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L'etoile Du Belier

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Par   •  11 Mars 2013  •  10 478 Mots (42 Pages)  •  714 Vues

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L’ETOILE DU BELIER

ARAHO

CHAPITRE I

Quand je dus prendre conscience de moi, je n’étais pas plus haut que trois pommes. Un mois à peine et déjà j’arrivais à me tenir correctement sur mes quatre pattes. Ma toison blanche, peu touffue encore, me laissait fortement exposer aux intempéries. Heureusement pour moi, nous étions au mois de mai et les temps étaient forts cléments. J’attendais, alors avec impatience, le retour de ma mère des grands champs. Oh ! Mon seul plaisir était le soir quand elle rentrait, et que, gracieusement elle m’offrait ses mamelles tout gonflées. J’enfonçais mon museau entre ses cuisses et je les tétais de toutes mes forces. Le lait chaud coulait intarissablement dans ma gorge que je ne cessais de savourer ardemment. Dans mes précipitations, je donnais aveuglement des coups de tête qui faisaient crier certainement ma mère de douleur et qu’elle acceptait malgré tout, en levant irrésistiblement l’une de ses pattes de derrière comme si elle eut voulu me fuir.

Je vivais dans une grande ferme, perchée sur le dôme obtus d’une montagne stigmatisée par quelques rangées de pins, bordant un sentier en forme de piste, qui lors des pluies devenait impraticable. La piste sillonnait allègrement toute la longueur de la montagne pour rejoindre tout en bas la grande route bitumée.

C’est mon premier printemps dans ce monde et je me sens ivre d’y vivre. Ma mère est toute douceur pourtant je n’arrête pas de l’importuner par mes ruades et mes cabrioles saugrenues après avoir royalement rassasié ma faim.

La bergerie est spacieuse. Il y a un grand abri couvert d’une toiture en tuile rouge pour l’hiver, et au devant s’étale une grande cour où nous nous hébergions durant les temps doux. La nuit, blotti contre le flanc de ma mère, j’admire rêveusement les étincelantes étoiles dans le ciel. Ma mère ne cesse de me gronder à chaque fois qu’elle me surprend la tête levée vers le ciel. Elle croit que cela porte-malheur aux moutons de scruter avidement le ciel : « Les étoiles sont des aimants qui attirent à elles toutes les âmes flottantes !  » . Alors de peur, je fourrai mon museau tout à plat contre la terre dont je humai à pleins poumons ses senteurs acres, fraîches et toutes humides.

Au matin, lorsque le troupeau suivait le berger pour aller au champ, je demeurais avec d’autres agneaux, cloîtré au fond de l’enclos. La grosse et rousse fermière aux bottes noires venait nous rendre visite et remplissait le bac d’eau. Au passage, elle ne s’embarrassait pas de nous bousculer ardemment pour nous coller tout contre le mur. Une habitude machiavélique qui aurait eu tendance à nous faire valoir le poids de son autorité magistrale dans tous les domaines. Bien souvent, nous avions droit à la visite surprenante d’une jeune fille belle mais toute maigrichonne. Ses longs cheveux blonds flottaient derrière elle, librement au gré du vent. D’entres tous, elle avait une nette préférence pour moi. Elle prenait grand plaisir de m’attirer à elle, et, gentiment me blottissait entre ses genoux. Puis d’une voix fébrile et douce, elle me contait toutes ses misères et ses joies. Instinctivement, je comprenais presque tout ce qu’elle me disait, et tendrement, je compatissais à ses malheurs en y répondant par de petits coups de tête contre ses jambes.

« Je suis gravement malade ! Me dit-elle, en soupirant. Tu ne sais pas ce que c’est que d’être malade, toi ! Voir passé ses jours furtivement dans un climat emplie de solitude et de désespoir. Laisse tomber ! A quoi me servirait-il, de te raconter tout cela .Toi, Tu n’es qu’un petit animal et tu n’as nulle émotion qui puisse t’angoisser. Avant, j’étais presque comme tout le monde, malade mais inconsciente encore de mon mal. Tant que j’avais le bénéfice du doute, j’arrivais encore à vivre avec un certain naturel. Plus maintenant, l’étau se resserre, et chaque jour qui passe, m’étouffe un peu plus. Même mes copines me dénigrent et semblent se résigner à ma triste condamnation. Oh ! Je dois exagérément t’ennuyer avec toutes mes salades, mon petit chou ! Mais tu ne peux pas savoir combien je t’envie .Bientôt, tu pourras aller au champ et courir de toutes tes forces, librement, sans aucune retenue, l’esprit tranquille. Hier, j’ai appris que mes amies ont donné une fête et elles n’ont même pas pensé à m’y inviter. Il paraît que ma maladie leur fait tellement peur qu’elles n’osent plus me rendre visite. Oh ! Oui, cela est certain ! Je pense que je dois leur faire affreusement peur. »

Tristement alors, elle se mettait à gémir doucement comme si elle en avait suffisamment que trop pleuré. Je ressentais pour elle, beaucoup de compassion. Sa voix plaintive m’attristait à tel point que je me sentais quelque peu responsable de son malheur. Sensiblement coupable de ne pouvoir rien faire, ne serais-ce, que de lui apporter un semblant de réconfort et d’apaisement. Le don de la parole ne m’était malheureusement pas alloué pour accomplir cette noble action. Aussi, j’essayais tant bien que mal de lui témoigner ma tendresse en léchant bêtement ses mains et son beau visage. Elle m’enlaçait, m’étreignait frénétiquement dans ses bras en me baisant si affectueusement. Quand elle repartait, une détresse sans pareille m’envahissait, et, piteusement je me confinais dans quelque sombre coin, pour pleurer à mon tour, l’ignoble solitude qu’endurait ma chère amie.

Le fermier, un bonhomme rondelet, tout en chair, le visage jovial et rouge semblait avoir une attitude inhumaine et la fatidique maladie de sa fille ne reflétait nul signe d’émotion ou de tristesse. Lui, en passant, près de nous, avait une sale manie de nous palper avec ses rugueuses mains pour soupeser notre graisseuse évolution. Il fournissait aux tréteaux des brasées d’herbes sèches, les étalant par la suite habilement pour les mettre à notre portée. Cependant, j’avais le cœur lourd et nullement envie d’y goûter.

Elle se prénommait Janine, et devait avoir dans les seize ans. Pour autant que je dusse comprendre, son mal était incurable. Elle semblait s’y être résignée. Pourtant elle ne manquait pas un seul jour de nous rendre visite. Au fil du temps, sa présence me devint si familière et si intimement chère que je m’empressais ardemment de la voir venir.

Étrange

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