’, il répéta :

«Et le Temps m’engloutit minute par minute,

Comme la neige immense un corps pris de roideur.»

Dans ‘’L'examen de minuit’’, au soir d’une journée incurieuse, au moment de rendre des comptes sur son emploi du temps, il dressa cet amer bilan : «La pendule, sonnant minuit,

Ironiquement nous engage

À nous rappeler quel usage

Nous fîmes du jour qui s’enfuit.»

Dans ‘’Spleen’’ (LXXVI), il se plaignit : «Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,

Quand sous les lourds flocons des neigeuses années

L’ennui, fruit de la morne incuriosité,

Prend les proportions de l’immortalité.»

Dans la ‘’Correspondance’’, on trouve ces regrets : «la fuite du temps, et comme il est mal rempli» (lettre du 25 décembre 1857) - «Ah, si j'avais su, quand j'étais jeune, la valeur du temps» (lettre du 19 février 1858).

D’autre part, certaines réminiscences évidentes ne permettant pas d’en douter, Baudelaire se souvint du poème d'’’España’’, de Théophile Gautier, qui porte le même titre.

Il traça ici la biographie banale d’un humain ordinaire en trois époques, qui sont comme les trois actes d’une tragédie :

- saison du plaisir (strophe 2) ;

- saison de la paresse, vie dépensée à ne rien produire (strophe 4) ;

- tardifs regrets d’avoir oublié les valeurs (strophe 6).

Par sa composition même, le poème est une image du temps : six quatrains d’alexandrins rythmés très régulièrement, aux rimes embrassées, ces vingt-quatre vers correspondant aux vingt-quatre heures d’une journée, le poème fonctionnant donc comme une mécanique d’horloge.

Examinons-le avec précision.

Première strophe

Comme si un défi était lancé contre elle, l'horloge est apostrophée, ainsi que l’indique le point d’exclamation. Elle personnifie évidemment le temps qui passe. Qualifiée de «dieu», elle pourrait être une représentation du dieu grec Chronos, dieu du temps qui, dans la tradition orphique, était figuré comme un serpent à trois têtes, l'une d'homme,

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